L’engagement étranger dans la Résistance française (appel à communication)
L’Université de Genève organise un colloque sur “L’engagement étranger dans la Résistance française : Modalités, impacts et construction mémorielle” qui entend explorer le destin des étrangers dans la Résistance dans le cadre du projet de recherche “Traîtres ou héros ? Les Suisses dans la Résistance française”. L’objectif de cette rencontre est de mettre en regard différentes expériences nationales d’engagement résistant afin de questionner leurs modalités et leur impact sur la construction mémorielle dans une perspective transnationale.
Appel à communication
Des dizaines de milliers d’étrangers ont participé à la libération de la France, un pays qui n’était pas le leur. Dès juin 1940, ils se sont engagés en tant que Résistance extérieure à Londres, en Afrique du Nord ou au Moyen-Orient sous le drapeau du Général de Gaulle ; en France même, la Résistance intérieure a pu compter sur des immigrés déjà en place ou des hommes et des femmes accourus clandestinement des régions limitrophes, dont environ 200 de Suisse.
A la Libération, l’exaltation de la dimension nationale de la Résistance est à la base d’une construction mémorielle ne laissant pas de place à la mise en avant des apports étrangers. Une fois la France libérée, la reconstruction identitaire du pays sur des fondements essentiellement nationaux et les débuts de la Guerre froide n’ont pas permis de mettre en lumière la participation étrangère à la Résistance. Si a posteriori l’évolution historiographique a permis de combler en partie ce vide, en s’intéressant notamment aux contingents espagnols et italiens, ou encore aux Allemands ayant combattu avec la Résistance, tous les enrôlements étrangers n’ont pas été examinés. Par exemple, la question des participants issus de pays neutres est peu traitée. Il en va ainsi des Suisses, dont l’engagement n’a jamais été précisément analysé et n’est que rarement mentionné dans les ouvrages généraux.
Pourtant, le cas suisse n’est pas sans intérêt, tant d’un point de vue national que transnational. En effet, en considérant les motifs de l’engagement des citoyens helvétiques, on constate qu’une majorité de ceux qui sont partis de Suisse pour s’enrôler au sein de la Résistance française ne l’ont pas fait par conviction idéologique, pour lutter contre le nazisme et pour des valeurs telles que la liberté, la démocratie et la défense des droits humains fondamentaux, même si ces motivations semblent de prime abord faire partie d’un imaginaire collectif partagé par les engagés dans la Résistance française,. Leurs motifs sont bien souvent plus prosaïques : ennuis avec la justice, problèmes familiaux, marginalisation ou encore recherche d’une camaraderie au sein d’une organisation militaire. Dans cette optique, la Résistance se présente comme une porte de sortie, une issue de secours pour des Suisses qui ne trouvent pas ou plus leur place dans la société helvétique de l’époque et font le choix, parfois par défaut, de passer la frontière pour s’engager aux côtés des Résistants français. Puis, une fois de retour au pays, après avoir combattu plus ou moins longtemps, beaucoup seront jugés par les autorités militaires pour avoir servi dans une armée étrangère. Apparemment, les autorités suisses ont souhaité, en cette période trouble, maintenir l’unité du pays fondée notamment sur une glorification de l’armée et une exacerbation de l’esprit de résistance du peuple suisse. Condamnés au sortir de la guerre, ils seront oubliés. Bien que l’historiographie helvétique portant sur la Seconde Guerre mondiale ait connu plusieurs renouveaux, l’engagement de Suisses au sein de la Résistance reste méconnu et peu étudié. Il en va de même au sein du monde politique et de l’opinion publique helvétiques, qui, pendant longtemps vont taire l’existence de Résistants suisses.
Bien entendu, ces Résistants par défaut ne constituent pas la totalité du contingent des Suisses. Néanmoins, leur existence est avérée et mène à se poser un certain nombre de questions, quant à leur identité, leur origine socio-culturelle, leurs motivations et les raisons qui les ont poussés au départ. Dès lors, on peut se demander dans quelle mesure ces motivations peu nobles au regard des buts avoué de la Résistance ont pu avoir des conséquences. Sur le moment, ont-elles eu une influence sur les mouvements de Résistance dans lesquels les combattants suisses ont opéré ? Ensuite, ont-elles joué un rôle dans le traitement mémoriel qui leur a été réservé ? Mais surtout, dans quelle mesure le cas helvétique est-il singulier ?
L’objectif de ce colloque est de croiser différentes expériences nationales afin de questionner les modalités de l’engagement et leur impact sur la Résistance comme sur son exploitation mémorielle. L’ambition plus large de ces discussions serait de faire avancer la dimension transnationale de l’historiographie sur la Résistance française, en mettant en regard diverses expériences nationales afin d’en tirer des points de convergence et de divergence. Cette approche devrait non seulement permettre d’enrichir l’historiographie déjà abondante sur ce sujet, mais également contribuer à jeter une lumière nouvelle sur l’après-guerre.
Informations pratiques
Un argumentaire (250 mots maximum) et une brève biographie doivent être adressés avant le 17 novembre 2017.
Irène Herrmann : irene[dot]herrmann[at]unige[dot]ch
Marie-Laure Graf : marie-laure[dot]graf[at]unige[dot]ch.
Date du colloque : 22-23 juin 2018
Lieu : Université de Genève
Le colloque se tiendra en anglais et français.
Les frais de transport et logement sont pris en charge par l’organisation.
Comité de sélection
Irène Herrmann, professeur ordinaire et directrice de l’Unité d’histoire suisse
Peter Huber, docteur et maître de conférence
Marie-Laure Graf, doctorante