Normandie-Niemen dans la bataille de Koursk

Normandie-Niemen dans la bataille de Koursk

Normandie-Niemen dans la bataille de Koursk

14-17 juillet 1943

Après avoir été constitué sur la base de Rayak (Liban) au cours de l’été 1942, le groupe Normandie avait rejoint, le 2 décembre suivant, la base d’Ivanono, à 250 km de Moscou. Sous les ordres du commandant Jean-Louis Tulasne, les pilotes français accomplirent leur première mission de guerre à la fin de février 1943.1_1_5_4_d_image_3 En juin, le groupe fut renforcé par l’arrivée de huit nouveaux aviateurs, commandés par le capitaine Pouyade, qui prit le commandement de la seconde escadrille – la première étant sous les ordres du capitaine Littolff. Depuis le mois d’avril, Normandie faisait partie de la 303e division aérienne de chasse soviétique, commandée par le général Zakharov : « La fraternité de combat entre les aviateurs français et soviétiques se renforçait chaque jour, écrit le colonel d’aviation Loukachine, auteur de Contre l’ennemi commun (1965). Les contacts quotidiens et les combats menés en commun les rapprochaient et en faisaient de véritables amis. »

La grande bataille de Koursk fut déclenchée le 12 juillet 1943. Dès le surlendemain, Normandie fut chargé de misions de couverture et d’accompagnement de bombardiers. Le jour même – qui était celui de la fête nationale française – les Français exécutèrent 25 missions de guerre et remportèrent trois victoires, dues au commandant Pouyade et aux lieutenants Albert et Castelain. Hélas, ce soir-là, l’un d’eux manquait à l’appel : le sous-lieutenant Jean de Tédesco, abattu dans la région de Bolkhov.

Le 16 juillet, Normandie reçut l’ordre de couvrir l’offensive des troupes terrestres au nord de Khotynets. Le commandant Tulasne prit la tête d’une escadrille de huit avions, qui dut affronter un groupe de quinze bombardiers ennemis couverts par des chasseurs. Littolff fut le premier à foncer, suivi de trois autres Yak. L’engagement fut rapide et meurtrier : plusieurs appareils ennemis furent descendus en flammes et le groupe allemand fut contraint de rebrousser chemin. Lorsque le commandant donna le signal du rassemblement, il s’aperçut que trois pilotes manquaient à l’appel : Littolff, Castelain et Bernavon avaient été abattus. Depuis le début de la campagne, ils comptaient à eux trois vingt- sept victoires.

Le lendemain, au cours de la troisième sortie du groupe depuis trois jours, Tulasne emmena une escadrille de neuf Yak chargée d’attaquer une colonne ennemie motorisée faisant mouvement de Bolkhov à Orel. Après avoir fait leur jonction avec les avions d’assaut soviétiques, les Français affrontèrent un sévère tir de barrage de la DCA ennemie, mais ils s’acquittèrent très efficacement de leur mission : au sol, de nombreux chars et blindés allemands étaient en feu. Alerté, un groupe de Focke-Wulf vint à la rescousse et un très dur combat s’engagea entre des ennemis très supérieurs en nombre et les Franco-Soviétiques. Normandie subit le choc de plein fouet. Les équipages des lieutenants Léon, Préziosi et Albert abattirent plusieurs Focke-Wulf, tandis que Tulasne, l’aspirant Bon et Pouyade montaient en chandelle vers un cumulus :

« Le commandant Tulasne, raconte le colonel Loukachine, volait un peu au-dessus des autres équipages. Faisant un virage sur l’aile, il se mit dans la queue de quatre FW et passa à l’attaque. A ce moment, le commandant de l’escadrille était seul, car son coéquipier se trouvait aux prises avec deux autres Focke-Wulf. On remarqua l’avion de Tulasne en plein milieu des chasseurs allemands. Comme un bolide, il fondait sur eux et tirait de toutes ses mitrailleuses et de son canon sur les avions ennemis qui passaient dans son collimateur, puis se dégageait, par une manœuvre habile, de leur feu. Mais personne ne sut ce qu’il advint de lui par la suite. Ce jour-là, le commandant Tulasne qui avait cinquante sorties à son actif*, ne revint pas de sa mission. »

Ce jour-là, jour de gloire et de deuil pour le groupe, deux autres aviateurs furent abattus : le lieutenant Béguin et l’aspirant Vermeil. Le premier réussit à regagner sa base ; le second, comme son chef, ne reparut jamais. En quatre jours, le groupe Normandie avait eu six morts et remporté dix-sept victoires homologuées : « Le prix était lourd », commente Yves Courrière. Tédesco, Littolff, Castelain, Bernavon, Vermeil et Tulasne seront faits Compagnons de la Libération par le général de Gaulle le 11 octobre 1943.

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* Le commandant Tulasne totalisait par ailleurs 1986 heures de vol et il avait effectué 96 missions offensives au-dessus du territoire ennemi.