Insurgées contre la tyrannie (colloque)
Constatant une amnésie séculaire sur l’apport des femmes à la pensée et, spécialement, à cette séquence majeure de l’histoire que fut le totalitarisme, on s’attachera à réhabiliter leur réflexion stratégique et leur apport à la philosophie politique. A plus d’un titre, Arendt est l’arbre qui cache la forêt. Le thème de la deuxième édition du colloque « Femmes contre le totalitarisme » sera : « Insurgées contre la tyrannie ».
Au-delà du geste emblématique d’Antigone, le devoir sacré d’insurrection devant la tyrannie est l’un des principes du contrat social, pacte originel ipso facto noué au fondement des sociétés. D’une part, le souverain peut, exceptionnellement, errer et faillir. D’autre part, « Omni potestas a Deo sed per populum ». Légitime est donc l’insurrection devant les abus de pouvoir répétés d’un arbitraire caractérisé (a contrario certaines situations furent débloquées par un Consulat transitoire). Le problème soulevé par Plutarque dans ses « Vertus de femmes », au sujet de Léaïna ou, au 16e siècle, dans « Vindiciae contra tyrannos », se réfère aux mêmes principes que les débats autour de l’article 155 de la constitution espagnole : le Catalan Puigdemont est-il un fuyard factieux ou résiste-t-il à une oppression sans issue ?
Cette focale permet une extension du domaine de la lutte antitotalitaire au tyrannicide, voire au geste d’insoumission anti-tyrannique. Des incursions chronologiques hors du 20e siècle peuvent renforcer la compréhension du phénomène totalitaire. Aussi s’intéressera-t-on d’abord aux dissidentes du totalitarisme, Celia Strachey, Margaret Buber-Neumann ou Eve Curie. Mais une approche comparée pourra porter sur les opposantes à un état de fait tyrannique : sœurs Mirabal, Taslima Nasreen ou Anna Politkovskaïa. Sachant que la médiatisation introduit des oscillations et des biais de perception qui ménagent l’usurpateur (Erdogan face aux Kurdes défendus par Leïla Zana) ou usurpent la posture anti-tyrannique (témoignage sujet à caution de Yeon-mi Park sur la Corée du Nord).
L’insurrection anti-tyrannique mène à la résistance, mot tiré du latin resistere, qui implique l’engagement dans une action dangereuse. Mais le propre du totalitarisme n’est-il pas d’ôter les possibilités d’insurrection et de résistance ? Toute déviance est pathologisée et sa répression euphémisée. Ainsi, sous le nazisme, les récalcitrants sont réprimés par la loi de décembre 1934 contre le « commérage délictueux », ou par des tribunaux spéciaux chargés de « prévenir ou détruire les esprits instables ». Ces « ennemis de l’État » sont ensuite placés en « détention préventive », meurent de « causes inconnues », se « suicident », ou sont transférés dans des « centres de réhabilitation » pour être « rééduqués ». Supprimer un être humain est codé en « ramasser un traînard » sous Mao, ou « prendre soin de lui » sous Pol Pot. En territoire bolchevique, une batterie de mesures contre le parti de droite libérale, dit Cadet, inaugure le totalitarisme : projet d’interdiction d’élire les Cadets à la Constituante, arrestation de ses leaders comme ennemis du peuple, ralliement de Cent-Noirs d’extrême-droite au bolchevisme, déploiement de troupes lettones, tirs à bout portant contre les manifestants, coups de crosse aux sœurs de charité qui tentent de ramasser les blessés. Une catégorie se retrouve ainsi, du jour au lendemain, analyse un témoin, « privée de défense humaine, condamnée en bloc et sans appel ». Il s’agira donc d’appréhender le totalitarisme en ayant à l’esprit sa généralité la plus avérée – le dilemme de l’insoumission à son autorité -, plutôt que sa spécificité la plus poussée – les meurtres de masse.
Programme
MARDI 19 MARS 2019
APRES-MIDI, à l’Institut Cervantes,
18h00-Cérémonie d’inauguration
Javier Muñoz Sánchez-Brunete (directeur de l’Institut Cervantes)
-« De l’utilité des châteaux en Espagne » par Marc Crapez (organisateur du colloque)
-« Les femmes pendant la Seconde Guerre mondiale » par Blandine Kriegel (philosophe politique)
-« Le refus de la défaite et de l’oppression » par le général Robert Bresse (président de la Fondation de la France Libre)
-« La femme est un homme comme les autres » par Pascale Bertoni (directrice du laboratoire de science politique de l’UVSQ)
-Lectures poétiques : « Éloquence et transcendance » par Luisa Futoransky, Luisa Ballesteros Rosas et Maria-Antonia Garcia de Leon y Alvarez
-Cocktail
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MERCREDI 20 MARS 2019
MATINEE/L’écrivain, menace pour la Tyrannie
>9h10-Marc Crapez (politologue, Sophiapol de Paris 10), « Mot d’accueil »
9h15-Javier Muñoz Sánchez-Brunete (Institut Cervantes), « Préambule »
9h25-Bernard Bruneteau (politologue, spécialiste du totalitarisme), « Prologue : la résistance au totalitarisme »
9h35-Marc Crapez, « Les thèmes de la légitimité de l’insurrection anti-tyrannique et d’un consulat transitoire »
10h05-Silvia A. Garcia (psychiatre et psychanalyste, Argentine), « Alicia Moreau de Justo : Politique et Féminité »
10h35-pause (25mn)
11h00-Biljana Vucetic (historienne, Serbie), « Le totalitarisme vu par les écrivains femmes nord-américaines » [en anglais, traduction sur PowerPoint]
11h30-Olivier Peel (professeur d’histoire, Belgique), « Place des protagonistes féminins dans les romans d’Orwell et Huxley »
12h00-pause déjeuner
APRES-MIDI/Philosophie et Stratégies de survie
14h- Luisa Ballesteros Rosas (maître de conférences et auteure de fictions), directrice des débats, « Ethique et poétique de l’insoumission »
14h15-Roberto Della Seta (journaliste et intellectuel, Italie), « Camilla Ravera, communiste anti-totalitaire ? »
14h45-Sophia Mateo (doctorante), « Pureté révolutionnaire versus tyrannie : l’exemple de la Mexicaine Juana Belén Gutiérrez de Mendoza »
15h15-pause (25mn)
15h40-Armando Zerolo Duran (politologue, Espagne), « Trois intellectuelles espagnoles dans l’entre-deux-guerres face aux dictatures : Maria Zambrano, Sofía Casanova, Blanca de los Ríos »
16h10-Maria-Antonia Garcia de Leon y Alvarez (sociologue, Espagne), « L’élément féminin dans la transition démocratique espagnole » [en espagnol, traduction sur PowerPoint]
16h40-Claire Brière-Blanchet (journaliste), « Témoin de la révolution iranienne »
16h50-17h30-Table ronde/débat « Peut-on stopper la tyrannie ? » en présence de Jean Leca, Laurent Bouvet et Nathalie Wolff (maître de conférences en droit public)
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JEUDI 21 mars 2019
MATINEE/Archéologie et généalogie du fait tyrannique
9h10-Laurent Bouvet (politologue, UVSQ), « Mot d’accueil »
9h15-Dalmacio Negro (Real Académie espagnole), « Allocution liminaire » [enregistré]
9h25-Françoise Gury (CNRS), directrice des débats, « Du tyran efféminé dans la Rome Antique »
9h35-Marc Crapez, « Les thèmes de la légitimité de l’insurrection anti-tyrannique et d’un consulat transitoire »
10h05-Jeronimo Molina Cano (politologue, Espagne, correspondant de la Real Académie), « Gaston Bouthoul, polémologue constitutivement féministe »
10h35-pause (25mn)
11h00-Eric David (docteur en sociologie), « La France libre de Simone Weil »
11h30- Marianne Le Morvan (directrice des archives Berthe Weill), « L’art en résistance, l’exemple de la galeriste d’avant-garde Berthe Weill »
12h00-pause déjeuner
APRES-MIDI/Espérances et illusions
<14h00-Nicolas Weill-Parot (EPHE), directeur des débats, « Considérations sur quelques procédés de tonalité totalitaire en milieu universitaire »
14h15- Delphine Barré (doctorante), « Jacqueline Mesnil Amar, Hélène Berr : femmes juives dans la Résistance puis à la Libération »
14h45- Mélanie Dubuy (maître de conférences en droit public), « Des femmes kurdes résistant à l’oppression ? »
15h15- Farah Mebarki (traductrice), « Le vêtement et la couleur : des femmes en rébellion »
15h45-pause (25mn)
16h10- Margarita Iglesias Saldana (Université du Chili). « Démocratie dans le pays et dans l’intime : lutte de femmes contre la dictature chilienne ou la réinvention du politique 1973-1990 »
16h40-17h00-Iain Stewart (historien, Royaume-Uni), « Épilogue : Grandeur et servitudes de l’anti-totalitarisme »
Informations pratiques
20 – 21 mars 2019
Salle Rabelais, université Paris Descartes, 45 rue des Saints-Pères, Paris 6e
Dirigé par Marc Crapez avec le soutien de la Fondation de la France libre, de l’Université Versailles St-Quentin-en-Yvelines, de l’Institut Cervantès
Inscription obligatoire à l’adresse contact
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