Le général Guillaudot
Le 23 avril dernier, dans les salons de l’Association, en remettant au général Guillaudot les insignes de grand-croix de la Légion d’honneur, le général de Larminat a prononcé l’allocution suivante :
« La dignité suprême dans l’ordre national de la Légion d’honneur à laquelle je vais avoir l’honneur d’élever le général Guillaudot vient reconnaître des services de guerre exceptionnels.
« Dès la guerre 1914-1918, le lieutenant Guillaudot s’affirme de manière éclatante. Parti comme artilleur, il passe rapidement comme volontaire dans l’infanterie, est quatre fois blessé, six fois cité et est fait chevalier de la Légion d’honneur en août 1918 sur le champ de bataille.
« 1940 le trouve commandant de la Légion de gendarmerie de Rennes. Il en est bientôt muté en 1941 pour le Morbihan sur demande des Allemands, à la suite de son refus de faire charger la foule des Français venus fleurir les tombes des victimes du bombardement du 17 juin 1940.
« Sitôt arrivé à Vannes, il conçoit cette idée originale (il fut le seul) et assez géniale, de construire la Résistance sur la gendarmerie. De ce fait il assure à la Résistance : un cadre éprouvé et respecté, un service de renseignements et des transmissions de premier ordre, une grande sécurité morale, ce qui permet d’y attirer nombre de bons cadres de carrière et de réserve.
« Nommé par Londres chef départemental sous le nom de « Yodi », il envoie au B.C.R.A. le célèbre plan dit « panier de cerises » qui apporte dans le plus grand détail, de façon précise et exacte, tout le dispositif allemand dans le Morbihan : les ouvrages (leur armement, leur garnison, leurs points faibles), les dépôts de carburants et de munitions, les terrains d’aviation, les postes de commandement, etc. Il y ajoute le plan d’une opération de débarquement secondaire à Suscinio, ayant comme objectif de boucler la péninsule bretonne.
« Chemin faisant, il organise la récupération des aviateurs alliés : 200 ont été recueillis en Morbihan – des parachutages, et pousse la préparation des unités du maquis qui, au nombre de 12.000 encadrés et armés entrèrent en action dès le débarquement de juin 1944.
« À ce moment-là, Guillaudot n’était plus là. Le 10 décembre 1943 il avait été arrêté et pendant des mois subit héroïquement mauvais traitements et tortures, sans rien révéler, avant d’être dirigé sur le camp de Neuengamme d’où il ne devait rentrer qu’en mai 1945, épuisé et gravement touché.
« L’élan qu’il avait donné ne subit aucun fléchissement. Aucune défection ne se produisit, la gendarmerie tout entière passa au maquis le jour dit. Les bataillons se levèrent au grand jour et menèrent un dur combat, dont Saint-Marcel est le principal, pour libérer leur sol. Tout cela, qui fut précieux et salutaire, était l’œuvre du général Guillaudot.
« Pour tout cela il fut fait Compagnon de la Libération dès son retour. Pour tout cela, le général Guillaudot, au nom du président de la République française et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous élevons à la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur. »
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 125, mai 1960.