Un de nos bons amis… Fred Parkes
C’est un grand ami de la France Libre que nous avons eu en Fred Parkes. Type parfait du « self made man », il est un des plus grands armateurs à la pêche de Grande-Bretagne. N’a-t-il pas en effet fait construire plus de 60 chalutiers depuis la guerre pour le compte de la Boston Deep Sea Fishing and Ice Co de Fleet-wood et autres compagnies associées. Je ne parlerai pas des nombreux intérêts qu’il possède en France, au Canada, en Espagne et autres lieux.
Au premier abord, ce qui frappe chez Fred Parkes c’est son regard empreint de finesse, de bonhomie et de bonté, mais tout dénote chez lui l’homme qui, en affaire, sait ce qu’il veut ; il met immédiatement et complètement son interlocuteur à l’aise, mieux encore, on attend de lui l’histoire amusante qu’il saura vous raconter devant un excellent vin de France que peu de nos amis britanniques savent apprécier autant que lui.
La guerre nous a placés sur le même chemin.
Nous avions, réfugiée en Grande-Bretagne, une flottille de pêche importante allant du chalutier boulonnais au cordier breton, réfugiés aussi de nombreux pêcheurs, leurs femmes, leurs enfants, des Boulonnais, des Portellois, des Bretons et des Normands…
Armateur en France, Fred Parkes retrouve parmi ces hommes quelques-uns des pêcheurs qu’il a connus à Boulogne, sa première idée est de les aider, et dès la fin de 1940, dès que les services de la France Libre – hélas bien réduits à cette époque – commencent à fonctionner, il offre d’embarquer un certain nombre des nôtres sur ses chalutiers anglais. L’idée est bonne, car nos hommes ainsi gagneront bien leur vie et aideront au ravitaillement de la forteresse Grande-Bretagne. Nos gens ne demandent qu’à travailler préférant avoir le moins possible à dépendre des services d’entraide anglais. Dès 1940, Fred Parkes aidé de son fils, Basil Parkes, lui aussi personnalité marquante de la pêche, nous a été précieux…
Mais bientôt on s’aperçoit que nos hommes en général aspirent à retrouver des bateaux français et imiter certains de leurs camarades qui, sous le pavillon à croix de Lorraine, pêchent déjà sur les côtes du Devonshire et de Cornouailles. Unité par unité, grâce aussi aux arrivées de France, la flottille armée augmente en importance… Auxham, Mevigassey, Newlyn accueillent nos petits navires… le temps passe, puis un jour l’ordre de faire remonter tous nos bateaux sur Fleetwood arrive. Nous demandons à Fred Parkes d’assurer avec nous l’exploitation de la flottille. Qu’aurions-nous fait avec notre peu d’expérience sans ses conseils, sans son aide généreuse ? Qui aurait pu mieux que lui nous faciliter nos relations toujours cordiales certes, mais quelquefois délicates avec les autorités locales ?
Mais Fred Parkes s’aperçoit que loger nos hommes chez l’habitant ne rend pas, les familles sont restées dans le Sud, il faut donc créer un coin de France, une vraie maison de France à leur usage.
Il en parle chez nous à Londres, l’idée est adoptée avec enthousiasme par nos services, et bientôt, grâce à ses efforts, il obtient qu’un immeuble réquisitionné par le War Office nous soit cédé – le foyer de Fleetwood est créé.
Il en parle chez nous à Londres, l’idée est adoptée avec enthousiasme par nos services, et bientôt, grâce à ses efforts, il obtient qu’un immeuble réquisitionné par le War Office nous soit cédé – le foyer de Fleetwood est créé.
Un de nos camarades peintre de la marine en décore agréablement les murs, on y loge, on y mange à la française, on y boit de la bière mais aussi parfois du vin de France cédé par l’intendance, le moral de nos hommes s’améliore, ils savent que l’on s’occupe d’eux et tout ira normalement jusqu’au grand jour du retour au pays…
Souvent Fred Parkes accueille nos pêcheurs. Quels sont ceux qui ont oublié le 14-Juillet 1943, lorsque toute la flottille reçut son hospitalité dans un des grands restaurants de Fleetwood, toutes les autorités locales étant représentées ?
Les familles ne furent pas non plus oubliées, chacun reçut un souvenir… n’était-ce pas « Bastille Day » ?
J’aurais peur de porter atteinte à la modestie de notre ami Fred Parkes en mentionnant toutes les preuves d’amitié et d’estime qu’il nous a témoignées… N’était-il pas plus simple de dire que l’on reconnaît ses vrais amis lorsqu’on a besoin d’eux, « a friend indeed » n’est-il pas « a friend indeed » ?
Fred Parkes est heureux et fier de porter le ruban de chevalier du Mérite maritime que la France lui a conféré, mais nous pouvons être plus heureux encore qu’il soit resté un des meilleurs amis de notre pays.
Félix Gonneville
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 64, janvier 1954.