Le 18 juin 1943 à Londres : l’hommage de Brossolette aux morts de la France Combattante
L’auteur
Le contexte
Le document
Discours
Pierre BROSSOLETTE, Résistance (1927-1943), textes rassemblés et présentés par Guillaume Piketty, Paris, Odile Jacob, 1998.
[…] L’histoire un jour dira ce que chacun d’eux a dû d’abord accomplir pour retrouver dans la France Combattante son droit à la mort et à la gloire. Elle dira quelles odyssées il leur a fallu passer pour s’immortaliser dans leurs Illiades! Passagers clandestins des derniers bateaux qui se sont éloignés de la France terrassée, humbles pêcheurs franchissant sur des barques les tempêtes de la Manche, marins et coloniaux ralliant des convois ravagés par la torpille, risque-tout affrontant les Pyrénées, prisonniers évadés des camps de l’ennemi, détenus évadés des bagnes de la trahison, il a suffi qu’en ces jours de juin dont nous fêtons l’anniversaire, qu’un homme leur ait crié: « Je vous convie à vous unir à moi dans l’action, dans le sacrifice et dans l’espérance», pour qu’ils se lèvent tous, pour que ceux qui n’appelaient plus la mort que comme une délivrance, accourent y chercher un accomplissement et pour que d’un seul geste sortant du banal ils entrent dans le sublime. […]
Entrés déjà dans la légende ou réservés pour l’histoire, les morts prestigieux de Mourzouck et de Bir-Hakeim répondent aux morts stoïques de la Marine marchande; tombés sous le drapeau déployé d’El-Alamein et d’El-Hamma, les soldats de Leclerc et de Koenig répondent aux marins qui ont coulé, sous le pavillon haut de l’Alysse, du Rennes et du Mimosa; foudroyés dans ce dixième de seconde où les yeux peuvent fixer les yeux de l’adversaire, les pilotes de nos groupes et de nos escadrilles répondent aux sous-marins de Surcouf et du Narval, à qui une lente agonie a fait attendre encore la mort après qu’ils l’eurent trouvée. Et là-bas, dans la nuit du martyre et de la captivité, la voix pathétique qui leur répond, c’est la voix des morts du combat souterrain de la France, élite sans cesse renaissante de nos réseaux et de nos groupements, otages massacrés de Paris et de Châteaubriant, fusillés dont les lèvres closes sous la torture ne se sont descellées qu’au moment du supplice pour crier: «Vive la France!» […]
En cet anniversaire du jour où le général de Gaulle les a convoqués au banquet sacré de la mort, ce qu’ils demandent, ce n’est pas de les plaindre, mais de les continuer. Ce qu’ils attendent de nous, ce n’est pas un regret, mais un serment; ce n’est pas un sanglot, mais un élan. […]
Pour aller plus loin :
Guillaume Piketty, Pierre Brossolette : un héros de la Résistance, Paris, Odile Jacob, 1998.
Guy Perrier, Pierre Brossolette, le visionnaire de la Résistance, Paris, Hachette littératures, 1997.
Questionnaire
Discours
1. Comment le discours met-il en valeur chacune des composantes de la France Combattante?
2. Quels procédés sont employés pour héroïser le sacrifice des Français combattants?
3. Par delà le caractère funèbre de cet hommage aux morts, comment l’auteur donne-t-il une touche optimiste à son discours?
< La portée de l’Appel : en France
< Des morts de la Grande Guerre à ceux de la Résistance
< Manifester à Paris contre l’occupant le 11 novembre 1940
> L’unification de la Résistance intérieure autour de l’homme du 18 juin