Lettre d’un Français Libre à un ami Anglais
Par Guy Robin (« Jacques » en Angleterre)
La Revue de la France Libre est heureuse de publier à nouveau le texte de cette préface, sous forme d’une lettre d’un récent Français Libre à l’ami anglais chez lequel il avait reçu l’hospitalité à son arrivée à Londres.
Petit à petit, l’étranger que je suis et que vous avez accueilli à votre home, sur la foi de vagues recommandations, avait fini par s’intégrer à votre vie. Quelquefois, je me suis demandé – car vous n’êtes guère démonstratif – si vous n’aviez pas fini par vous habituer à moi, comme vous vous êtes habitué aux deux chu-chin-chows de votre gouvernante, c’est-à-dire avec une résignation toute stoïcienne.
Nous avons passé ainsi d’agréables soirées dans votre maison de la banlieue londonienne. Le feu de charbon brûlait dans la cheminée, vous le regardiez brûler en fumant votre pipe. Vous m’écoutiez, tandis que moi je parlais en vous regardant. Et votre conversation n’eut jamais aucun rapport avec tout le bruit que faisaient au dehors les avions de Gœring.
Hé, je sais bien, mon vieil ami, que vous lisez ces lignes avec impatience. Quelle idée de parler de sensibilité, d’affection entre hommes ! Cela se sent, cela ne se dit pas. Que voulez-vous ? Français je suis et reste. Vous n’empêcherez jamais un Français de proclamer son contentement quand il se sent environné d’affection. Quand la cigale se sent pénétrée par les effluves du soleil, elle est contente et elle chante. C’est quelquefois agaçant pour celui qui dort dans l’herbe. « Quel besoin a cet insecte de chanter ? Ne peut-il se sentir heureux sans le proclamer à la face du monde ? » Voilà, justement, il ne peut pas s’empêcher de chanter. Expliquez cela si vous le pouvez, Monsieur l’entomologiste.