Les réseaux FFL
Nous aurions aimé publier un historique complet de chacun de nos réseaux F.F.L. Mais, dans de nombreux cas, les principaux protagonistes ont disparu, soit qu’ils aient été tués au cours de leur mission, soit qu’ils soient morts en déportation ou depuis la fin des hostilités, soit qu’ils se soient établis à l’étranger et ne puissent plus être atteints. Les témoignages valables sont peu nombreux et souvent fragmentaires.
Reconstituer au jour le jour l’activité d’une unité ne présente généralement pas de difficultés. Il n’en est pas de même des réseaux, en fonction même de leur structure et de leur organisation. Le cloisonnement idéal voulait que l’agent ne connaisse que son chef et son subordonné ou l’agent de liaison. Encore souvent ne se connaissaient-ils que sous des identités d’emprunt.
Des milliers d’agents n’ont appris qu’après la libération le nom du réseau dont ils faisaient partie; des milliers d’autres n’ont jamais pu retrouver les contacts qu’ils avaient. De ce fait, pour bon nombre de réseaux, l’effectif des agents homologués est très inférieur à l’effectif réel. La perte d’un chef de secteur pouvait faire perdre la trace d’une centaine d’agents, parfois davantage. Et puis, moins on écrivait, mieux cela valait et l’inobservance de cette règle a souvent coûté fort cher en vies humaines. Il est donc normal, dans ces conditions, qu’à de rares exceptions près, les réseaux n’aient pu rassembler les éléments permettant un exposé détaillé et cohérent de leur action. Quelques-uns ont bien voulu mettre à notre disposition la documentation qu’ils possèdent mais, pour la plupart, nous devons nous borner à rappeler la date de leur création, le nombre d’agents homologués et le chiffre de leurs pertes. En classant par ordre alphabétique la liste des réseaux F.F.L. nous trouvons :
AJAX – En juin 1943 notre ami Peretti qui, depuis janvier 1942 faisait partie du réseau Ali reçut au cours d’une mission en Angleterre, l’ordre de créer un nouveau réseau qui eut au départ 75 agents du réseau Ali. La zone géographique couverte par Ajax fut considérable : le sous-réseau Candide opérait en zone sud et avait des prolongements en Italie, en Espagne, en Suisse ; le sous-réseau Zadig opérait en zone nord et dans les pays limitrophes. Leur mission principale était le contre-espionnage, tandis que le sous-réseau Micromegas s’occupait exclusivement des renseignements militaires. Au total 1.189 agents homologués dont 18 furent tués ou fusillés et 11 moururent en déportation.
AMARANTE – Créé en février 1943 par Vector, ex-agent de C.N.D., n’eut qu’une brève existence. Vector fut arrêté en juillet 1944, déporté et porté disparu. On ne put par la suite identifier que 62 agents.
ANDALOUSIE – Sous réseau de C.N.D. Castille créé en décembre 1943 par François Bistos (Franck) comporta au départ une majorité d’agents récupérés de réseaux décimés. Son effectif : 682 agents homologués. Parmi eux : deux tués, huit morts en déportation, 18 déportés et internés.
NESTLÉ-ANDROMÈDE-ATHÉNÉE – Créé en juillet 1943 par Albert Kohan (Berthaud) mort en service commandé le 17 décembre 1943. Il fut remplacé par son adjoint Henri Jacquier-Garnier qui, appelé à Londres le 9 juillet 1944, confia la direction du réseau à Maxime Blum à partir du 13 août 1944. Sur un effectif de 454 agents homologués, huit furent tués, 43 furent déportés et parmi ces derniers 22 ne revinrent pas.
BERTAUX – Créé en mars 1941 par Fourcaud eut pour chef Pierre Bertaux, professeur agrégé à la faculté de lettres de Toulouse. Le réseau fut détruit en décembre 1941 par une série d’arrestations. Sur 31 agents homologués : un tué, un mort en déportation et 18 déportés.
BRUTUS – Un de nos plus anciens et plus importants réseaux. Créé en septembre 1940 par Pierre Fourcaud, il totalisa 1.124 agents homologués dont 64 furent tués ou fusillés et 101 déportés.
CARMEL – fondé par Henri Benoit qui avait été parachuté le 30 mai 1942. Il comprenait 114 agents dont trois furent tués et 20 déportés; parmi ces derniers 13 succombèrent dans les camps.
C.N.D. avec CENTURIE – Créé en septembre 1941 par Gilbert Renault, alias Raymond, alias Rémy, alias Roulier. Le plus célèbre et peut-être le plus important de nos réseaux puisque l’effectif homologué est de 1.375 agents pour C.N.D. et 1.682 pour Centurie. Les pertes, pour C.N.D. furent : 172 tués, fusillés ou morts en déportation, et 227 déportés ou internés. «Confrérie Notre-Dame» avait pour tâche principale de surveiller les mouvements de l’ennemi sur la côte Atlantique, depuis la frontière espagnole jusqu’à Brest. Plus tard, l’activité du réseau de Gilbert Renault, chargé de mission par le général de Gaulle, s’étendit à toute la zone occupée et même à la Belgique. C.N.D. fut dévasté en novembre 1943 après la trahison d’un de ses agents. Le colonel Verrière, dit «Lecomte» sut rassembler ses éléments épars dans une nouvelle organisation qui, prenant la suite de la première reçut le nom de «Castille» et fonctionna jusqu’à la libération de Paris. Dans ses Mémoires de Guerre, le général de Gaulle, a rendu un magnifique hommage au travail accompli par tous ceux et toutes celles que «Rémy» avait rassemblés. Parmi les résultats obtenus, on peut citer le raid de commando sur Bruneval (février 1942), premier débarquement allié sur la côte française depuis la défaite de 1940; l’immobilisation dans le port de Brest des cuirassés Sharnhost et Gneisenau, et l’interception du Bismarck due pour une large part aux informations recueillies par Hilarion (capitaine de vaisseau Philippon); le transport en Grande-Bretagne de la carte allemande des défenses de la côte normande, capturée par les agents du réseau Centurie et qui servit de base aux préparatifs du débarquement du 6 juin 1944 la mise à la disposition de plusieurs autres réseaux du dispositif de liaisons radio-aériennes et maritimes ; l’envoi à Londres de plus de 80 courriers. Les Mémoires d’un agent secret de la France Libre ont narré par le détail une bonne partie de l’activité magnifique de C.N.D., et pour beaucoup ce livre a été la révélation de ce qu’était la vie des réseaux.
COHORS-ASTURIES – Fondé en septembre 1941, eut 873 agents homologués. Ses pertes s’élevèrent à 118 morts dont 33 tués et 85 morts en déportation. En plus, 140 agents déportés, ou internés revinrent sains et saufs.