Jean Holley
Né le 27 mai 1920 à Brest, Jean Holley, alors jeune étudiant, s’engage au 6e bataillon de chasseurs alpins, qui participe en mai 1940 à l’expédition de Narvik, au sein du corps expéditionnaire français de Norvège. Son action lui vaut d’être décoré des croix de guerre française et norvégienne.
Rallié à la France Libre dès le 19 juin 1940, il est l’un des 60 chasseurs alpins du corps expéditionnaire, et plus particulièrement l’un des 31 volontaires du 6e BCA (sur un effectif d’environ 730 hommes)(1), à choisir de rester en Grande-Bretagne. Il signe son engagement dans les Forces françaises libres dès le 1er juillet sous le pseudonyme de Jacques Hebrard, né à Brest le 27 mai 1918.
Affecté au bataillon de chasseurs de Camberley sous les ordres du capitaine Huchet, le caporal-chef Holley est chef de groupe au sein de la 2e compagnie (1re section du sous-lieutenant Dureau, également un ancien du 6e)(2).
Après la nomination, par le général de Gaulle, d’André Diethelm au Commissariat à l’Intérieur en juin 1941, Jean Holley est détaché au Service politique, où il retrouve Yvon Morandat, avec lequel il s’était lié d’amitié à Camberley(3). Puis il rejoint le BCRA en 1942.
A trois reprises, on tente de le parachuter en France. « Lors de notre deuxième essai de parachutage, au-dessus de Tours, devait-il témoigner plus tard, nous avons été touchés par la Flack allemande. Les appareils de pilotage de l’Halifax étaient déréglés, ne fonctionnaient plus. Dans les nuages, nous ne savions plus où nous étions. Nous avons erré, épuisant le carburant. Lorsque les limites ont été atteintes, on nous a dit : « Nous ne savons pas où nous sommes, sans doute au Nord de l’Europe, préparez-vous à sauter ». Nous nous sommes mis en position lorsque le dispatcher a dit : « Arrêtez, nous sommes au-dessus du nord de l’Angleterre ». Les Anglais nous ont donné après une semaine de repos avant de repartir. »
Il est finalement parachuté dans la région de Montluçon dans la nuit du 2 au 3 juin 1942 en compagnie de Paul Schmidt et Gérard Brault. Ils sont reçus par une équipe composée de Pierre Kaan, André Biet et René Ribière(4).
En France, Holley sert au sein du réseau des Forces françaises combattantes « Action R6 ». Initialement destiné aux transmissions de « Léo » (alias Yvon Morandat)(5), comme l’indique son pseudonyme (« Léo W »), il est affecté à celles de « Kim » (alias Paul Schmidt) après la capture de l’opérateur de ce dernier, Gérard Brault (« Kim-W »)(6). Il établit des liaisons par radio avec Londres et favorise des rencontres entre responsables de la Résistance.
Le 20 janvier 1943, Jean Holley est arrêté avec son compagnon d’armes, le Rennais Jean Loncle (alias « Nestor »), et un jeune radio, Marcel Lenclos (alias « Marcel », décédé à la prison de Turin), en gare d’Annecy par la radiogoniométrie allemande, la Gestapo, la police française et l’OVRA(7). Conduit à l’Hôtel Terminus de Lyon afin d’y être interrogé par la Gestapo, il subit, explique-t-il, « des interrogatoires musclés et violents à coup de nerf de bœuf et autres brutalités ». C’est alors qu’il comprend que « les Allemands qui [les] pistaient depuis quatre mois, à l’écoute de [leurs] émissions, n’avaient pas réussi à casser le code de [ses] émissions ».
Livré ensuite aux Italiens (Annecy est dans la zone d’occupation italienne), il est emprisonné à Turin vers le 2 février 1943 puis à Parme, avant d’être interné au camp de regroupement de Fossoli, sur l’Adriatique.
Il est déporté dans un convoi d’Italiens vers le 24 juin 1944 au camp de Mauthausen (Autriche), où il travaille à la carrière de pierre. Puis il est envoyé au Kommando de Grossraming, près du Loiblpass (Ljubej, en slovène), où il travaille au tunnel routier entre l’Autriche et la Slovénie. A force de volonté, il parvient à tenir : « Je n’étais pas à l’abri d’un mauvais coup des gardes-chiourmes, pas à l’abri d’un accident, mais je voulais sortir vivant pour dire ce qui se passait réellement, et pour continuer la lutte contre le nazisme et le fascisme. »
Libéré le 8 mai 1945 par les partisans yougoslaves du maréchal Tito dans le massif alpin des Karawanken, il rejoint l’Italie pour servir la sécurité militaire à Naples, avant d’être affecté à la DGER (Direction générale des études et recherches) à Paris le 20 juillet 1945. Démobilisé par l’organe central des FFL le 18 janvier 1946(8), l’aspirant Holley devient chef de service des transmissions à l’Agence européenne.
Plus tard, il reprend du service en Indochine et en Algérie dans le cadre de missions spéciales.
Maire de Mesquer (Loire-Atlantique) durant deux mandats (de 1977 à 1989), il s’implique également dans la vie de l’Association des Français libres : il assure pendant quelques mois, en 1972, la direction de la Revue de la France Libre et prend, en 1992, après le décès de Paul Hermer, la présidence de la section de Rennes, où il s’est retiré.
Le lieutenant-colonel Holley est décédé le 23 mai 2009. Il était commandeur de la Légion d’honneur à titre militaire.
Sylvain Cornil-Frerrot
(1) Sur ce chiffre, lire Ici… Londres, 29 juin 1940, des Chasseurs répondent à l’appel, plaquette réalisée en 2009 par Philippe Blanc, conservateur du Mémorial national des Troupes de Montagne, délégué départemental de la Fondation de la France Libre en Isère.
(2) Voir le témoignage de Raymond Fresnois, Ma route.
(3) Voir les Souvenirs inédits d’Yvon Morandat, édités par Laurent Douzou (Institut d’histoire du temps présent, 1994), p. 93.
(4) Voir Jacques Baynac, Présumé Jean Moulin, 17 juin 1940-21 juin 1943 : esquisse d’une nouvelle résistance, Grasset, 2007, p. 334.
(5) Ancien syndicaliste, Yvon Morandat est chargé d’obtenir le ralliement des syndicats de la zone libre à de Gaulle. Il possède également une fonction d’organisateur et prépare des opérations de départ par avion ou bateau. Voir Daniel cordier, Alias Caracalla, Gallimard, 2009, p. 398.
(6) Voir Michel Pichard, L’Espoir des ténèbres : parachutages sous l’occupation, ERTI, 1990, p. 24.
(7) L’OVRA (Organizzione di Vigilanza e Repressione dell’Antifascismo, « Œuvre de Vigilance et de Répression de l’Antifascisme ») est la police secrète du régime fasciste italien.
(8) Voir l’Annuaire-mémorial des anciens Français libres de Rennes et environs, 2e édition, mars 1998.
Extrait de Fondation de la France Libre, n° 34, décembre 2009.
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