Le médecin commandant Robin
Une fois de plus les Français libres sont en deuil, cruellement en deuil. L’un des meilleurs d’entre nous en effet, le médecin commandant Robin vient de mourir emporté par une longue et pénible maladie contractée au service de la France Libre.
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Si les rigueurs d’un séjour particulièrement éprouvant en Afrique occidentale l’avaient laissé littéralement exsangue, elles n’avaient pas entamé sa force d’âme. Aussi plutôt que de rentrer en métropole prendre le repos sauveur, sut-il choisir avec détermination la voie de l’honneur. Mieux que quiconque cependant il savait que cette voie n’aurait d’autre issue pour lui que la tombe car il devait écrire plus tard, parlant de cette époque :
«… Médicalement parlant je m’étais donné un an … »
Tel était l’homme.
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Rien d’étonnant donc à ce que passant aux actes Robin se retrouve aux côtés de Laurent-Champrosay lorsque celui-ci à la tête d’une cohorte d’obstinés français quitte Bobo-Dioulasso et ses Vichystes pour rallier le général de Gaulle en passant chez les Britanniques. On ne peut non plus s’étonner de voir ensuite le colonel Leclerc venant de Londres remarquer en Gold Coast ce médecin dont la volonté et la foi lui révèlent ce dont les coloniaux seront capables pour la France Libre. C’est ainsi que Robin débarquera à Douala et prendra une part directe au ralliement sans effusion de sang au Cameroun. Tout autre fut ce que l’on appelle sobrement : « l’Affaire du Gabon », mais qui pour les initiés représente une véritable campagne, une lutte de tous les jours contre la brousse, la forêt vierge, l’eau, la maladie, les armes, enfin des Vichystes. Là encore Robin devait comme médecin chef des colonnes Kœnig-Leclerc se donner sans mesure au prix d’un effort incroyable de volonté, incroyable et ignoré de tous car Robin était aussi un grand modeste.
Affecté sur sa demande au B.M. 4, il en sera le médecin chef en Palestine et en Syrie. Mais après l’Armistice de Saint-Jean-d’Acre il est contraint de se faire hospitaliser en proie à la maladie qui lui interdit désormais toute activité physique.
Ce fut ensuite pour cet homme d’action la vie de malade, de formation sanitaire en formation sanitaire. Pour le soutenir : son énergie indomptable mais aussi sa foi profonde dans les destinées de la France. Il fut avec la pensée – ses lettres en témoignent – parmi ses camarades des premiers jours jusqu’aux ultimes combats de 1945. Ceux d’entre nous qui le virent alors savent aussi combien pour Robin étaient devenus indissociables l’idée de patrie et le culte de l’homme qui, le 18-Juin 1940 appelait à la résistance et aux armes.
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Il aura fallu douze ans d’une lutte quotidienne menée pas à pas au corps à corps pourrait-on, dire pour que la mort triomphe enfin.
Sans doute l’exemple que nous laisse le médecin commandant Robin n’est-il pas bruyant de mille actions d’éclat accomplies au feu. Il n’en est pas moins rayonnant car il est fait du diamant très pur de la foi dans les destinées de la France et du sacrifice librement consenti pour la patrie.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 62, novembre 1953.