Le médecin-colonel William Vignal

Le médecin-colonel William Vignal

Le médecin-colonel William Vignal

 

William Vignal (RFL).
William Vignal (RFL).

Le médecin colonel W. Vignal, mort le10 janvier dernier à Paris, s’était mis à la disposition du général de Gaulle, dès l’appel du 18-Juin.

Né à Paris en 1882, il était de lignée médicale. Son père, histologiste éminent, avait été l’élève de Malassez et de Ranviez, avant d’être leur collaborateur au Collège de France. Il a laissé des travaux aussi importants qu’estimés. Il était quasi naturel qu’au terme de ses études secondaires, le fils opta pour la carrière médicale. Externe des hôpitaux, il fut l’élève de maîtres éminents : Chauffard qui l’aimait beaucoup, Henri Roger, professeur de pathologie générale, doyen de la faculté de médecine.
Docteur en médecine, il s’orienta vers la radiologie. Élève et collaborateur de son regretté maître Aubourg, il fut attaché à la clinique médicale de Saint-Antoine, en qualité d’électro-radiologiste des hôpitaux. Il s’y lia d’amitié avec d’éminents collègues : G. Guillain, Ch. Richet, Guy Laroche, Pasteur-Valléry-Radot, Brodin, J. Huber, Flandin, Noël Fiessenger.
À la retraite du professeur Chauffard, il rejoignit à Beaujon son maître et ami, Aubourg.
Membre de la Société française de radiologie, il a publié nombre d’observations et de travaux cliniques ayant trait à sa spécialité. À ces publications vinrent s’ajouter successivement plusieurs ouvrages didactiques qui font autorité.
Un très grave accident d’automobile survenu dans l’Yonne, en 1930, mit ses jours en danger, le forçant à un très long arrêt de ses activités. Après sa guérison, il fut sollicité notamment par le directeur de l’Institut scientifique franco-canadien et accepta de partir pour Montréal, en mission de longue durée, comme directeur des services radiologiques et électrologiques de l’hôpital Saint-Luc. Il y demeura dix ans, de 1931 à 1941. Nos revers de 1940 l’y surprirent.
Il se montra à Montréal un ardent serviteur de la France en sa qualité de président de l’important groupement, foyer de culture française, qu’abritent les locaux de la place Vigier, entretenant des liens d’amitié et de camaraderie entre les Anciens Combattants français fixés à Montréal. Son action fut très appréciée par l’ambassadeur de France, Raymond Brugère et le consul général, René Türel. Elle a laissé là-bas un vivace souvenir, comme demeure l’accueil qu’il fit aux conférenciers de l’Institut franco-canadien, Ch. Richet et J. Huber.
Vignal avait brillamment servi pendant la guerre 1914-1918 médecin d’un groupe de brancardiers, il avait enlevé plusieurs citations. Volontaire pour la campagne des Dardanelles, il en partagea toutes les péripéties à Gallipoli. On le retrouve à Moudros, en pleine épidémie de typhus et de typhoïde. De retour en France, il s’offrit à partir pour la Roumanie, dans la mission du général Berthelot. À Yassy, il retrouva les ravages du typhus exanthématique, partagea les dangers et les privations de la nation roumaine, groupée autour du roi Ferdinand et de la reine Marie. C’est là qu’il rencontra une jeune et très dévouée infirmière, Mlle Alice Miclesco, appartenant à une famille roumaine de grande distinction et qu’il épousa. À leur rentrée en France, en 1929, leur demeure de la rue de Lille fut et resta un foyer d’amitié que n’ont oublié ni ses collègues ni ses amis. Vignal revenait de Roumanie, chevalier de la Légion d’honneur et honoré de hautes distinctions roumaines.
La déclaration de guerre de septembre 1939 le trouve à Montréal. Les lettres pressantes qu’il adresse au ministre des Affaires étrangères, demandant instamment son retour en France pour y servir, ne sont pas prises en considération. Il est prié de demeurer à son poste où il est utile. Il se cabre devant la défaite momentanée de la France. À l’appel du général de Gaulle, il répond sans tergiverser : présent. Le Général l’invite à rester à Montréal pour l’y représenter.
En 1941, il est appelé à Londres. Les effectifs de la France Libre sont partout engagés, sur terre, sur mer, dans les airs, aux côtés des forces britanniques.
Les unités françaises qui se battent dans le désert ont un urgent besoin d’un matériel sanitaire, adapté aux conditions très spéciales de cette guerre, capable de permettre aussi bien le traitement sur place des blessés que celui des malades, de sauvegarder aussi la santé des militaires luttant sous un climat chaud, dans une atmosphère sèche, manœuvrant sur un terrain d’une totale aridité. Vignal, en collaboration avec de Cailly, va s’atteler à cette organisation ; acquisition de voitures d’ambulance, formation d’unités chirurgicales et médicales, approvisionnement en matériel, pansements, médicaments, vitamines, chlorure de sodium, etc., mise en fonctionnement de l’hôpital de Camberley, du service médical de place, examen des recrues, établissement des liaisons avec les formations militaires britanniques. Il veillera à tout avec une égale attention et, par surcroît, sera un auditeur assidu des très utiles conférences fondées par le président de la Société royale de médecine, le major général, Sir Henri Tidy. Tous ceux qui ont eu accès à son modeste bureau de Dolphin Square puis de Saint James’s Square, gardent et garderont le souvenir de son affabilité, de sa constante bienveillance, de sa bonne humeur; Vignal ignorait le mot impossible.
Les relations qu’il avait conservées au Canada lui permettaient d’entretenir une correspondance confiante, non pas seulement avec le comité « France Libre », mais aussi avec nombre de formations désireuses d’aider à bon escient les Forces combattantes françaises. « Les besoins sont malheureusement très grands, vous apporterez un notable soulagement aux souffrances de nos blessés, en permettant au service de santé d’agir efficacement », exposait-il à ses correspondants.
En juillet 1944, vint le débarquement. Vignal, réalisant alors son long et patient travail d’organisation, s’y consacra corps et âme, tandis que sa courageuse compagne, Mme Vignal, reprenant ses fonctions d’infirmière, oublieuse d’elle-même, partageait avec entrain dangers et fatigues, rayonnant de Versainville à travers les villages détruits de Normandie, allait de décombres en décombres, recherchant blessés, malades, plus généralement ceux ou celles qui avaient besoin d’un secours, moral ou matériel. Vignal recevait les blessés civils, évacués des villages libérés sur l’Angleterre, les dirigeait sur les hôpitaux dont il avait obtenu la désignation par les autorités médicales britanniques, demeurait en contact permanent avec eux, apaisant leurs inquiétudes, veillant à leurs soins. Entre temps, il se multipliait pour diriger sur les territoires français libérés, tout ce qui avait été accumulé dans les dépôts de Pimlico Road, de médicaments, pansements, couvertures, draps, layettes, à destination des populations éprouvées.
Au terme des hostilités, Vignal reprenait à Paris l’exercice de sa spécialité. La mort de sa femme, en 1950, fut une dure épreuve ; il y fit face avec autant de courage que de sérénité, soutenu par l’affection d’amis aussi éprouvés que J. Huber et Rachel Ford.
Sachant ses propres jours comptés, il ne cessa ni de travailler ni d’affirmer sa foi dans le relèvement de la France et la restauration de sa grandeur.
Sa vie est un exemple de droiture, de patriotisme, de loyauté.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 53, décembre 1952.