La libération de Paris par la deuxième division blindée de Leclerc
La libération de Paris par la deuxième division blindée de Leclerc, médecin en chef (R) B. F. Michel, le général de Brigade (R) J-P. Michel et le colonel P. Robédat.
Le parcours exemplaire de Rafael Gomez Nieto, champion de la liberté
Rafael Gomez Nieto est mort du covid-19, le 31 mars 2020, à l’âge de 99 ans, dans un petit village d’Alsace, Lingolsheim, dans le Bas-Rhin. Ces dernières semaines, il allait encore faire ses courses en voiture. Il était l’ultime symbole et le dernier survivant de la « Nueve ». Avec lui est parti un des derniers acteurs de la libération de Paris, pour entrer définitivement dans la grande Histoire de France. Le père de Rafael Gomez Nieto, partisan de la République Espagnole, était carabinier pendant la guerre d’Espagne. Cette guerre civile opposa le camp nationaliste, dirigé par Franco, au camp républicain. En 1938, à 17 ans, Rafael Gomez Nieto combattit dans les rangs républicains. Cette guerre se solda par la défaite des républicains. Après la débâcle de la bataille de l’Elbe en 1938, lui et sa famille traversèrent les Pyrénées pour se réfugier en France. Ils furent ainsi des centaines de milliers à fuir pour se réfugier dans la patrie des droits de l’Homme. Rafael Gomez Nieto se retrouva parqué dans un camp à Saint-Cyprien, dans des conditions déplorables. En 1942, après le débarquement allié en Afrique du Nord, Rafael et son père, rejoignirent Oran, en Algérie. Rafael Gomez Nieto s’engagea dans les Corps francs d’Afrique (CFA) qui, avec le Commandant Joseph Putz, rallièrent en grande partie la deuxième division blindée (2e DB) à Sabratha, en Libye. Affecté au régiment de marche du Tchad (RMT), il participa à la formation de la 9e compagnie du 3ssup>e bataillon du RMT appelée la « Nueve », compte tenu de la majorité d’Espagnols qui la composait. Le 8 août 1944, au volant de l’half-track « Guernica », Rafael Gomez Nieto, débarqua à Utah Beach en Normandie. De Saint-Martin-de-Vareville, jusqu’à Berchtesgaden le 5 mai 1945, il fut de tous les combats de la « Nueve » qui entra la première dans Paris le 24 août 1944, avec pour mission de contacter les résistants et de leur transmettre le massage de Leclerc : « Tenez bon on arrive ! ». Le 26 août 1944, jour du défilé de l’Arc de Triomphe à Notre-Dame, Rafael Gomez Nieto et la « Nueve » assuraient la protection du général de Gaulle. Puis ce fut la Lorraine et l’Asace avec la libération de Strasbourg. Ce périple se termina au « nid d’aigle » d’Hitler à Berchtesgaden. Après la capitulation du 8 mai 1945, démobilisé, décoré de la croix de guerre, il retourna en Algérie, exercer son métier de cordonnier. En 1955, avec sa famille, il s’installa à Strasbourg. Il fut enfin reconnu et honoré par la Légion d’honneur en 2012. Une de ses dernières sorties publiques eut lieu en 2017, pour l’inauguration d’une place dédiée à la « Nueve » à Madrid, à laquelle il avait assisté, au nom de tous ses compagnons. En 2014, à l’occasion du 70e anniversaire de la libération de Paris, le maire, Anne Hidalgo, rebaptisa les jardins de l’hôtel de ville « Jardin des combattants de la Nueve ». En 2019, il a participé aux cérémonies de la libération de Strasbourg ainsi que celle de Grussenheim, là où son chef fut tué en janvier 1945. La Présidence de la république, dans un communiqué daté du 1er avril 2020, a exprimé sa reconnaissance à Rafael Gomez Nieto : « … Rafael Gomez Nieto connut l’ivresse de la Libération et du défilé sur les Champs-Élysées, les cris de la joie retrouvée et l’allégresse des temps nouveaux. La France n’oubliera pas son engagement et ses sacrifices. Elle lui restera, à lui et à tous ses camarades de combat, éternellement reconnaissante. Le Président de la République salue ce héros de la liberté et adresse à ses proches ses condoléances les plus respectueuses… »
Le maréchal Leclerc et le serment de Koufra
Le capitaine Philippe De Hauteclocque (alias Leclerc) s’était présenté au général de Gaulle à Londres dès le 25 juin 1940. Malgré l’armistice, une importante fraction des Européens des colonies d’Afrique noire était désireuse de continuer la lutte. Une mission fut mise en route dès le 5 août 1940, comprenant René Pleven, le commandant Leclerc et le capitaine Claude Hettier de Boislambert. Le 6 août 1940, les trois pèlerins quittèrent l’Angleterre à bord d’un hydravion qui se posa le lendemain à Freetown, capitale de la Sierra Leone. Le 18 août 1940, à Lagos, au cours d’une rencontre historique, les tâches furent réparties. Le colonel Edgar de Larminat s’était alors joint aux trois membres de l’équipe. Le Tchad devait être le pivot de l’opération. Le signal fut donné par le gouverneur Félix Éboué, « premier résistant de l’Empire », qui, à Fort-Lamy, le 23 août 1940, appela la population à se porter à l’aérodrome, pour y accueillir René Pleven et Jean Colonna d’Ornano. Mais il fallut attendre le ralliement du colonel Pierre Marchand, qui commandait le régiment de tirailleurs sénégalais du Tchad (RTST), avant d’annoncer officiellement le ralliement à la France Libre. Le 26 août 1940, Leclerc, Boislambert et des officiers évadés du Dahomey se rendirent à Tiko, où ils retrouvèrent des évadés du Cameroun. L’expédition comptait 23 personnes, et c’était la première unité française libre qui embarqua sur une chaloupe, puis sur 3 pirogues, pour remonter le fleuve Wouri jusqu’à Douala, pour passer inaperçu, car L’entrée du port était défendue par une batterie de 155 commandée par le capitaine Jean Crépin. Après avoir débarqué, les « conjurés » se retrouvèrent dans une case complice, où arrivèrent tous les partisans de la France Libre, dont le capitaine Louis Dio. C’est lui qui, à la tête de sa compagnie, prit le contrôle du camp militaire. Le 27 août 1940 au matin, tout était terminé, et Leclerc put s’installer au palais du gouverneur et annoncer le ralliement du Cameroun à la France Libre. Ce n’est que le 27 au soir que Jean Crépin se rallia à Leclerc. Il fit toutes ses campagnes, commandant l’artillerie de la 2e DB. Après des raids sur Tedjéré et Mourzouk, où le lieutenant-colonel Colonna d’Ornano fut tué, Leclerc s’attaqua à l’oasis de Koufra, tenue par les italiens. Partant de Faya-Largeau, le 23 décembre 1940, Leclerc installa sa base opérationnelle à Ounianga-Kébir, près de la frontière libyenne. Le 31 janvier 1941, un convoi armé bien modeste fut rassemblé au rocher de Tumma : 300 tirailleurs africains et 100 Européens, sur 23 vieux camions, 2 canons de montagne de 75 et 2 automitrailleuses qui ne purent effectuer le trajet jusqu’à Koufra. Le 17 février 1941, la colonne d’attaque, menée par le colonel Leclerc et le commandant Dio, se mis en branle. Après 10 jours de siège, la garnison italienne se rendit le 1er mars 1940. Le 2 mars à 8 heures du matin, en plein milieu du désert libyen, le drapeau français fut hissé au grand mât du fort. Face à ses hommes qui avaient réussi pour la première fois depuis l’armistice à ramener la victoire sous les plis du drapeau, Leclerc prononça les paroles devenues fameuses sous le nom de serment de Koufra : « Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg. »
Le général Dio et le régiment de marche du Tchad
Le régiment de tirailleurs sénégalais du Tchad (RTST) avait été créé en 1910. Sous le commandement du colonel Pierre Marchand, il fut l’une des toutes premières unités à rallier la France Libre, le 26 août 1940. Le 29 août 1940, à Brazzaville, le renfort n°4 (commandant Raymond Delange) du RTST, est intervenu pour neutraliser les chefs militaires et civils, fidèles au gouvernement de Vichy. Sans effusion de sang, le ralliement du Congo à la France Libre fut proclamé. Le jour même, le renfort n°4 prit pour nom bataillon de marche n°1 (BM1) de l’Afrique équatoriale française libre. Après un premier ralliement, les autorités du Gabon se rétractèrent. Tandis qu’un groupement de militaires du Cameroun aux ordres du colonel Leclerc et un bataillon de Légion commandé par le commandant Pierre Kœnig s’emparaient de Libreville, le BM1 procéda à la pacification du sud du Gabon. Le 2 décembre 1940, le colonel Leclerc fut nommé commandant militaire du Tchad par le général de Gaulle et chef du RTST. Leclerc fit venir du Cameroun le commandant Dio, dont il avait apprécié la solidité à son arrivée à Douala. Il décida de s’emparer de Koufra, citadelle tenue par les Italiens, protégée par un désert hostile. La campagne pour la prise de Koufra fut menée par un détachement du RTST, à qui revint la gloire d’avoir remporté la première victoire française en Afrique. Dio fut gravement blessé le 25 février 1941 en menant l’assaut. Le BM1 embarqua à partir du 15 mars 1941 sur les bateaux fluviaux remontant le Congo et l’Oubangui, pour rejoindre les Forces Françaises Libres au camp militaire de Qastina, en Palestine. Il fut engagé dans les opérations de Syrie le 8 juin 1941. A partir de cette date fait partie des unités combattantes de la première division française Libre (1re DFL). Damas est prise le 21 juin 1941. En octobre 1941, le BM1 se dédoubla pour former le BM11. Ces deux bataillons et le bataillon d’infanterie de marine (BIM), commandé par le commandant Jacques Savey, formèrent la 3e brigade, commandée par le colonel Raymond Delange. Après une inspection du général Leclerc, il fut décidé que le BM1 serait groupé sous les ordres du commandant Jacques Massupour faire partie de la Force « L » (colonne Leclerc) basé à Chédra. En février et mars 1942, le colonel Leclerc lança six groupements tactiques motorisés dans la première campagne du Fezzan. Le commandant Dio y participa et s’empara du poste de Tedjéré le 2 mars 1942. Le BM1 fut rapatrié au Tchad en avril 1942. Pendant ce temps, après le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, le 25 novembre 1942, le général Henri Giraud fut, durant plusieurs mois, au pouvoir, ayant sous ses ordres l’Armée d’Afrique. Un CFA fut créé qui dépendait directement du général Giraud. Ce petit groupe était composé de volontaires, en particulier des réfugiés militaires espagnols. Trois bataillons furent créés et acheminés sur la base de Tabarka, près de la frontière tunisienne. Durant la deuxième campagne du Fezzan, en janvier 1943, le colonel Dio commandait le groupement d’action principale. Le lieutenant-colonel Delange fut nommé gouverneur et commandant militaire du Fezzan le 11 janvier 1943. La progression se poursuivit en Tripolitaine et, le 24 janvier 1943, le colonel Dio atteignit Tripoli. Le BM1 fut dissous le 20 février 1943, les militaires Européens du BM1 furent versés à la 2e DB lors de sa création, tandis que les Africains restaient dans la 1re DFL. La dernière étape de l’épopée africaine du général Leclerc s’acheva en Tunisie, par les victoires de Ksar Rhilane et Bir Soltane, du 10 au 23 mars 1943. À l’issue de la campagne de Tunisie, au camp de Sabratha, au moment de la constitution de la 2e division française libre, future 2e division blindée (2e DB). le colonel Dio prit le commandement du régiment de marche du Tchad (RMT). La dissolution du CFA fut prononcée le 9 juillet 1943 et ses éléments redistribués vers d’autres unités. La 9e compagnie du CFA, d’origine espagnole, se retrouva à la « Nueve » du RMT. Par décision du 17 janvier 1944, le RMT fut proclamé héritier des traditions du RTST, dans la continuation de l’action de guerre menée par les troupes coloniales. Le RMT fut, par la suite, de toutes les opérations menées par la 2e DB. Sa citation à l’ordre de l’armée, publiée au Journal officiel du 12 juin 1945, s’achevait par ces mots : « Seule unité constituée qui se soit, dans son ensemble et dès les premiers instants, refusée à capituler, a montré dans tous les combats et sur tous les fronts une ardeur, une habileté manœuvrière et un esprit de sacrifice digne des plus belles traditions de l’Infanterie coloniale. » Le RMT a été fait compagnon de la Libération le 12 juin 1945.
Le capitaine Raymond Dronne et la neuvième compagnie de combat
Lieutenant de réserve, Raymond Dronne avait pris une part active, à Yaoundé, au ralliement à la France libre, le 28 août 1940. Engagé dans les Forces françaises libres, il combattit en Tripolitaine, puis en Tunisie, où il fut grièvement blessé à Ksar Rhilane, le 10 mars 1943. Il rejoignit ensuite le RMT, dont il commanda la 9e compagnie, la « Nueve », essentiellement composée de volontaires espagnols. C’est dans ce vivier de combattants acharnés, n’ayant plus rien à perdre, que la 9e Compagnie du 3e bataillon du RMT puisa l’essentiel de ses effectifs. C’est pendant l’hiver 1943-1944, en Afrique du Nord, que fut créée et que s’entraîna la 9e compagnie de combat du 3e bataillon du RMT. Les hommes de la 9e compagnie, n’oubliant pas leurs origines, appelèrent leur unité la « Nueve ». Le capitaine Raymond Dronne fut choisi pour commander la compagnie, car il parlait couramment espagnol et, facteur peut-être plus important encore, était entré dans la France Libre dès le début. La « Nueve » est incontestablement, par sa composition et son esprit, une unité particulière, qui ne ressemblait pas à une unité classique de l’armée régulière. Dronne trouvait les Espagnols « à la fois difficiles et faciles à commander… Ils n’avaient pas l’esprit militaire. Ils étaient presque tous antimilitaristes, mais c’étaient de magnifiques soldats, vaillants et expérimentés. S’ils avaient embrassé spontanément et volontairement notre cause, c’était parce que c’était la cause de la liberté. Oui, en vérité, c’étaient des champions de la liberté ». L’histoire des combats de la « Nueve » se confond avec celle du RMT et de la 2e DB, dont elle suivit, voire ouvrit, le chemin. La 2e DB débarqua en Normandie du 31 juillet au 4 août 1944. Elle était organisée en groupements tactiques, prenant chacun la première lettre du nom de son chef : GTD (Dio), GTL (de Langlade) et GTV (Warabiot). C’est dans le GTV que fut intégrée la « Nueve ». La 2e DB enveloppa les Allemands de Normandie. Le 12 août 1944, le GTV passa en tête, prit Sées, puis fonça sur Écouché. La « Nueve » et la 1re compagnie du 501e régiment de chars de combat (RCC) furent engagées. La position d’Écouché était une pointe dans le dispositif allemand. La « Nueve » tint sa position pendant une semaine, jusqu’au 18 août 1944. Les combats furent violents et Dronne s’y distingua particulièrement. La « Nueve » quitta Écouché le 23 août. Elle combattit au Sud de Paris toute la journée du 24 août 1944 et fut stoppée devant Fresnes. Écoutons Raymond Dronne raconter lui-même cette folle journée : « … J’ai le sentiment que la route de Paris est grande ouverte et qu’il n’y a qu’à foncer. Nous recevons bien quelques rafales et quelques obus. Mais les coups sont rares et imprécis. À ce moment, je reçois par radio l’ordre de mon sous-groupement de me rabattre sur l’axe, à 600 mètres au sud du carrefour de la Croix de Berny, qui est solidement tenu par les Allemands. Cet ordre est stupide. Pourquoi se rabattre sur un axe déjà encombré ? À la rigueur, je pourrais valablement me rabattre au-delà de la Croix de Berny, pour prendre la résistance à revers. L’ordre est répété ; je formule mes objections. L’ordre est maintenu, impératif. À regret, mécontent, en colère, je me rabats sur l’axe à l’endroit prescrit. Je tombe pile sur le général Leclerc. Il est exactement 19 h 30. Le général tape nerveusement de la canne. C’est un signe qui ne trompe pas : le général n’est pas satisfait. Je n’ai pas noté aussitôt les termes exacts de notre brève conversation. Mais j’en ai gardé le sens. Leclerc m’apostropha : « Dronne, qu’est-ce que vous faites là ? » Et il me reprocha de m’être rabattu sur l’axe. Je lui répondis que j’exécutais un ordre, que je l’exécutais la mort dans l’âme, mais que je l’exécutais quand même. Je précisais que j’avais le sentiment que le chemin de Paris était ouvert et qu’on pouvait y entrer le soir même, à condition de ne pas se laisser hypnotiser par les nœuds de résistance qu’on pouvait rencontrer. Après une réflexion sur l’inopportunité qu’il y a à exécuter les ordres idiots, le général Leclerc me dit : « Allez, filez sur Paris, passez n’importe où, mais entrez à Paris ce soir, il le faut pour le moral de la population et de la résistance ». Je pris immédiatement les éléments de ma compagnie que j’avais sous la main : les sections Elias et Campos, la section de commandement et l’élément de dépannage. Le général Leclerc me fit donner en renfort une section de chars du 501 réduite a trois chars (elle venait d’en perdre deux) et une section du génie qui se trouvaient à proximité. La section du génie était commandée par l’adjudant-chef Cancel et la section de chars – avec les chars « Montmirail », « Champaubert » et « Romilly » par un garçon de grande classe, père blanc dans le civil, le lieutenant Michard, qui devait être tué quelques mois plus tard en Alsace… À toute vitesse, passant là où nous trouvons le vide, nous traversons L’Haÿ-les-Roses, Aarcueil, CachanN, Le Kremlin-Bicêtre, Bagneux. Partout, la population se précipite sur notre route et nous fait un accueil enthousiaste. Pour nous autres, Français Libres, que la France officielle de Vichy avait condamnés, cette réception du peuple de Paris était à la fois notre récompense et notre justification. Nous ne voulions pas le montrer, mais nous étions émus jusqu’aux larmes… À 20 h, 45, nous arrivions à la Porte d’Italie. La foule nous considéra avec étonnement… Tout d’un coup la foule hurla « Les Français, ce sont les Français ». Elle se précipita sur nous, nous entoura, nous pressa ; une Alsacienne dans son magnifique costume régional, sauta sur ma jeep et s’assit d’autorité sur le capot. Elle cassa la glace du pare-brise replié… Nous eûmes grand-peine à nous tirer des bras de tous ces braves gens. Il ne fallait pas nous laisser attarder. Où aller ? Pas d’hésitation : au cœur de Paris, à l’Hôtel de Ville, symbole des libertés parisiennes… Il était exactement 21 heures 22 – à l’heure allemande – lorsque nous débouchâmes sur la place de l’Hôtel de Ville. Le jour se mourait. Ce fut la frénésie. Nous avions traversé la moitié de Paris. Un Paris de révolution et de barricades, dans un enthousiasme indescriptible, sans apercevoir un Allemand. D’ailleurs, notre mission n’était pas de les apercevoir, elle était au contraire de les éviter, d’apporter le réconfort de notre présence symbolique, annonciatrice de la grande offensive du lendemain. À notre passage, la Marseillaise jaillissait, une Marseillaise formidable. Nous avions l’impression qu’elle couvrait la ville. Tout d’un coup, les cloches de Paris se mirent a sonner. Toutes les cloches de Paris, les unes après les autres, puis toutes ensemble. J’entends encore leur musique toutes les fois que j’y pense… » Le capitaine Dronne fit disposer ses half-tracks en position défensive devant l’hôtel de Ville, soit 22 blindés et 120 hommes. Ce furent ainsi les blindés conduits par des Espagnols qui libérèrent Paris. Ils portaient des noms symboliques : « Guadalajara », « Madrid », « Guernica », « Belchite », « Guizpuscoa » ou « Brunete ». Dronne s’illustra encore à Vacqueville, en Meurthe-et-Moselle, où il enleva le village âprement défendu par l’ennemi. Le 25 septembre 1944, à Nancy, le capitaine Raymond Dronne reçut du général de Gaulle la croix de Compagnon de la Libération. Le 29 mars 1945, il fut décoré de la Légion d’honneur. Il prit part ensuite activement à la campagne d’Allemagne où, commandant un détachement d’infanterie et de chars, il accomplit avec succès des opérations de harcèlement dans la région de Berchtesgaden, aboutissent à la prise d’un important matériel et de 1 200 prisonniers. Promu colonel en 1947, il quitta l’armée et se consacra à la vie politique et à l’écriture. L’épopée de la « Nueve » s’acheva en juillet 1945, avec sa dissolution.
Bibliographie
Annuaire de la 1re DFL, Paris, Fortin & Fils. De Langlade P., En suivant Leclerc, Paris, Au Fil d’Ariane, 1963, 425 p. Deroo E., Champeaux A., Dutrône C., François P., Le Régiment de marche du Tchad. Des sables de Koufra aux plaines du Liban, Paris, Pierre De Taillac, 2012, 221 p. Dronne R., La Libération de Paris, Paris, Presses de la Cité, 1970,345 p. Eymard A., Album Mémorial. 2e DB, Heimdal, 1990, 285 p. Gomez Nieto Rafael, « Hommage », https://www.fondation-marechal-leclerc.fr/hommage-a-rafael-gomez-nieto-la-nueve/
Fondation de la France Libre – Fondation Maréchal Leclerc de Hauteclocque. 16 Cour des Petites Écuries, 75010 Paris.