Fiche méthodologique : Comment exploiter un document
La méthode
1- Contextualiser le document
• Qui est l’auteur du document et quelle est sa situation au moment où il le réalise ?
• Quand ce document a-t-il été réalisé et dans quel contexte, personnel et/ou historique, celui-ci s’insère-t-il ?
2- établir la nature du document
Discours, lettre à un parent, courrier officiel, journal intime, mémoires, roman, poème, essai, tableau, dessin, photographie, etc.
3- Tirer les idées principales
Il est recommandé de confronter le document avec d’autres sources. Il est nécessaire de définir les termes qui vous sont inconnus et de rechercher des éléments biographiques disponibles sur les personnes citées dans le document
Exemple
Document : Le témoignage de Geneviève de Gaulle-Anthonioz est paru dans le n° 73 d’Espoir en décembre 1990.
Geneviève de Gaulle-Anthonioz, « Quelques souvenirs à propos du 18 juin 1940 », Espoir, n° 73, 1990, p. 49-51.
À cette époque, la mère du Général, Jeanne de Gaulle, se trouvait auprès de mon père, le frère aîné du Général, Xavier, à Paimpont, près du camp de Coëtquidan où mon père était mobilisé. Les officiers et les soldats qui s’y trouvaient étaient des hommes âgés, de la réserve. Ils avaient reçu l’ordre de quitter le camp et de rejoindre le Finistère […].
Le 17 juin le convoi s’est mis en route ; il comprenait quelques centaines d’hommes et les officiers avec leur famille. Nous avons passé la nuit du 17 au 18 à Locminé dans le Morbihan dans des abris de fortune, comme tant de réfugiés de l’époque […]. Le 18 juin, des ordres contradictoires sont arrivés et sur la place principale de Locminé les hommes se sont rassemblés, quelques officiers autour d’eux. C’est alors que nous avons vu passer les premiers détachements allemands, c’étaient des motocyclistes habillés de noir, avec des casques de cuir noir et leurs grosses motos qui vrombissaient semblaient chanter un cri de victoire. Ils ont traversé ce gros village sans même un regard pour ces officiers qui avaient tous fait la guerre de 14-18 et n’avaient que leur revolver d’ordonnance, personne n’était armé, et ils ont continué au-delà.
Ceux qui ont à peu près mon âge ont connu l’humiliation de voir l’ennemi pénétrer comme cela sans que personne ne tente de l’arrêter, cet ennemi méprisant, cet ennemi qui nous écrasait. À ce moment-là nous avons vu arriver du fond de la place un prêtre en soutane, qui se dirigeait vers le groupe d’officiers pour leur faire part de ce qu’il venait d’entendre. Il avait écouté la radio de Londres et avait entendu l’appel du 18 juin. À sa manière il essayait de nous le redire, il ne fallait pas désespérer, mais continuer le combat. Un jeune général qui avait été secrétaire d’État à la Défense Nationale appelait tous ceux qui voulaient le rejoindre pour relever l’épée de la France. Nous écoutions, bouleversés, et ma grand-mère, petite dame en noir, un peu courbée, à laquelle personne ne faisait attention, tira le prêtre par la manche et dit : « c’est mon fils, Monsieur le Curé, mais c’est mon fils ! » Dans cette humiliation si profonde il y avait déjà la lumière de l’espérance, et déjà le sursaut de la fierté. […] Le 18 juin 1940, c’est le mélange d’un abîme d’humiliation, un abîme de chagrin, presque de désespoir, et en même temps cet appel qui donnait déjà des raisons d’espérer et qui permettait de relever la tête.
1- Nièce du général de Gaulle, Geneviève de Gaulle passe son enfance dans la Sarre, où son père est ingénieur. En 1934, à l’instigation de son père, elle découvre la menace hitlérienne en lisant Mein Kampf. étudiante en histoire à Rennes lors du déclenchement de la guerre, elle réside dans un appartement de Paimpont, près du camp militaire de Coëtquidan où son père est mobilisé en septembre 1939 comme officier de réserve d’artillerie. C’est à Locminé, où elle vient d’arriver avec sa grand-mère qu’elle entend parler le 18 juin, par la bouche de l’abbé Thouai, de l’appel lancé le même jour à la radio de Londres par son oncle.
Engagée très rapidement dans la Résistance, elle est arrêtée le 20 juillet 1943 et déportée à Ravensbrück. Après guerre, elle est un membre actif de l’Association des déportées et internées de la Résistance (ADIR), dont elle prend la présidence en 1958, et s’engage en faveur des plus démunis, présidant ATD Quart Monde de 1964 à 2001.
2- Le document est un témoignage paru à l’occasion du cinquantenaire de l’appel du 18 juin 1940 dans Espoir, la revue de la Fondation Charles de Gaulle. Dans ce texte, elle revient sur les circonstances dans lesquelles elle a appris l’existence de l’appel du 18 juin 1940, qu’elle n’a pas personnellement entendu.
3- Dans ce passage, Geneviève de Gaulle offre un témoignage de la débâcle. Côté français, les réservistes du camp de Coëtquidan apparaissent désorientés, ne sachant que faire devant l’arrivée d’ordres contradictoires, et pratiquement désarmés.
Elle décrit également le sentiment d’humiliation qu’elle ressent devant la vision des premiers Allemands. Ceux-ci se signalent avant tout par le noir de leur tenue, le vrombissement triomphant de leurs motos et le mépris qu’ils semblent dégager.
Enfin, elle évoque l’émotion que provoque, parmi les Français, la nouvelle de l’appel du 18 juin, qui représente à ses yeux le signal de l’espérance.
Pour en savoir plus
Frédérique Neau-Dufour, Geneviève de Gaulle-Anthonioz : l’autre de Gaulle, Éditions du Cerf, 2004.
Caroline Glorion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz : résistances, Plon, 1997.
Une photographie emblématique…
Pas plus qu’il n’existe d’enregistrement de l’appel lancé à la radio de Londres le 18 juin 1940, nous ne disposons de photographie du général de Gaulle prise ce jour-là. Cette photographie est postérieure à juin 1940, comme l’indiquent les insignes métalliques de la France Libre accrochés à son uniforme, celui des forces terrestres et celui des Forces navales françaises libres – qui est l’emblème des l’ensemble des Français libres. La date exacte de la photo reste incertaine.
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