Reims, 8 mai 1945 : la France à la table des vainqueurs
« Ach ! Il y a aussi les Français? Il ne manquait plus que cela… »
L’Histoire a retenu le cri du maréchal Keitel, l’homme qui, aux côtés de Hitler, avait imposé aux Français vaincus l’humiliant armistice de Rethondes en juin 1940, lorsqu’il aperçut le général de Lattre de Tassigny à Berlin, le 9 mai 1945.
Eh oui, les Français étaient là, au cœur du IIIe Reich qui ne devait survivre que de quelques jours au suicide de son Führer, aux côtés du maréchal Joukov et de maréchal Tedder, adjoint d’Eisenhower, pour la signature de la capitulation allemande. Comme ils avaient été présents, dans la nuit du 7 au 8 mai, à la table des vainqueurs, dans la salle de l’École Professionnelle de Reims, où Bedell-Smith, chef d’état-major d’Eisenhower, Sousloparov, représentant de Joukov, et Sevez, sous-chef d’état-major de l’armée française, avaient obtenu de Jodl, chef d’état-major de la Wehrmacht, la capitulation de l’Allemagne (qui ne sera officiellement qu’à 15 heures).
C’est le même jour, à 23 h 01, que les combats prenaient officiellement fin.
Le cauchemar était terminé et il en était ainsi parce que, dès juin 1940, une poignée d’hommes avaient entendu un message venu de Londres leur assurant que rien n’était perdu, que des « forces immenses » ne s’étaient pas encore déployées et qu’un jour, elles écraseraient l’ennemi.
« Il faut, avait ajouté la voix retransmise par la BBC, que la France, ce jour-là, soit présente à la victoire. »
Ce jour était arrivé.
La France humiliée de 1940 s’était redressée, non sans d’immenses difficultés, non sans d’extraordinaires sacrifices, mais elle avait pris toute sa part, avec une efficacité que nul ne pouvait lui dénier, à la victoire des Alliés. Dans le discours qu’il prononce dans l’après-midi du 8 mai, de Gaulle proclame d’une voix forte :
« La guerre est gagnée ! Voici la victoire ! C’est la victoire des Nations unies et la victoire de la France. L’ennemi allemand vient de capituler devant les armées alliées de l’Ouest et de l’Est. Le commandement français était présent et partie à l’acte de capitulation. »
Le lendemain, dans un télégramme qu’il envoie à S.M. George VI, il écrit : « En 1939 comme en 1914, c’est ensemble que nous avons tiré l’épée contre l’ennemi qui attentait à la liberté de l’Europe et à celle du monde. En 1945 comme en 1918, c’est ensemble que nous avons vaincu. »
À Berlin, de son côté, de Lattre s’adressait le même jour à ses soldats : « Vos victoires marquent les étapes de la résurrection française (…).
Victoire de mai, victoire radieuse de printemps qui redonne à notre France, la jeunesse, la force et l’espoir. ».
François Broche
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 289, 1er trimestre 1995.