Il y a 80 ans, l’Aconit coulait deux sous-marins allemands
Il y a 80 ans… le 11 mars 1943, la corvette Aconit des Forces Navales Françaises Libres (FNFL) réussit l’exploit de couler deux sous-marins allemands en moins de douze heures !
Ce fait d’armes eut lieu en Atlantique Nord le 11 mars 1943, cinq jours après le départ du convoi HX 228 d’Halifax (Canada) à destination du Royaume-Uni qui comprenait 61 bâtiments rangés en 14 colonnes formant un rectangle encadré par une escorte comprenant les destroyers HMS Harvester (chef d’escorte, Commander A.A. Tait), Escapade, ORP Garland et Burza, la corvette HMS Narcissus et les trois corvettes des FNFL, Aconit, Renoncule et Roselys.
Alors que le convoi faisait route au Nord-Est, par un froid vif où les grenades et les lanceurs hedgehog des navires escorteurs étaient couverts de glace, l’Aconit reçut le 8 mars l’ordre d’escorter le bâtiment 31 dont la cargaison avait ripé ainsi que deux traînards (15 et SS Morse), tandis que le convoi était repéré par les Allemands qui alertèrent le groupe Neuland, fort de 11 sous-marins U-Boote.
Le 10 mars, un avion du porte-avions américain USS Bogue, qui accompagnait le convoi pour quelques jours, signala un sous-marin à 10 milles, avant que, vers 16h, flanqué de ses deux escorteurs, il quitte le convoi pour rallier Argentia.
A 20h24, survint la première attaque de la meute de sous-marins ennemis avec le torpillage des bâtiments 71, 74 et 65. L’Aconit couvrit le bâtiment de sauvetage qui repêcha des naufragés du transport américain de munitions Andrea F. Luckenbach (74) et la corvette FNFL Roselys recueillit les 81 naufragés du n°74 endommagé, le SS Tucurinca.
Le 11 mars, des relèvements radiogoniométriques annoncèrent des sous-marins au N-E à 25 milles. A 1h15, les navires 131 et 23 étaient simultanément torpillés de chaque côté du convoi. Le Harvester attaqua à la grenade un sous-marin, l’obligea à revenir en surface et l’éperonna à la vitesse de 27 nœuds derrière le kiosque. Il fit un prisonnier en signalant à l’Aconit : « Je viens d’aborder un sous-marin, ralliez-moi ! ».
En le rejoignant, la corvette aperçut l’U-Boot U-444 en surface, l’engagea à l’Oerlikon et, projecteur braqué sur lui, l’aborda à 1h37 sur l’avant du kiosque, tout en larguant 5 grenades à 50 pieds. Des cris de « Hilfe » (« au secours ! » et non pas « Hitler » comme plusieurs marins l’avaient entendu) retentirent et l’Aconit, malgré son étrave et ses antennes d’émission endommagées lors du choc, recueillit quatre prisonniers.
A 3h40, à tribord du convoi, le transport norvégien chargé de munitions SS Brant County (135), dernier navire de la colonne de droite, fut torpillé, prit feu et explosa, alors que la corvette FNFL Renoncule, l’ayant repéré, venait de larguer à l’encontre du sous-marin un chapelet de dix grenades, sans succès.
A 8h30, ralliant son poste dans le convoi, l’Aconit aperçut des fumées et reçut un message de l’Harvester : « Suis complètement désemparé, ralliez-moi » et à 12h05 signala : « Je suis torpillé » et coula.
A 12h12, l’Aconit, tout proche de l’escorteur, aperçut un sous-marin qui plongeait, et après contact ASDIC (ancêtre du Sonar), lança sur rail 10 grenades réglées à 100 pieds à 12h52 et une autre série à 150 pieds à 13h, suivi d’un chapelet de 23 projectiles hedgehog à 13h05.
A 13h10, le U-Boot U 432 fit surface et l’Aconit l’engagea au « pompom », ouvrit le feu avec ses Oerlikon et son canon de 4 pouces qui au troisième coup l’atteignit en volatilisant son kiosque.
A 13h15, l’Aconit l’aborda, entraînant sa disparition, et ramassa 21 sous-mariniers allemands qui furent les premiers prisonniers faits par un bâtiment des FNFL. Il fit ensuite rapidement route vers les radeaux de l’Harvester et recueillit 29 survivants alliés du destroyer (sans le commandant Tait qui sombra avec son navire), 16 du cargo américain Henry Wynkoop (11) et 2 du cargo William C. Gorgas (131).
Le 12 mars 1943, l’Aconit rallia le convoi, fit route vers Greenock isolément, à cause des avaries subies à son étrave et à l’arrachage de son dôme ASDIC, et, le 14 mars, accosta à Gourock Pier (Ecosse), où il débarqua les rescapés anglais et américains et les 24 prisonniers allemands, avant d’être rejoint par la corvette FNFL Renoncule le 16 mars.
Le bilan s’établit, du côté des Alliés, à quatre navires marchands et un destroyer perdus et deux bâtiments endommagés. Côté allemand, les sous-marins U-444 et U-432 furent coulés et deux autres endommagés sur les 11 U-Boote engagés.
En récompense de ce fait d’armes unique, l’Aconit et son commandant, le lieutenant de vaisseau Jean Levasseur, reçurent la Croix de la Libération. L’Aconit fut la deuxième unité des FNFL à recevoir cette décoration le 19 avril 1943, après le sous-marin FNFL Rubis le 14 octobre 1941 et avant celle qui sera remise au 1er Régiment des Fusiliers Marins le 12 juin 1945. Ce furent les trois seules unités issues des FNFL à figurer parmi les 18 unités militaires compagnon de la Libération.
Une trentaine de marins de l’Aconit furent cités à l’ordre des FNFL ou reçurent des témoignages de satisfaction.
Entre le 1er juillet 1940, date de la création des FNFL par l’amiral Muselier sous l’autorité du général de Gaulle, et le 1er août 1943, date de la fusion avec les Forces Maritimes d’Afrique restées fidèles à Vichy, 14.500 marins s’engagèrent dans les FNFL pour servir à bord de 70 bâtiments de guerre (dont neuf corvettes) et 66 navires marchands.
Pour en savoir plus, TELECHARGER SUR CE LIEN la brochure réalisée à l’occasion de la cérémonie du 80e anniversaire de l’exploit de l’Aconit organisée le 11 mars 2023 à Toulon par l’équipage de la frégate Aconit, héritière des traditions de sa glorieuse aînée.