Les premiers pas du B.I.M.

Les premiers pas du B.I.M.

Les premiers pas du B.I.M.

Le B.I.M. se constitua en juillet 1940 à Moascar, près d’Ismaïlia, par rassemblement des détachements et isolés évadés de Syrie et ralliés à Chypre où un bataillon était détaché. Nous empruntons à l’un de ses premiers officiers quelques souvenirs sur ses premiers combats en Libye.

*

Début d’août, la décision est prise de constituer un bataillon. Une compagnie sera dirigée, dès que possible, sur le désert de Libye pour y parfaire son entraînement.

Le 4e bureau du Middle East cherche dans ses réserves et finit par trouver 15 voitures genre Morris, ce qui nous permettra d’équiper la 1re compagnie.

L’armement sera français, ainsi que les munitions.

Le 25 août 1940, Sir Miles Lampson, M. de Benoist et le comité de la France Libre du Caire, assistent à la remise des drapeaux français et anglais au premier bataillon d’infanterie de marine.

Ce nom d’infanterie de marine, cher à nos troupes coloniales, est un emblème magnifique pour l’ensemble de ces soldats.

Pendant que ces festivités s’organisent, le lieutenant Guepin est dans le désert où il assiste aux prémices de la bataille de Fort Capuzzo. Il revient enthousiaste. La guerre au désert se fait en voiture avec un chasse-mouches.

Le 3 septembre 1940, la 1re compagnie du bataillon d’infanterie de marine est dirigée sur « l’arrière du front » à Buqbuq pour parfaire son entraînement.

Les véhicules anglais étant insuffisants, les camions Renault, Citroën, Laffly, Hotchkiss et autres feront partie du voyage.

La route Ismaïlia-Buqbuq, longue de 500 milles nous permet d’arriver le 12 septembre pour recevoir la visite du général O’Connor qui nous informe que le maréchal Graziani veut envahir l’Égypte et aller au Caire : le général anglais offre aux Français de prendre une partie du front.

Le capitaine Folliot, grand seigneur, se contentera de 4 kilomètres : 1 kilomètre par section.

Le 13 septembre, la 1re compagnie reçoit la baptême du feu à 14 heures.

Un officier du 11e hussards, le capitaine Phips, nous est affecté comme officier de liaison. Pendant plus d’un an, il sera un camarade charmant, un combattant excellent et nous fera apprécier tout le flegme britannique.

Nos premiers tirs se font sur les motocyclistes italiens qui sont légèrement gênés pour se déplacer dans les sables d’Égypte.

Le 16 septembre, nous quittons Sidi Barrani. Un avion italien est abattu par le soldat Adde (la récompense pour cet acte lui viendra en 1941, les bureaux français libres de Londres ont bien pris la cadence française).

Nous faisons connaissance avec les gentillesses de nos amis italiens, en particulier certaines bouteilles thermos, qui contiennent des mines, sont assez ennuyeuses à déplacer.

Le 20 septembre, la 1re compagnie a son premier blessé par mine, à Marsa Matruh.

Les Anglais dirigent notre compagnie en plein sud à 100 km de Marsa Matruh à Bir-Munni.

Dans ces lieux magnifiques, la compagnie créera un aérodrome où nous recevrons la visite du général Catroux, accompagné du général Wavell. Notre popote ne verra jamais plus de chef aussi illustre et aussi simple.

Puisque les personnages de cette classe se dérangent nous devons être de drôles de phénomènes, dit notre cuisinier Jaeger.

Jusqu’en décembre, la compagnie participera à des colonnes d’escarmouches : raid sur Sidi Barrani, attaque de Maktilla Camp en octobre 1940.

Courant novembre, nous faisons un essai de patrouilles sur Oum El Rebia où toute notre compagnie s’égare.

Le 25 novembre, le capitaine Folliot nous quitte pour prendre le commandement du bataillon comme second du commandant Lorotte.

Notre compagnie reste attachée au Support Group qu’actionne la 7e division blindée anglaise.

Le 8 décembre, nous sommes mis en place en même temps que tous les « rats du désert » (1).

La 1re compagnie prend place à quelques kilomètres de Oum El Rebia où elle surveille une partie de l’escarpement.

À partir du 12 décembre, la poursuite commence.

Le 14 décembre, nous dépassons Halfaya Pass dont nous sommes à 20 kilomètres plein sud.

Le 16 décembre à 14 heures, nous franchissons la frontière d’Égypte entre le fort Madalena et Fort Capuzzo. Douce émotion pour ma vieille automobile Hotchkiss qui vient de Deir-E-Zor (Syrie).

Le 20 décembre, la route Tobrouk-Bardia est coupée à 20 heures par la 1re compagnie du B.I.M. C’est le premier commandement interallié que nous recevons, car pour cette opération nous avons reçu en renfort quatre auto-canons et une voiture radio à longue portée. Belle soirée. Hélas ! Nous ne prendrons aucun Italien, cette nuit-là, dans nos filets.

Pat Horiven, notre nouvel officier de liaison britannique tape du pied sans arrêt. Tout le monde nous oublie.

Seul le roi d’Angleterre, George VI, dans une allocution veut bien signaler que les troupes franco-britanniques ont fait du beau travail en Libye. Merci pour le terme « franco-britannique ». La proportion est la suivante : 117 soldats français, 20.000 brltanniques.

Le 26 décembre 1940, après avoir eu la messe de minuit à Sidi Omar (deux camions Renault font les parois de la cathédrale, une voiture Morris dans le fond sert d’autel), un vieux briscard dit R.I.C.M. se fera baptiser. Le décor est complet car un vent de sable puissant souffle.

Le lendemain, le colonel anglais avec qui nous sommes en liaison, nous fera goûter le pudding dans une des grottes situées au bord de Bardia.

La 2e compagnie du B.I.M., commandée par le capitaine Girault, arrive en renfort.

Le commandant Folliot prend le commandement des deux compagnies après la bataille de Bardia.

Le 28 décembre à 17 heures, la 1re compagnie attaque l’aérodrome de Bardia.

Folliot n’ayant pas encore pris son commandement se transforme en voltigeur de 2e classe à la section de l’adjudant-chef Bellot.

Les difficultés de traduction sont telles que l’attaque échoue et que du coup deux chars britanniques sont détruits. Aussi les Anglais sont-ils mécontents de nous.

Heureusement la 2e compagnie du B.I.M. a mieux marché le long de la mer et a réussi à s’approcher assez fortement de Bardia en suivant les plages.

À peine Bardia est-il tombé, que la 7e division blindée continue sa poursuite.

Le 6 janvier 1941, nous sommes au nord de Tobrouk, au kilomètre 25 sur la route Tobrouk-Bardia.

La marine anglaise harcèle la citadelle de Tobrouk et c’est le lieutenant Guepin qui est chargé d’installer des feux pour régler le tir.

La marine, satisfaite, le fera D.S.0.

Barberot détecte dans l’Ouadi Sahel des obstacles curieux. Le génie anglais ira les vérifier, après la bataille.

La 1re compagnie, qui veut reprendre sa revanche sur Bardia, enlève brillamment les ouvrages S1, S2, S3, fait 700 prisonniers le 22 janvier 1941. Cela lui coûte quatre soldats à la 1re section (caporal-chef Lalou, caporal Potin Joseph, soldat Bartoli, soldat Fleury Albert).

Le révérend père Finet, qui fait partie de toutes les patrouilles de la 1re compagnie, s’occupera de leurs tombes. C’est lui qui créera au kilomètre 25 de la route Tobrouk-Derna, ce modeste cimetière où la croix de Lorraine continue à flotter.

L’année suivante, nous retrouverons nos camarades entourés de tombes italiennes et allemandes, la croix de Lorraine flottant très haut.

Le 1er février 1941, les deux compagnies du B.I.M. sont à Mekili.

Le général Mac Greagh décide une opération audacieuse et lance tous ses éléments motorisés en direction d’Agedabia. Poursuite magnifique dans un terrain absolument difficile qu’aucun véhicule et que très peu d’êtres humains ont franchi.

La forteresse de M’Sus tombe rapidement. Puis la ville de Soluck.

Bientôt les éléments blindés britanniques arrivent en contact avec l’armée Graziani qui refoule de Bengasi.

C’est la bataille de Beda-Fomm à 100 km au sud de Bengasi.

Le B.I.M. arrive et assiste à la curée sur les Italiens. Pendant des kilomètres ce n’est que destruction. La défaite de 1940 est bien vengée.

Après quelques jours de repos, nous voyons apparaître les premiers avions allemands. Maître Rommel n’est pas loin. Le B.I.M. continue, sera dans quelques jours à Agedabia. Avance jusqu’à El Gueila. Nous sommes à la fin du golfe de Sirte près des Marais de Marada. C’est là que le méchant Rommel viendra en mars 1941 et en quatre jours nous reconduira à Halfaya Pass.

Le lieutenant Guepin se distinguera à Halfaya Pass où pendant deux jours il contiendra une forte colonne allemande et permettra aux Anglais de s’établir à hauteur de Fort Capuzzo. De là, le B.I.M. rejoint la Palestine au camp de Qastina où il arrive en avril 1941.

Le commandant de Chevigné en prendra le commandement à cette époque.

La 3e compagnie, qui s’est distinguée en Érythrée, sous les ordres du révérend père Savey, rejoint Qastina à la même époque.

(1) Nom donné aux soldats de la 7e Armoured-Division qui ont comme insigne la « Gerboise ».

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 29, juin 1950.