Les premières formations aériennes françaises libres du Moyen-Orient

Les premières formations aériennes françaises libres du Moyen-Orient

Les premières formations aériennes françaises libres du Moyen-Orient

Le 23 juin 1940, à la demande du général Wavell, le commandant en chef des forces du Levant mit à la disposition de la R.A.F.-Middle East, une patrouille de chasse commandée par le lieutenant Péronne. Cette patrouille rejoignit le même jour l’aérodrome de El Amyra (20 km sud Alexandrie).

Le 27 juin, à la suite du changement d’attitude du commandant en chef des forces du Levant, qui rendit applicables sur le territoire Syrie-Liban les clauses de l’armistice, le capitaine Jacquier quitta son unité et se rendit par la voie aérienne à Ismaïlia (Égypte). Le lendemain, la patrouille du lieutenant Péronne, qui entre temps avait reçu l’ordre de rentrer en Syrie, atterrit à Ismaïlia pour faire ses pleins d’essence avant de rallier Rayack. Mis au courant par le capitaine Jacquier des derniers événements de Syrie et de la décision que celui-ci avait prise, le lieutenant Péronne et ses équipiers, les adjudants Coudray et Ballatore, se joignirent à lui. Ce fut le premier noyau des Forces aériennes françaises libres en Égypte.

Dans les jours qui suivirent, les capitaines Dodelier et Ritoux-Lachaud et leurs équipages vinrent de Tunisie sur deux Glenn Martin ; le sergent-chef Lebois vint de Syrie sur un Potez 63 ; un petit détachement de sous-officiers et hommes de troupe arriva d’Alep par la route avec véhicules, armes et munitions ; quelques sous-officiers pilotant des avions de liaison atterrirent à Héliopolis. Enfin quelque temps après, les capitaines Bonnafe, Tulasne, les lieutenants Clostre et Pompéi vinrent grossir nos rangs.

Le 6 juillet, il parut évident aux membres de ce petit groupe qu’ils resteraient seuls dans la lutte pendant un certain temps. Il leur parut non moins évident que dans un délai, qu’il ne pouvaient évaluer, toutes les Forces françaises rentreraient à nouveau dans la bataille. Ils estimèrent que leur mission était de maintenir la présence des Forces aériennes françaises aux côtés des Alliés et d’assurer le trait d’union.

En attendant, il fallait tenir. N’ayant pas de contact avec les Forces françaises libres de Londres, le capitaine Jacquier régla la participation française. Il ne pouvait être question, avec 12 avions de types différents, qui, privés de pièces de rechange, deviendraient bientôt inutilisables, de constituer un commandement français. L’engagement dans la R.A.F. pour la durée de la guerre fut donc décidé (1). Mais pour conserver à leur geste le sens national qu’officiers, sous-officiers et soldats lui donnaient, il fut demandé aux autorités britanniques :

– que trois petites unités, dont l’appellation contiendrait le mot « France » seraient constituées ;

– que la participation des Forces françaises dans le cadre de la R.A.F. serait définie directement par le capitaine Jacquier, non pas avec un officier quelconque de l’état-major de la R.A.F., mais avec la plus haute autorité de la R.A.F.-Middle East : l’Air Marshall Longmore.

L’Air Marshall Longmore donna, avec compréhension et sympathie son accord.

C’est ainsi que le 8 juillet, trois petites unités virent le jour :

La N° 1 – Free French Flight (Grande Reconnaissance). Matériel : deux Glenn Martin. Commandant d’unité : Ritoux-Lachaux.

La N° 2 – Free French Flight (Chasse). Commandant d’unité : capitaine Jacquier. Matériel : trois Potez 63, trois Morane 406.

La N° 3 – Free French Flight (Liaison). Commandant d’unité : adjudant-chef Cornez. Matériel : deux Simoun, un Potez 29, etc.

Les trois unités, ayant des missions différentes, allaient se séparer rapidement.

La N° 3 F.F.F. resta à Héliopolis et effectua des missions de liaison entre Égypte et Palestine jusqu’au milieu de l’année suivante, date à laquelle, elle fut dissoute et ses membres intégrés dans les Forces françaises venant du Tchad.

La N° 1 F.F.F. quitta Héliopolis le 13 juillet 1940 pour Aden. En plus des équipages, le colonel de Larminat était à bord d’un avion. Dès leur arrivée à Aden, grâce à leur vitesse et leur rayon d’action, les deux Glenn Martin furent utilisés à fond. Pendant deux mois, ils furent presque journellement en l’air dans des missions au-dessus de l’Érythrée et de l’Abyssinie. Reconnaissances à vue et photographiques, attaques d’objectifs au sol à la mitrailleuse, se succédèrent sans arrêt.

Cette activité ne cessa qu’avec la destruction en l’air des deux Glenn Martin, en septembre et octobre 1940. Chacun des deux équipages avait effectué plus de 30 missions. Seul, le lieutenant de Maismont eut la vie sauve. Prisonnier des Italiens pendant près d’un an dans des conditions extrêmement sévères, il fut libéré lors de la prise d’Addis-Abeba par les Alliés. Peu après, le capitaine Bonnafe, volant sur avion anglais, devait prolonger la présence française à Aden pendant quelques mois.

La N° 2 F.F.F. passa la fin du mois de juillet à Héliopolis. Destinés à aller dans le désert de Libye, il était nécessaire d’équiper les moteurs de ses avions d’un dispositif anti-sable (Air Gleaner). Ceci fut fait le plus rapidement possible par le parc d’aviation d’Abo-Sweir, et le 8 août, détachements volant et roulant de la N° 2 F.F.F. rejoignirent le terrain d’Amyra et le squadron de chasse britannique 274 à laquelle cette unité était rattachée. Pendant 15 jours, elle participa à la défense aérienne d’Alexandrie, ainsi qu’à la protection de la flotte d’Alexandrie dans ses missions de bombardement de Bardia.

Le 29 août, à la suite des bombardements ennemis sur Haïfa, la N° 2 F.F.F. fut désignée pour assurer la défense de cette ville. Seule unité de chasse en Palestine, elle restait cinq mois à Haïfa. Elle usa jusqu’à l’extrême limite son matériel français dont l’entretien, en raison du manque de pièces de rechange, présenta de sérieuses difficultés.

Courant février, mécaniciens et pilotes furent transformés sur Hurricane. Durant leur stage au centre de transformation d’Ismaïlia, les pilotes furent utilisés dans des missions de chasse de nuit au-dessus du canal de Suez, qui était l’objet, à l’époque, de visites fréquentes d’avions mouilleurs de mines. Mais bientôt le général Rommel lançait en Cyrénaïque sa première contre-offensive. Tous les pilotes rejoignirent le terrain de Garala près de Mersa-Matruh. Là, pendant deux mois, ils menèrent des actions (Groundstraffing) presque quotidiennes et souvent bi-quotidiennes sur les convois routiers de ravitaillement et les grands arrières ennemis. Dotés d’avions à grand rayon d’action, ils s’enfoncèrent, au cours de missions individuelles, à 500 kilomètres à l’intérieur des lignes et firent subir des pertes sérieuses à l’ennemi. Puis la bataille de Crète les réclama. Les pilotes français encore vivants furent volontaires pour ces missions dont le point de départ se trouvait à Sidi-Barni et qui impliquaient, en face d’une supériorité ennemie écrasante, sept à huit contre un, le survol, sur avion monomoteur, sans radio, de plus de 1.000 kilomètres de mer dans le voyage aller-retour.

Au 18 juin 1941, tous les pilotes qui avaient participé à ces actions et accompli individuellement un minimum de 45 missions avaient été abattus.

C’est ainsi que la N° 2 F.F.F., comme la N° 1 F.F.F., disparut de la scène des opérations.

Mais déjà d’Angleterre, en passant par le Tchad, d’autres Français assuraient le relais dans le Moyen-Orient. Le personnel non navigant des Nos 1, 2 et 3 Free French Flight rejoignit le groupe « Lorraine » et le capitaine Tulasne, jusque-là épargné, se préparait à mettre sur pied le groupe « Alsace », puis plus tard le « Normandie-Niémen ».

I – Officiers

Jacquier, capitaine, pilote. Abattu et fait prisonnier, le 26 mai 1941, à Mallamé (Crète).
Dodelier, capitaine, observateur. Mort en combat aérien, octobre 1940, Abyssinie.
Ritoux-Lachaux, capitaine, observateur. Mort en combat aérien, septembre 1940, Abyssinie.
Péronne, lieutenant, pilote. Abattu et fait prisonnier, en juin 1941, en Cyrénaïque. Mort en service aérien commandé, en juin 1946, à Friedrichshafen.
De Maismont, lieutenant, observateur, Abattu et fait prisonnier, en septembre 1940 Abyssinie. Libéré en 1942. Mort en service en mai 1945.
Tulasne, capitaine, pilote. Mort en combat aérien, 1943, Orel, Russie.
Clostre, lieutenant, pilote. Mort en combat aérien, Cyrénaïque, mai 1941.
Pompéi, sous-lieutenant, pilote. Abattu en Cyrénaïque, avril 1941. Rejoint les lignes amies 15 jours plus tard.
Bonnafe, capitaine, observateur.

II – Sous-officiers

Coudray, adjudant-chef, pilote. Mort en combat aérien, Cyrénaïque, mai 1941.
Trecan, adjudant-chef, pilote. Mort en combat aérien, Abyssinie, octobre 1940.
Rolland, adjudant pilote. Mort en combat aérien, Abyssinie, septembre 1940.
Le Bois, adjudant, pilote. Mort en service aérien commandé, Algérie, 1943.
Cornez, adjudant, pilote.
Zevacco, adjudant, pilote. Mort en service aérien commandé, Angleterre, 1944.
Nicolesco, sergent-chef, pilote.
Portalis, sergent-chef, pilote.
Lobato de Faria, sergent, mitrailleur. Mort en combat aérien, Abyssinie, septembre 1940.

(1) En avril 1941, à la suite de l’inspection du général de Gaulle au Moyen-Orient, nous fûmes libérés de notre engagement dans la R.A.F et fûmes incorporés administrativement dans le commandement des Forces aériennes françaises libres à Londres. Notre incorporation morale datait de juin 1940.

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 29, juin 1950.