Les FAFL et la RAF
par le commandant Raymond Van Wymeersch
Le 174e squadron auquel j’appartiens, une formation de Hurricane bombardier, est en pleine effervescence. Nos appareils sont zébrés de bandes blanches. Des bruits circulent : débarquement en France ? Rien de précis. Le groupe fait, en partie, mouvement sur le terrain de Ford.
Le Flight Lieutenant Mac Connell, qui commande provisoirement le groupe en attendant l’arrivée d’un Squadron Leader, m’emmène faire une liaison sur le terrain d’Hornchurch, fief du 340 Squadron, un Squadron français commandé par le commandant Dupérier. J’y retrouve des copains, Massart, de Labouchère qui pose devant un peintre portraitiste, et bien d’autres.
Comme nous, leurs Spitfire sont zébrés de bandes blanches et, comme nous, ils n’en savent pas plus sur les opérations à venir.
De retour à Ford, ordre nous est donné de revenir à Manston. Les bandes blanches sont effacées et la routine reprend.
Notre nouveau Squadron Leader vient d’arriver, il s’agit d’un Français, le commandant Fayolle, un ancien des Hurricane Cannon, un excellent pilote. Il n’a pas le temps de s’entraîner au bombardement que les ordres arrivent.
Nos Hurry bombers sont de nouveau zébrés de bandes blanches, nouveau mouvement du groupe sur le terrain de Ford. Mais, cette fois cela semble sérieux ; un officier de liaison de l’armée de terre arrive le 18 et nous avons ordre de nous coucher de bonne heure.
En effet le 19 au matin, réveil aux environs de 3 heures, petit déjeuner et « briefing ».
Notre mission : essayer de détruire les défenses côtières de Dieppe et environs. Des objectifs précis sont désignés par l’officier de liaison. Notre commandant de groupe le commandant Fayolle désigne rapidement les pilotes qui doivent décoller pour la première mission et prend la tête du groupe. Halna du Fretay en fait partie. Dépité je reste au sol. Le « 340 » doit être en protection à haute altitude.
Deux autres groupes sont prévus en moyenne altitude.
À 4 h 40, nos 12 Hurry bombers décollent. Le jour n’est pas encore levé, une légère brume, signe de beau temps, environ 5/10 de nuages vers 1 500 mètres, donc aucun problème météo pour le bombardement en piqué prévu environ 30 à 35 minutes plus tard.
Mais, vu la brume, le rassemblement au départ de nuit n’est pas évident d’autant plus que 24 appareils de deux autres groupes décollent en même temps du même terrain.
Rouge 4 n’a pu rejoindre notre groupe et revient atterrir sur le terrain.
Les 11 appareils restants traversent la côte française aux environs de 5 h 10 et trouvent assez facilement leurs objectifs qu’ils peuvent traiter sans trop de difficulté, quoique la DCA soit assez forte.
Le commandant Fayolle, qui effectuait sa première mission dans notre groupe, est porté disparu. Nul ne sait exactement ce qui s’est passé, plusieurs versions sont données, mais personne ne peut être affirmatif. Chasseur dans l’âme aurait-il poursuivi un appareil ennemi et manqué d’essence ?
Pourtant aucun May Day (appel de détresse) n’a été enregistré. Quoiqu’il en soit, les dix appareils restants se posent sur le terrain aux environs de 6 heures – 6 h 10. Halna et moi-même sommes tristes. Mac Connell reprend le commandement du groupe et décide que les Français, nous sommes deux, ne partiront pas ensemble.
Pourtant aucun May Day (appel de détresse) n’a été enregistré. Quoiqu’il en soit, les dix appareils restants se posent sur le terrain aux environs de 6 heures – 6 h 10. Halna et moi-même sommes tristes. Mac Connell reprend le commandement du groupe et décide que les Français, nous sommes deux, ne partiront pas ensemble.
Vers 10 h 30, 12 Hurry bombers, chargés chacun de deux bombes de 500 livres, décollent avec mission de prendre contact avec le bateau de contrôle pour recevoir les instructions sur les objectifs à détruire. Deux groupes de Spitfire et un groupe de Hurricane Cannon nous accompagnent.
Mac Connell prend la tête de notre groupe et la formation, nantie des ordres du bateau de contrôle, traverse la côte au sud de la ville de Dieppe qui est recouverte d’une masse de fumée provenant de l’incendie de la manufacture de tabac.
À l’approche de Dieppe nous avions le temps d’apercevoir, en l’air, un tas d’avions tournant dans tous les sens, et, au sol, la mer couverte de bateaux et de chalands, la plage couverte de tanks en feu, grouillante de blessés et de morts.
La fumée, au-dessus de notre objectif nous empêchant de le voir, nous faisons un grand tour et descendons pour passer sous ce nuage de fumée.
C’est à ce moment qu’un Focke-Wulf 190, que nous n’avions pas vu, traversant le nuage, heurte la queue et le bout de l’aile droite de mon appareil, me déséquilibrant complètement et m’obligeant à sauter en parachute à une très faible altitude. J’ignore encore comment, en quelques secondes, j’ai pu mettre mes bombes sur sécurité, déboucler le harnais, larguer la verrière, sortir de l’avion, tirer sur la poignée du parachute et… voir ma vie défiler avant de heurter brutalement le sol. Cheville et pied droit fracturés, je défais le harnais du parachute, me débarrasse de la mae-west et essaie de me traîner vers un buisson pour me cacher. Trop tard, un groupe de soldats allemands arrive sur moi, mon Smith et Wesson crache toutes les balles, blessant légèrement un des soldats, moi qui me croyais bon tireur.
Capturé, les soldats sont bien moins méchants que je me l’imaginais, ils me transportent dans un garage, d’abord celui de l’hôtel des Ormes à Puy, sur les annexes duquel mon appareil s’est écrasé ne faisant aucune victime. Là un civil allemand m’offre des cigarettes et à boire. J’appris plus tard qu’il faisait partie de l’organisation Todt.
Évacué sur l’hôpital de Rouen, puis sur l’Allemagne, un sous-chef de la gare de triage de Rouen me contacte pour essayer de me faire évader. Malheureusement je ne peux marcher, mais il a prévenu mon père, cheminot comme lui, à la gare de Thouars. Merci à cet homme que je n’ai jamais revu. Plus tard, j’appris que Halna du Fretay avait disparu dans la mission qui avait suivi la mienne. Nous étions trois Français et je suis le seul survivant.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 279, 3e trimestre 1992.