Une évasion à Natzweiler
Le camp-souche ne compte qu’une seule évasion réussie, le 4 août 1942. Il s’agit de cinq détenus (un Allemand, un Autrichien, un Tchèque, un Polonais et un Alsacien, qui connaît très bien la région), tous employés dans différents kommandos à l’hôtel du Struthof, donc en dehors de l’enceinte barbelée et électrifiée du camp principal. L’un est aux garages, où il entretient des véhicules SS, et les autres travaillent à la blanchisserie, encombrée d’uniformes à nettoyer, sans doute en raison de mauvaises conditions climatiques. Après un premier report, le projet, bien préparé, se concrétise le 4 août, bénéficiant de circonstances exceptionnelles. Grâce à la complicité de certains codétenus, les cinq hommes ont réussi à rassembler quelques vivres, de l’essence, une carte de la région et une boussole. Le commandant du camp, Egon Zill, est absent depuis quelques jours, de même que le SS-Obersturmführer Schlachter, qui supervise les travaux de la Bauleitung. Au début de l’après-midi, alors que l’orage menace, et après avoir coupé les fils du téléphone, deux d’entre eux revêtent des uniformes SS – dont celui de Schlachter – et prennent place à l’avant du véhicule de Schlachter. Winterberger est assis à la place du passager, les autres sont cachés à l’arrière. Ils franchissent la barrière de garde, située sur la route qui même au camp, en répondant au garde qui s’est mis au garde-à-vous en reconnaissant le véhicule, par un « Danke schön. Heil Hitler ! » Dans la descente, l’orage éclate, ce qui ne peut que les avantager. Traversant Natzweiler, Rothau, Schinneck et Grendelbruch, ils se dirigent vers Klingenthal, mais doivent faire demi-tour lorsqu’ils aperçoivent un camion du KL-Natzweiler. Ils choisissent de se diriger vers le col de la Charbonnière, abandonnement le véhicule à Châtenois et revêtent les vêtements civils qu’ils ont emportés. A une heure du matin, il passent à pied le col de Sainte-Marie-aux-Mines, en évitant la patrouille. Ils sont désormais en France occupée. Quand des gendarmes des Vosges les arrêtent trois jours plus tard, Winterberger leur crie qu’ils sont Français et évadés. Ce nouvel obstacle est franchi grâce aux connaissances communes avec Winterberger qu’a l’un des gendarmes, qui était avant la guerre en service à Molsheim. Christmann abandonne le groupe, les autres continuent ensemble jusqu’à la ligne de démarcation, et chacun suit alors son propre chemin. Winterberger rejoint l’Afrique du nord, en passant par l’Espagne, Mautner passe à Londres. Seul Christmann est rattrapé et ramené au KL-Natzweiler. Après plusieurs jours de tortures, il est pendu publiquement par Kramer, le 5 novembre 1942.
Le Document
Robert Steegmann, Struthof. Le KL-Natzweiler et ses kommandos : une nébuleuse concentrationnaire des deux côtés du Rhin 1941-1945, Strasbourg, Editions de la Nuée Bleue, 2005, p 362.
Robert Steegmann, Struthof. Le KL-Natzweiler et ses kommandos : une nébuleuse concentrationnaire des deux côtés du Rhin 1941-1945, Strasbourg, Editions de la Nuée Bleue, 2005, p 362.
Bibliographie
• « Il y a vingt-cinq ans, un Français libre réussissait la seule évasion du camp de Struthof », Revue de la France Libre, n° 70, septembre-octobre 1967.
• « Martin Winterberger », Revue de la France Libre, n° 284, 4e trimestre 1993.
• Charles Béné, Du Struthof à la France Libre, Fetzer, 1968.
• Charles Béné, L’Alsace dans les griffes nazies, Fetzer, 1971, tome 5 : « Organisations policières nazies et camps de déportation en Alsace », p. 219-295.