Les sections de l’étranger, par André Casalis
L’Association des Français Libres s’est fixé deux objectifs maîtres dès sa création. Aider et secourir les plus démunis de ses membres, ses malades, ses blessés, ses isolés et ses orphelins. Rassembler afin de pérenniser les valeurs qu’elle représente et poursuivre l’œuvre remarquable réalisée par les comités de l’étranger pendant le conflit.
Ces deux objectifs sont complémentaires puisque la solidarité, outre l’action des bénévoles, demande d’importants moyens financiers.
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Les sections métropolitaines, les plus nombreuses évidemment, connaissent dès l’origine de remarquables succès et quelques inévitables conflits locaux. Elles manifestent presque uniformément une grande solidarité avec les organes nationaux de l’AFL tout en conservant de bien naturels particularismes locaux. Elles affichent comme les autres une fidélité à toute épreuve à l’esprit Free French.
Les mêmes remarques, compte tenu de leur éloignement et des influences politiques qu’elles subiront plus tard, sont applicables aux sections dites d’outre-mer, celles de l’Union française d’alors.
Les pages de cette étude se bornent à l’étranger proprement dit, c’est-à-dire aux sections installées dans des contrées entièrement indépendantes à l’issue du conflit ou qui le deviendront très rapidement. Elles aussi ont su manifester une fidélité à toute épreuve.
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Le schéma fondamental au sortir de la guerre est le suivant. Recherche et nomination d’un « délégué » résidant localement : c’est obligatoirement un Français Libre. Celui-ci, s’appuyant la plupart du temps sur le corps diplomatique et consulaire national, si ce dernier le veut bien, recense alors tous les résidants FL et s’efforce, si ce n’est déjà fait, de les faire adhérer à l’AFL. Quelques réunions informelles à son domicile, chez le consul ou à l’ambassade leur permettent de faire connaissance. Une assemblée générale et fondatrice peut finalement être organisée pour élire le triumvirat classique du président, du secrétaire et du trésorier. Le délégué s’efforce en général de ne pas être porté à la présidence.
Ce premier pas franchi, la suite dépend en très grande partie de la personnalité et de la disponibilité de l’équipe dirigeante. La densité Free French du milieu où agit le bureau est le second facteur décisif.
Il se trouve dès l’origine des présidents et/ou des délégués particulièrement doués pour les relations publiques, disposant de beaucoup de temps, au charisme remarquable, excellents organisateurs et disposant de vastes relations personnelles. Ceux-là réussissent admirablement quand ils bénéficient de bonnes conditions économiques locales.
Quand manque l’un ou l’autre de ces facteurs, la section connaît une carrière tout à fait honorable à défaut d’être remarquable. Des circonstances économiques défavorables et une assise humaine plus modeste en sont les raisons les plus courantes. Elles remplissent alors avec bonheur au fil des ans leur rôle de représentation extérieure, de regroupement des FL et de défense des traditions Free French.
Quand, enfin, les circonstances ne s’y prêtent pas, des sections ne peuvent être créées, ou, si elles le sont, s’éteignent rapidement ou végètent presque silencieusement.
Dans tous les cas, délégués et présidents, comme leurs proches collaborateurs, se montrent de dignes ambassadeurs de l’AFL et ne se découragent nullement, même s’il n’y a plus que cinq Français Libres autour d’eux. Il en existe des exemples.
Le dernier élément fondamental, partout vérifié, réside dans l’attitude du corps diplomatique français envers les délégués. Elle varie de l’enthousiasme à la plus profonde indifférence. Bon nombre de FL y servent jusqu’à la fin des années soixante : c’est là un facteur essentiel car leur porte est toujours ouverte. Leur rôle est d’autant plus prépondérant que c’est souvent grâce à eux que de nombreuses sections sont créées, remises sur pied ou soutenues.
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Il est de tradition de consacrer une part significative du déroulement des assemblées générales de l’AFL à la vie des sections sous la présidence du général de Larminat. Celles de l’étranger en particulier. On ne trouve ces informations que dans la revue.
Mme Chandon prépare avec soin une synthèse des correspondances et compte-rendus des sections. Les noms des responsables, les actions menées à bien et l’ambiance locale y sont fidèlement mais non systématiquement reproduits. C’est là qu’ont été puisées les données nécessaires. Mme Chandon accomplit cet excellent travail jusqu’en 1959. Le général de Larminat disparaît en 1962. Dès lors, à partir de 1964, les compte-rendus deviennent plus rares, plus succincts et moins circonstanciés. Cette situation perdure jusqu’en 1972 : les recherches effectuées ne vont pas au-delà.
Il eût fallu pouvoir nommer ici les délégués, les présidents et leurs seconds successifs pour tous les pays étudiés. Les sources sont malheureusement incomplètes et de regrettables omissions se seraient produites, des imprécisions chronologiques également. Cela aurait en outre été fastidieux.
Aussi, bien à regret, personne ne sera cité ici. À quatre exceptions près, car le rôle de MM. Jacques Funke, Langlois et Georges Tilgé, au Brésil pendant vingt-deux ans, en Égypte pendant dix ans et aux États-Unis durant vingt-quatre ans respectivement, fut incomparablement efficace dans la durée. Il a également été fait exception pour Prague : là, en effet, vécut brièvement une section que l’on peut considérer comme représentative de toutes celles qui auraient pu exister si l’URSS n’avait occulté les amitiés que la France comptait en Europe centrale. Que tous les autres dont l’action désintéressée fut si précieuse veuillent pardonner ce parti pris.
Aussi, bien à regret, personne ne sera cité ici. À quatre exceptions près, car le rôle de MM. Jacques Funke, Langlois et Georges Tilgé, au Brésil pendant vingt-deux ans, en Égypte pendant dix ans et aux États-Unis durant vingt-quatre ans respectivement, fut incomparablement efficace dans la durée. Il a également été fait exception pour Prague : là, en effet, vécut brièvement une section que l’on peut considérer comme représentative de toutes celles qui auraient pu exister si l’URSS n’avait occulté les amitiés que la France comptait en Europe centrale. Que tous les autres dont l’action désintéressée fut si précieuse veuillent pardonner ce parti pris.
Il ne saurait être question d’analyser ici les choses en détail en matière de fiances. Les sections de l’étranger se sont toujours montrées très généreuses selon leurs moyens. Voici quelques exemples où le montant des dons (anciens francs) est rapporté au total des dépenses annuelles de l’AFL.
1947 Allemagne 300.000 AF : 0,7 %
1950 Brésil 1.556.000 : 4,4 %
1950 Égypte 524.000 : 1,5 %
1951 New York 1.000.000 : 2,2 %
1953 Montréal 1.000.000 : 2,2 %
1955 Rio 900.000 : 1,7 %
1959 New York 2.000.000 : 4,3 %
1959 Grande-B. 1.000.000 : 2,2 %
1960 Mexique 500.000 : 1,1 %
1961 Turquie 400.000 : 0,9 %
1950 Brésil 1.556.000 : 4,4 %
1950 Égypte 524.000 : 1,5 %
1951 New York 1.000.000 : 2,2 %
1953 Montréal 1.000.000 : 2,2 %
1955 Rio 900.000 : 1,7 %
1959 New York 2.000.000 : 4,3 %
1959 Grande-B. 1.000.000 : 2,2 %
1960 Mexique 500.000 : 1,1 %
1961 Turquie 400.000 : 0,9 %
Plusieurs données doivent être retenues en analysant les chiffres des dons. Certains pays, comme la Grande-Bretagne ou le Liban, versent directement à leurs ressortissants locaux l’aide sociale qu’ils entendent leur consacrer : elle ne transite pas par le siège. La prospérité intrinsèque du pays considéré compte énormément : on ne saurait rapprocher les USA de la Turquie, par exemple. Des dévaluations inattendues viennent parfois – Amérique latine – fausser les chiffres. De nombreux dons en matière, au lendemain du conflit surtout bénéficient aux oeuvres du siège : vêtements, denrées alimentaires, friandises, chaussures, café, entre autres.
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Sur le plan géographique global et schématiquement, il n’y a, bien entendu, jamais eu d’activité dans les pays de l’ex-bloc soviétique, dans l’Empire britannique, sauf quelques notables exceptions, ni en Asie du Sud-Est en général. Les pays scandinaves, le Proche-Orient, le Liban excepté et le Moyen-Orient, n’ont pas vu de sections se créer.
C’est en Amérique, bien évidemment, et plus particulièrement en Amérique du Nord ainsi qu’en Grande-Bretagne que l’on trouve les sections les plus importantes.
Canada. Les sections de cette immense contrée connaissent une existence cyclique. Il en est créé à Montréal, Toronto, Edmonton, Ottawa et Winnipeg. Seules les trois premières fonctionnent de manière continue. Le regroupement tenté à Québec en 1957 ne semble pas avoir réussi, bien qu’une section y soit indiquée en 1965.
Trois sections fonctionnent encore en 1971 : Edmonton, Montréal et Toronto. L’influence du corps consulaire est très significative dans ce pays au fil des années.
Il ne semble avoir jamais existé d’autres sections que New York aux États-Unis, même si des essais ont eu lieu à La Nouvelle Orléans et à Boston.
Deux grands événements ponctuent les activités annuelles : Noël et le 18 Juin. De brillantes soirées suivies d’un bal contribuent alors à financer régulièrement les activités sociales du siège de Paris. Plusieurs fois par an, le très actif président, suivant la tradition bien américaine des dîners à plusieurs centaines de dollars par commensal, réunit les amis de la France Libre dans un hôtel en vue. L’adjoint du maire, M. O’Brien, est un invité régulier de ces soirées qui réunissent jusqu’à 150 convives.
De nombreuses initiatives de parrainage, voire d’adoption, surviennent au bénéfice des orphelins de l’AFL.
Les autorités consulaires et l’ambassade contribuent activement à ces succès et la section s’achemine vers les 500 membres en 1952.
Cette remarquable situation dure de 1949 à 1963, date du décès du principal animateur. La section continue de fonctionner, sur un mode plus mineur jusqu’en 1971 au moins.
Au Mexique, une section fonctionne régulièrement de 1947 à 1971. Les Français Libres y sont peu nombreux, mais ils font des dons importants de temps à autre. La fête du 18 Juin s’achève généralement par un dîner : en 1959 en particulier. Le passage du général de Gaulle en 1963 tourne au triomphe local.
Au Nicaragua, la section est créée en 1952 et fonctionne régulièrement dans la discrétion jusque vers 1966. Seul le délégué de l’AFL maintient une présence après cette date.
Deux grandes cités du Brésil, Rio de Janeiro et Sao Paulo, abritent de très actives sections dès 1947. De nombreux et importants dons sont adressés au siège pour les œuvres sociales : la tradition des anciens Comités de la France Libre en temps de guerre se trouve ainsi prolongée. La dévaluation de 1963 porte un coup sévère aux contributions, mais les donateurs ont à cœur de les maintenir à un niveau comparable.
On y fête le passage de la Jeanne d’Arc en 1948, celui de P. Clostermann en 1950 et la venue du Général en 1964. Parmi les activités originales organisées, les fêtes champêtres et les soirées cinématographiques ont beaucoup de succès.
Là comme ailleurs, des sections tombent momentanément en sommeil. Trois sections fonctionnent en 1971 : les deux précédentes et Recife.
La section du Guatemala fonctionne en 1950 mais semble disparaître rapidement.
Colombie. La section fondée en 1945 ne donne guère de ses nouvelles mais poursuit ses activités en 1971.
C’est en 1955, à l’initiative de l’ambassadeur de France, qu’est ouverte la section du Pérou. Elle fonctionne toujours en 1971 après avoir dignement fêté le passage du général de Gaulle en 1964, bien qu’elle ne compte à l’époque que dix Français Libres.
En Argentine, dès 1948, le Comité de la France Libre du temps de guerre donne naissance à une belle section, très active malgré le nombre limité des FFL. Une réunion de 1957 réunit plus de 100 personnes. La section est toujours en activité en 1970.
Formée en 1949, la section du Chili fonctionne toujours vingt-deux ans plus tard : l’un des présidents en assure la direction pendant treize ans. Là aussi, le Général est accueilli triomphalement en 1964.
Pour conclure ce tour des Amériques, il faut noter que des essais plus ou moins fructueux mais toujours limités dans le temps ont lieu à Cuba, El Salvador, Haïti, Panama, la Trinité et en Uruguay.
Comme on l’a vu, l’Afrique ne fournit que peu de sections étrangères ; mais l’une d’entre elles connaît une destinée remarquable.
L’Égypte n’a pas oublié, au lendemain de la guerre, ses traditions francophones et francophiles. Le souvenir des combattants du Western Desert est encore présent dans les mémoires et la Compagnie du Canal fonctionne à nouveau régulièrement.
Le commandant L. est la cheville ouvrière des sections de la zone du canal : Port-Saïd, Suez, Ismaïlia, Port-Tewfiq. Des essais d’implantation ont lieu au Caire, mais sans plus de succès durable qu’à Alexandrie.
Handicapée par une livre non convertible, l’Égypte utilise sur place une grande partie des ressources consacrées à l’aide sociale. La Compagnie du Canal, bénéficiant de l’exterritorialité, sert parfois d’intermédiaire pour envoyer de fortes sommes en France.
Le couperet tombe en 1956 : les Français quittent l’Égypte, c’en est fini d’une présence séculaire.
On trouve dans la lointaine Île Maurice de merveilleux témoignages de fidélité parmi tant d’autres. Créée en 1954, la section ne cesse de se manifester localement en perpétuant le souvenir des 70 Mauriciens qui avaient rejoint la France Libre.
L’assemblée général de 1970 se tient avec 15 membres actifs sur 22 inscrits.
Le vaste continent africain voit deux autres tentatives rester sans lendemain après 1947 au Nigeria comme en Afrique du Sud.
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Liban. Cette nation tient évidemment une place à part pour bien des raisons. En 1948 (alors couplée avec la Syrie), on y voit éclore une section qui compte alors 140 membres mais qui peine à se faire reconnaître officiellement. Rapidement séparée du pays voisin, elle se montre très active tout en assumant de lourdes charges en raison du nombre élevé de familles démunies figurant dans ses rangs. Les difficultés financières qui en découlent durent plusieurs années.
Elle compte 200 membres en 1952 et accueille de nombreux réfugiés de Syrie en 1956. Elle continue à se débattre dans les difficultés juridiques d’un statut sans doute mal accepté par les autorités locales. Une amicale arménienne voit le jour en 1956 ; elle reste sans lendemain.
La section fonctionne toujours en 1971 dans des conditions locales difficiles, ce qui ne l’empêche pas de se monter généreuse à l’égard du siège.
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En Europe, une section existe en Autriche en 1948 ; elle ne semble pas avoir duré. Partout ailleurs, où règne un plus ou moins grand degré de liberté, les sections créées au sortir du conflit se maintiennent jusqu’en 1971, voire au-delà. Pourquoi ne semble-t-il ne jamais y avoir eu de tentatives en Irlande ou aux Pays-Bas ? Trop d’individualisme ou de conformisme ?
En Allemagne, divisée et occupée, prospèrent puis déclinent de 1947 à 1958 plusieurs sections fondées sur la présence des troupes françaises d’occupation. L’organisation territoriale semble changer au gré de la présence de telle ou telle personnalité marquante. Les textes mentionnent Coblence, Baden-Baden, Berlin et Mayence. La Sarre est un cas particulier : la section ouverte en 1952 voit l’activité s’y concentrer après la disparition du statut d’occupation. Les activités sont diverses : gala de variété en plein air en Sarre en 1951, par exemple.
Le recensement de 1948 dénombre 249 ancien FFL en Allemagne dont plus de 182 sont inscrits à l’AFL. Là, plus qu’ailleurs sans doute, l’assiduité et l’intensité de la vie associative sont fonction de la personnalité des dirigeants.
À l’évidence, ces sections, fruits de la présence française, ne sont nullement ancrées dans leur environnement humain et économique.
La Belgique verra, dès 1947, la création d’une section qui s’avère typique par sa générosité, l’imagination qui préside à ses activités et l’influence du caractère des animateurs.
Il existe deux sections en fait : Bruxelles et Verviers, rien en pays flamand ! La première est classique et met au point une formule qui fait école : des galas cinématographiques très prisés par un public friand de nouveautés françaises. Cette section marche très bien pendant cinq ans, décline sensiblement en 1952, puis se reprend. Elle existe toujours en 1970.
La seconde dépend directement du siège de Paris et se consacre essentiellement à l’organisation d’une colonie de vacances annuelle. Elle est destinée aux orphelins de l’AFL ce qui est vivement apprécié des intéressés.
Il existe une section à Charleroi en 1960 : initiative sans lendemain.
Créée en 1957, la section d’Espagne ne compte qu’un petit nombre de membres et fonctionne avec une discrétion qui ne permet pas d’en dire grand-chose. Elle existe encore en 1970.
Grande-Bretagne. L’un des cinq poids lourds parmi les sections de l’étranger met quelque temps à trouver sa forme définitive. Ce n’est qu’en 1950 qu’elle prend la succession de l’ancien groupement « Croix de Lorraine ». La section est en plein essor dès l’année suivante : les finances, fondées sur les 273 Français Libres dont le nom figure au fichier, sont florissantes.
Le monument du cimetière de Brookwood est achevé dès 1951 et inauguré la même année en présence de 80 personnes. L’ancienne « Association des ingénieurs et techniciens de la France Libre » est dissoute l’année suivante.
La section consacre une part notable de ses disponibilités à l’aide sociale sans transiter par le siège de Paris. Il est donc difficile d’apprécier le montant des dons qu’elle adresse à ce dernier. Elle lance plusieurs initiatives telles que la reprise de l’Allies Club ou la publication du « Courrier des FL », mais elle devra les abandonner pour des raisons de coût.
Des difficultés internes surviennent en 1962 mais, après réorganisation, à partir de 1982, cette section retrouve son dynamisme et redevient l’une des plus vivaces et des plus entreprenantes des sections de l’étranger. Le Lycée français porte désormais le nom du général de Gaulle. En 1990, elle célèbre le cinquantenaire de « l’Appel » dans la ferveur, en compagnie de nombreux camarades venus de France et en présence de SM la reine Elisabeth II, du prince Philip et de SM la reine Mère.
Son activité ne se dément pas de nos jours grâce en partie à la sympathie agissante que les Britanniques n’ont cessé de manifester à tout ce qui est Free French depuis 1940. Souriante amitié tout récemment illustrée par la visite qu’une délégation venue de France a rendue à la reine Mère, à Clarence House, à l’occasion de son centième anniversaire.
En Tchécoslovaquie, le président Benes et son ministre des Affaires étrangères, Jan Masaryk, avaient été présents avec détermination aux côtés des Alliés et 45 officiers tchèques plus 3 000 hommes du rang servirent dans les Forces Françaises Libres cependant que marins et surtout aviateurs apportèrent à la Royal Navy et à la RAF des combattants disciplinés, dévoués et efficaces.
Le général Leclerc se rendit à Prague dès juillet 1945 pour un voyage de prestige et, symboliquement, pour montrer que « la Vraie France, celle qui avait combattu », rouvrait son ambassade et poursuivait son amitié avec le peuple tchèque et ses dirigeants. Une mission française civile et militaire fut mise en place, elle comprenait des Français Libres, souvent les fils des membres de la même mission qui, dès 1919, avaient assisté la nouvelle République tchèque. Le général Flipo, marié à une Tchèque et alors jeune lieutenant, en fit partie.
Très vite, cette section de l’AFL regroupa les anciens des FFL et ceux du « maquis du capitaine de Lannurien », qui regroupa jusqu’à 7 000 hommes dans les Carpates sur les arrières allemands et participa à la libération de ces zones.
Dès que, selon l’expression de Churchill, « un rideau de fer tomba sur l’Europe de Stettin à Trieste », que la mort de Benes puis celle de Jan Masaryk permirent la mise en place d’un encadrement strict de la population, la politique de Staline sépara la Slovaquie de la Bohême-Moravie en les opposant pour les mieux contrôler. La section de l’AFL n’exista plus et ses membres furent dispersés vers des destins divers et souvent tragiques.
Grèce. La section hellène opère entre 1950 et la fin des années soixante. Elle maintient avec fidélité l’esprit Français Libre pendant sa courte existence malgré de maigres effectifs.
La faiblesse des effectifs au Portugal ne semble pas avoir nui à la bonne marche continue de cette section. Là comme ailleurs, l’influence des dirigeants s’avère capitale.
En Suisse, un premier et dévoué animateur, confronté à de grosses difficultés, réussit à créer une section qui fonctionne entre 1948 et 1950 à Genève. Elle disparaît quasiment en 1951 et son fondateur décède l’année suivante.
Une autre personnalité en vue prend le relais en 1957 et réussit brillamment, toujours à Genève. L’ambassadeur de France assiste pour la première fois aux cérémonies du 18 Juin en 1960, mais la section est à nouveau désorganisée par le décès de son responsable.
Le flambeau est ramassé pour la troisième fois et la section devient très importante en 1965. Elle œuvre toujours en 1970.
Il ne semble pas y avoir jamais eu la moindre initiative en Suisse alémanique !
La section de Turquie est sans doute un modèle dans le genre « petit effectif dans un contexte peu favorable ». Elle est mentionnée dès 1949 et adresse 400 000 F au siège en 1961 : remarquable performance. Elle est installée à Istanbul, tandis que quelques velléités se manifestent à Ankara. L’assemblée générale de 1969 réunit 13 présents, porteurs de cinq mandats, ce qui correspond au tiers des effectifs. Elle reste active en 1971.
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Extrême-Orient. Une section existe en Malaisie en 1948 mais disparaît bientôt. Au Japon, les membres sont essentiellement nos représentants diplomatiques, sans succès durable, semble-t-il. Le même commentaire paraît applicable aux Philippines.
La palme du dévouement revient sans doute aux Français Libres de Chine où, à Shangaï puis à Hong-Kong, une petite poignée des nôtres – ils ne sont plus que six en 1954 – maintient localement le souvenir de notre épopée.
En Australie – last but not least -, où un certain nombre des marins du Triomphant ont élu domicile, le même président maintient la flamme du souvenir pendant au moins vingt-quatre ans. Par le truchement de la presse, il s’adresse régulièrement aussi bien aux FL locaux qu’aux Australiens. Il nous a, encore tout récemment, adressé fidèlement de ses nouvelles.
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Comment conclure ?
Sans doute en remarquant que nos camarades, d’autant plus fidèles qu’ils étaient éloignés de la France, ont su sans faillir un instant, partout et toujours, redresser et défendre l’image de la France que soulignait le général de Gaulle en août 1945 :
« L’an dernier, à pareille époque… Tout se poursuit alors au point de vue international comme si la France n’était plus qu’un grand souvenir du passé et une inconnue de l’avenir. »
Sources : Revue de la France Libre. P. Padovani pour la section de Prague.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 310, 4e trimestre 2000.