Quatre aviateurs abattus à Gibraltar : les premiers morts de la France Libre
Membres de l’École de perfectionnement au pilotage de Meknès, le capitaine de Vendeuvre (né en 1912) et ses compagnons sont à Casablanca, en partance pour la France quand ils apprennent la demande d’armistice du maréchal Pétain. Ils décident de continuer le combat, en Afrique du Nord si le général Noguès, commandant en chef du théâtre d’opérations, confirme sa volonté de ne pas accepter l’armistice et, dans le cas contraire, de rejoindre l’Angleterre.
Quand, le 29 juin, leur parvient la nouvelle de la libération des prisonniers de guerre italiens de Casablanca et la décision qu’à la date du 1er juillet, tous les avions doivent être rendus inutilisables, ils décident de partir; le sous-lieutenant du Plessix (né en 1902) et le lieutenant Berger (né en 1915) se joignent à eux.
Le matin du 30 juin, de Vendeuvre écrit une lettre à sa femme dans laquelle il affirme: « Ce matin j’ai fait le sacrifice de ma vie, cela me donne beaucoup de courage. Je pars, j’obéis à ma conscience. Certains me critiquent… Je n’ai qu’un but: obéir à mon sens du devoir».
Les huit hommes prennent la navette qui les conduit sur le terrain de Bir Rechid, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Casablanca. Munis de faux ordres de mission, ils prennent trois Glenn Martin. Du Plessix et Berger montent dans l’appareil piloté par de Vendeuvre; Aubertin (né en 1915) et de Saint-Péreuse (né en 1910) dans celui piloté par Lager (né en 1913). Weill (né en 1916), qui devait prendre place dans l’appareil piloté par Meyran (né en 1912), n’arrive pas à ouvrir la porte arrière et monte finalement dans celui de Vendeuvre. À 16 heures, les trois avions décollent.
Parvenus à hauteur de Gibraltar, les deux premiers appareils, pilotés par Lager et Meyran, se posent sans encombre sur le terrain entre le Rocher et la zone neutre. Alors qu’il tente la manœuvre d’atterrissage, l’appareil de De Vendeuvre, pris sous le feu de la DCA espagnole, s’écrase en feu dans le port. Partant aussitôt à leur secours, les vedettes britanniques ne recueillent que des corps sans vie criblés de balles.
Parmi les quatre survivants, Gustave Lager sert dans le groupe Lorraine avant de commander le groupe Franche-Comté; Pierre Aubertin combat au sein de la Royal Air Force (RAF) puis prend la tête du groupe Île-de-France; Pierre Tassin de Saint-Péreuse est affecté au groupe Lorraine puis prend le commandement du groupe Bretagne en août 1942; enfin, Meyrand sert au sein du groupe Bretagne avant de mourir dans l’accident d’avion qui coûte la vie au général Leclerc en 1947.
Pour aller plus loin :
Germaine L’Herbier-Montagnon, Cap sans retour, Raoul Solar, Monaco, 1948, 267 p.
Pierre Tassin de Saint-Péreuse, « Comment ils vinrent du Maroc », La Mémoire des Français libres, Fondation de la France Libre, 2002, tome 1, p. 312-313
Philippe Bauduin, Jacques de Vendeuvre, FAFL : Gibraltar, 30 juin 1940, Apieton éditions, 2006
< Les engagements dans la France Libre à la suite de l’Appel
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< Le ralliement d’une unité: la 13e demi-brigade de Légion étrangère
< L’affaire du Capo Olmo: un acte de « piraterie » pour continuer la guerre
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