Joséphine Baker

Joséphine Baker

Joséphine Baker

Lieutenant des Forces aériennes françaises libres
Chevalier de la Légion d’honneur

J’ai accepté, peut-être avec beaucoup de présomption, d’écrire cet « Adieu à Joséphine Baker ». C’est un grand honneur d’essayer de rendre hommage à la « Grande Dame » des Forces Aériennes Françaises Libres qui, lorsqu’elle s’engagea au début de la guerre, déclara : « C’est la France qui m’a faite ce que je suis, je lui ai donné mon cœur, et je lui donnerai ma vie. »

On a beaucoup écrit sur Joséphine Baker, son esprit, sa gentillesse, son considérable talent et son immense humanisme. Elle a su faire sienne la parole du Christ : « Aime ton prochain comme toi-même. Aimez-vous les uns les autres. »

Sa vie est le reflet de cet amour véritable, de cette fraternité qui, au travers de ses 12 enfants venant des cinq parties du monde, a cherché à être d’une façon concrète l’amour de Dieu dans tous les hommes quelles que soient leur race, leur religion.

Elle a dit du peuple de France : « C’est comme un miracle qu’on a fait pour moi. »

Joséphine, mon amie, ma grande sœur, c’est vous qui avez été notre miracle de vie ardente, de grande bonté et d’incommensurable amour pour tous ceux qui, en ce monde, espèrent.

Certains ne voient dans l’image de Joséphine Baker que la grande artiste apportant à Paris son merveilleux talent, sa personnalité, son charme.

Cette image est trop simple, trop sommaire et trop épurée pour n’être pas simpliste. Elle ne rend pas compte de toutes les dimensions de son extraordinaire personnalité.

Ceux qui ont eu recours à elle lorsqu’elle était dans la Résistance au Maroc, savent les services inappréciables qu’elle rendit. En 1942, elle était promue sous-lieutenant de l’armée de l’air des Forces Françaises Libres.

Ses chefs l’ont proposée à l’ordre de l’Armée et elle reçut la croix de guerre avec palme.

À la fin de la guerre, dans sa propriété des Milandes en Dordogne, ce domaine asile de la fraternité humaine, le général Martial Valin la décora de la Légion d’honneur.

Ce nouveau chevalier fut accueilli avec fierté dans la cohorte de ceux qui veulent que la France vive toujours plus grande.

Sois assuré que nous poursuivrons ton œuvre et que ton souvenir nous aidera à conserver dans toute sa pureté l’héritage spirituel que nous a légué le chef de la France Libre, le général de Gaulle, cet héritage dont pour le défendre, s’il en était besoin, tu as su consacrer le meilleur de tes forces.

Lors de l’adieu de Paris à la grande artiste, on le vit bien, avec tous ses camarades de la Résistance se pressant dans la nef de l’église de la Madeleine au milieu du flot des étoiles de tous les arts. Ce flot du peuple de Paris qui, dans un recueillement religieux, envahissait toutes les rues entourant l’église.

Cette foule devait avoir dans le cœur la chanson qui fit plusieurs fois le tour du monde : « J’ai deux amours : mon pays et Paris. »

À Bobina, rappelée par les applaudissements des spectateurs debout, elle revenait pour la dernière fois saluer son public en levant sa main, la paume en avant, comme un radar qui dirigerait et absorberait le rayonnement de sympathie se croisant de part et d’autre.

Sourire, toujours sourire, voilà Joséphine Baker.

Les années ont passé, mais Paris n’a pas oublié et n’oubliera pas celle qui a dit : « Me revoilà mes amis, comment me trouvez-vous, je finirai ma vie, sur les planches. »

Adieu Joséphine, adieu, tu restes dans notre cœur celle que tu as voulu être, le sourire de Paris, l’universalisme de la France.

Djyléma Jacir

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 210, mars-avril-mai 1975.