L’évasion du Dalc’h Mad
Préparatifs
« Pierrot, tais-toi ».
On entend dans l’ombre des rires étouffés ; on voit luire des dents blanches.
C’est la vingtième fois que j’interviens, mais quand Pierrot est en verve rien ni personne ne pourrait l’obliger à se taire. Tous l’écoutent, la bouche ouverte, tout prêts à rire encore. Il parle dans son jargon douarneniste, mêlant drôlement au français les mots bretons qui illustrent sa pensée.
Et sa bonne bouille que l’on devine dans le noir !
« P’tit Jean veut être aviateur ! (1) Aussi vous avez vu, tout à l’heure, ce vol plané… dans la vase ! « E kreiz a lec’hi » Mad, P’tit Jean. Mad da vont d’ar R.A.F. !
Et la belle gabardine bleue du professeur ? Vous avez entendu le « crac » qu’elle a dit, quand il s’est hissé à bord ? Crac. Mad da vont da Oxford, Xavier, da ober scoul !… Rires !
… Sans transition : « Vous nous voyez, les gars, demain, ayant raté notre coup, alignés tous les 19 contre le mur de la « friture brûlée » ? Nous serons propres. C’est P’tit Jean qui en fera une tête ».
« Tais-toi, Pierrot, idiot ! Tu vas finir par nous faire pincer avec tes bêtises ! Cette coque résonne, tu le sais, tant qu’elle ne flotte pas, comme un tambour ! Allez, dormez ! Demain il y aura du travail et de l’émotion ! »
6 avril 1943… Minuit.
Le Dalc’h Mad dort dans la vase de l’arrière-port de Tréboul, à l’abri derrière les deux îlots. C’est une pinasse de pêche, déjà vieille, 12 mètres de « bout en bout », propriété de Corentin Colin, patron pêcheur.
Elle ressemble à toutes les autres qui l’entourent, tranquilles, attendant que monte la mer.
Cependant, si les Allemands, qui promènent leurs molosses sur le quai depuis le couvre-feu de 11 heures, avaient la curiosité d’y jeter un coup d’œil, ils y découvriraient un singulier équipage. Ils sont là 17 jeunes gens, et deux hommes d’âge mûr : le plus jeune 17 ans, le « vieux » 43 ! Beaucoup de « marins » pour un si petit bateau ! C’est en vain que les « occupants » leur réclameraient leur « rôle d’équipage » (2), ils n’en ont pas. Ils n’en ont d’ailleurs que faire car ils partiront, eux, sans contrôle.
Il n’y a, à bord, qu’un seul marin-pêcheur, inscrit maritime, Louis Marec, pour tous Lili, le jeune patron du bord : 21 ans. Les autres forment un ensemble assez disparate où dominent les Bretons. Voici leurs noms :
Jean Boucher, René Boulic, Gordon Carter, Francis Guezennec, Marcel Guillou, Alain Kervarec, Auguste Kerverec, Jean Kervroedan, Aldo Luraschi, Pierre Montagne, Gérard Morel, Guy Penanneach, Louis Renard, Marcel Renaud, Pierre Salez, Pierrot Sergent, Jacques Talec, Xavier Trellu.
Tous sont des enthousiastes et des durs. Plusieurs d’entre eux sont des résistants éprouvés et font partie d’un « réseau ». Francis Guerzennec-le-Brestois, « tit zeph (3) » authentique, s’est évadé d’un camp de concentration et se cache depuis de longues semaines à Douarnenez, sous la protection et la garde vigilante de l’abbé Cariou. Louis Marec et Xavier Trellu ont eu maille à partir avec les services secrets allemands. Le second, agrégé de l’université, professeur de première au lycée de Quimper, a, le cœur gros, abandonné ses élèves et son lycée.
Les jeunes sont des réfractaires au S.T.O. (Service obligatoire du travail) ; plusieurs d’entre eux : M. Guillou, L. Renard, M. Renaud sont, depuis des mois, les hôtes discrets de M. Salez, syndic des gens de mer à Tréboul, qui, avec Corentin Colin, fut la cheville ouvrière de cette évasion ; d’autres sont étudiants.
Le « Squadron leader » Gordon Carter, magnifique athlète de 25 ans, se cache depuis bientôt sept mois dans la campagne morbihanaise de Gourin. Au retour d’un bombardement, son avion avait été abattu au-dessus de Lorient. Recueilli, soigné par les braves gens de chez nous, il devint, en dernier lieu, l’hôte de M. et Mme Jouanjean, à Gourin. Aujourd’hui, comme il le dit plaisamment, il prend place dans notre « zinc » pour rallier l’Angleterre (4).
Il nous est arrivé ce soir même, en compagnie de l’adjudant d’aviation Gérard Morel et du second-maître Louis Renard. Comme de paisibles touristes, ils sont venus, tous trois, conduits dans une auto immatriculée « L » (Morbihan) en pleine zone interdite, par les audacieux Cougard et Jouanjean de Gourin.
Rassembler tout ce monde était chose délicate, il fallait bien se compter, se connaître, enfin se donner rendez-vous au bateau.
Il fut décidé qu’on se rencontrerait d’abord au n° 4 de la rue Jean-Bart à Douarnenez, chez Pierre Ploubinec, à 10 heures du soir. Accueillis par leur hôte, par Claude Hernandez, les conspirateurs firent leur entrée l’un après l’autre, prudemment.
<pstyle= »text-align: justify; »= » »>Ce fut une courte mais inoubliable fête, empreinte de l’exaltation des grands départs, animée par la verve de Claude et de Pierre, ce bon Pierre que nous ne devions plus revoir (5).
Au moment où Pierrot, P’tit Jean et René se congratulaient avec forces rires, heureux de se trouver réunis pour la grande aventure, la porte s’ouvre, un tout jeune homme bondit de la nuit noire : « Les gars, c’est l’heure ! Tout le monde au port, chez M. Salez. Il nous attend. »
C’est Louis Marec : en sabots et pantalon bleu de chauffe, son torse d’athlète fait craquer un gros chandail bleu. Il va et vient nerveusement. Ses yeux noirs brillent d’une énergie farouche qu’il communiquera à son équipage de fortune.
En bons Douarnenistes, on boit, oui, une coupe de vrai champagne – d’où diable sortait-il ? – à la France, à la Bretagne, à la Victoire !
L’abbé dit quelques mots : « Votre indicatif à la radio anglaise sera : « Sainte-Anne a bien fait les choses ! » Pierre et Claude nous disent d’un air mystérieux : « Nous serons avec vous au départ » ! Nous sourions, ne sachant pas trop ce qu’ils veulent dire, car ils ne sont pas du voyage. »
On se quitte et, par groupes de deux ou trois, laissant entre nous un intervalle prudent, nous franchissons le « grand pont » vers Tréboul.
M. Salez doit nous attendre dans une petite chambre située au-dessus de son bureau de syndic.
La porte donne sur la « montagne » qui domine l’arrière-port de Tréboul. Il n’est pas encore là ; nous l’attendons. Des Allemands, descendant le sentier, ne nous voient pas sagement assis dans le noir, sur les pierres de la colline.
Nous voici entassés dans la chambre. Cette fois l’équipage est au complet, sauf Lili qui est déjà à bord. Les dernières consignes nous sont données. M. Salez nous confie son fils Pierre. Nous nous séparons. Bonne chance !
Évitant les quais, dans la nuit opaque, suivant le sentier des douaniers qui contourne le port, par le Sud, longeant la vieille filature, butant, glissant, tombant, nous nous laissons enfin choir dans la vase à l’endroit où se trouvent aujourd’hui les « chantiers de Cornouaille ».
Notre bateau est là, à une centaine de mètres, tout près des deux îlots…
11 heures sonnent : c’est le couvre-feu. Nous embarquons. Rires, bousculades, moqueries. Allons, le moral est bon !
Lili traverse, juste en face le quai, pour aller dire adieu à sa mère.
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Maintenant, c’est le silence. Tous ces jeunes gens dorment, accablés de fatigue et d’émotions. Même Pierrot a fini ses histoires… De temps à autre, le sabot d’un dormeur frappe la coque sonore. Le vent du Sud-Ouest souffle puissamment dans la nuit. La mer, à travers les langues de sable, a gagné le bateau. Clapotis, puis roulis très doux : nous flottons.
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4 heures du matin. Un heurt léger contre la coque. Un canot est là. Dépêchez-vous ! l’essence ! C’est Lili et son frère Jos (6).
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Grâce à M. Salez, nous avons déjà à bord 500 litres d’essence, mais il faut prévoir les aléas. « Pour simplifier, dit Marec, nous prendrons les 500 litres qui nous manquent dans l’Intron Varia ar Vech Vad : c’est le bateau du cousin à Xavier. On est en famille ou on ne l’est pas ! De plus, il est réquisitionné par les Allemands « Bil ebet ».
Le transbordement des dix bidons de 50 litres se fait sans bruit.
Le départ
8 h 20. Venant de la « Pointe », on entend la furieuse pétarade d’un moteur. « Veille bien, avait dit à son fils M. Marec père, patron du Moïse, je lancerai mon moteur vers 8 h 30. Vous le reconnaîtrez facilement, aucun autre ne fait ce bruit-là. Je démarrerai aussitôt et franchirai le Guet. Il serait maladroit que vous essayiez de passer les premiers. Laissez-moi « créer » le mouvement » !
Nos cœurs se serrent… Voici venu le grand moment ! Les yeux au ras du bastingage, je fixe la passe… Les Allemands autorisent les pêcheurs de Tréboul à la franchir pour aller à Douarnenez se ravitailler en essence. Ils y ont établi un poste de surveillance. Depuis deux ans, nul n’a enfreint leurs consignes : tous sont rentrés, sagement, une fois le plein fait, par la même passe. Nous, nous ne reviendrons pas.
Voici que le Moïse y arrive en ce moment. Arrêt bref. On voit distinctement la haute silhouette du père Marec. Il faut un geste qui signifie : « Je vais à Douarnenez, pour l’essence ». Il passe… Il est passé… Nous respirons.
– S’il y a quelque chose, Lili, si les Allemands découvrent le pot-aux-roses, que faisons-nous ?
– Dans ce cas, à toute vitesse vers le fond de Port-Rhu, nous mettons notre étrave dans la verdure et sauve qui peut… Mais il n’y aura rien, nous avons déjà passé deux fois !
– N’importe, ce n’est pas pareil ! Aujourd’hui, nous sommes 19 à bord. Si la mauvaise prédiction de Pierrot se réalisait : … « Alignés tous les 19 contre le mur de la « friture brûlée ! »
– René, Pierrot, avec moi sur le pont ! Tous les autres en bas, à l’avant et dans la chambre du moteur !
– Xavier ! dessous aussi ! Reste à l’entrée de la chambre ! Tu as la peau trop blanche pour te montrer, aie en main la manivelle du moteur. L’Allemand qui embarque, tu lui appliques un bon coup sur le crâne. Les autres l’agrippent, et il vient avec nous en Angleterre !
Je lève la tête : « Baisse-toi » ! Cependant j’ai eu le temps de jeter un dernier coup d’œil sur le port familier, le port de mon enfance, qu’un soleil blanc éclaire.
De nombreuses « Pinasses » sont non loin de nous. Des pêcheurs de nous connus – debout dans le vent froid toussent, crachent, claquent les bras, virevoltent, nous regardent… sans nous voir ; leurs yeux ne s’arrêtent pas sur nous. Demain, ils se souviendront qu’il y avait à bord du Dalc’h Mad une animation suspecte, que cette petite barque n’avait aucune raison de prendre la mer, ni à cette époque, ni à cette heure ; qu’ils n’y ont pas reconnu le patron Corentin Colin, qu’il y avait à bord des… têtes bizarres…
On entend les ordres : « René, laisse tomber la chaîne arrière !… » La voix ineffable de Pierrot : « J’ai oublié une des jambes !… » « Paysan ! ça s’appelle des béquilles !… »
« Au moteur maintenant ». Marec s’évertue. Il n’y a que ça de bon dans le bateau. C’est Corentin qui l’a dit. On verra bien. Ah, une explosion ! C’est la première depuis le départ du Moïse.
– Zut ! tous les marins ont les yeux sur nous, maintenant !
Heureusement que celui de la Marie se met en marche à son tour, puis un autre, encore un autre.
René rentre la chaîne, sans hâte, pour avoir l’air « comme les autres ». Le moteur tourne au ralenti.
On démarre lentement. Le Dalc’h Mad « évite » et met le cap sur la passe. Accroupi au fond, je regarde le ciel qu’obscurcissent les nuages rapides. Voici, à droite, BegarVir, puis Port-Rhu et le pont. À gauche, la sortie normale du port où l’on montre les rôles d’équipage. Nous recevons, par le travers, la première gifle du vent qui fraîchit. La balise noire est doublée, puis à droite la cale…
Dans le fond du bateau, chacun retient son souffle ; les cœurs battent. De la porte de la chambre où je suis, je vois Lili jusqu’à mi-corps. Il tient sous son bras droit la barre, il se frotte nerveusement les mains. Sur le pont, Pierrot et René, coiffés d’une casquette à visière, travaillent. Pierrot, depuis le départ, est aux prises avec le câble qu’il fait semblant de lover…
Gentiment, le Dalc’h Mad se présente; il refoule le courant… On passe.
– Benzine, chef !
Le bras de Lili a lâché la barre. Il montre Douarnenez.
L’étrave du bateau chante… nos âmes aussi !
Soudain, des hurlements…
– Où aller ?
– (Kome hier), « Venir ici »…
Pas précipités, bruits d’armes, de gâchette qu’on manœuvre.
Quoi ? Ces Allemands auraient-ils deviné ? D’où leur vient cette intuition ? Pierrot, prophète de malheur !
Rien ne servirait de résister… nous virons de bord et nous dirigeons vers la cale en pente douce. Un Allemand nous y attend. Il lui sera facile d’enjamber le bord, de se pencher et… de voir… Nous nous préparons à exécuter les consignes, si inhumaines soient-elles. La manivelle du moteur est, en vérité, un excellent casse-tête.
Lili, astucieusement, vient en grand sur la gauche et, sans accoster, stoppe parallèlement au quai, l’avant tourné vers Douarnenez. Les Allemands, ainsi invités, lui obéissent inconsciemment, et viennent vers nous, le long du quai. Ils nous surplombent, mais, même en se penchant, ils ne peuvent voir à l’intérieur. Nous écoutons :
– Où aller ?
– Mais à Douarnenez, comme d’habitude !
– Benzine, Chef. En aparté à René : « Na zelles ket deuz outan » (7).
– Carnet ?
– Oui, voilà !
Le carton rouge réglementaire est brandi… Un silence.
– Raous !
– Ouf !
Le moteur tourne plus vite, nous nous écartons du quai ; soulagement ! Les figures se détendent, les yeux rient ; mais un long moment de silence suit.
Tout n’est pas fini… Les Allemands du quai nous suivent du regard. Ceux de l’île Tristan – et ils sont nombreux – doivent avoir l’œil sur nous. Et tout à l’heure nous serons visibles de ceux, plus nombreux encore, qui contrôlent les bateaux sur la digue de Douarnenez.
Tant pis. Il faut risquer. Dérobons-nous, d’abord, à la vue de nos « amis » du quai. L’îlot « Flimiou » est là qui nous offre son écran.
Dix minutes se passent. Puis, timidement, nous nous écartons du rocher et regardons, à la jumelle nos Allemands de tout à l’heure. Curieux ! Nous ne les intéressons plus. Ils s’affairent autour d’une auto que deux civils – nous devinons Pierre Plouhinec et Claude Hernandez, nos hôtes d’hier – essaient de faire sortir du garage de M. Richepin. Elle ne risque pas de marcher, car elle n’a pas de moteur ! Mais nous comprenons le stratagème : nos deux amis sont « bien avec nous » !
Voici deux fortes pinasses de pêche qui sortent du port de Douarnenez. Nous les reconnaissons : le Chapeau et le Freï. Elles filent rapidement, tanguant déjà, se déhanchant sur la houle qui se gonfle. Leurs rôles d’équipage à elles sont en ordre : ils ont été dûment contrôlés. Nous, nous sommes désormais « en marge » des règlements ! Forgeons-nous une âme de corsaire.
– La misaine et la trinquette en haut, tant pis…
Les deux pinasses arrivent à notre hauteur. Grâce à nos voiles, nous faisons même vitesse qu’elles.
La navigation
Avec ce vent du nord-ouest, s’ils n’ont pour nous poursuivre que les deux vedettes à l’avant maigre qu’ils ont au « Grand Port », ils peuvent courir derrière !
Cap à l’Ouest, le long de la côte de Beuzec, mais assez écartés, nous fonçons. Cependant, nous servant comme repères du phare de l’île Tristan et du clocher de Douarnenez, nous recherchons la déviation de nos compas. Marec fait posément ses calculs.
La côte défile – Les Sables Blancs, Leydé, la Jument, le Millier – cette côte, à la silhouette familière, dont chaque cap nous est connu. Les Allemands l’ont hérissée de fortins, de postes, de redoutes. Une rafale de mitrailleuse lourde pourrait – sur un coup de téléphone venu de Douarnenez – nous envoyer au fond. Nous n’y pensons guère. Ce qui nous préoccupe désormais, c’est de faire une navigation correcte. Nous n’avons qu’une minuscule carte décalquée – car le raid de Lili à l’inscription maritime, pour en voler une, a échoué – mais deux compas et un loch.
Peu d’entre nous participeront à la navigation, car le mal de mer sévit déjà.
Le grand vent du Noroit, qui souffle depuis ce matin, soulève une mer échevelée sur laquelle le Dalch’ Mad court comme un fou, tanguant et roulant, sans souci des passagers.
Voici la pointe du Van, le Raz de Sein, que nous traversons de biais, route au Sud-Ouest « avec le bon courant », c’est-à-dire emportés comme fétu de paille. Nous doublons d’île de Sein « à toucher ». Sur la digue sud, deux soldats allemands, piteusement, nous regardent passer.
Il est 13 h 10. Nous mettons le cap à l’Ouest, Les pinasses douarnenistes foncent puissamment dans la houle qui déferle, tandis que nous, nous dansons au bout des vagues, comme un bouchon.
Maintenant, le phare et la bouée d’Armen sont loin derrière nous. Nous continuons à « faire de l’Ouest », estimant sage de mettre 30 bons milles entre nous et la côte. Nous avons filé le loch pour évaluer périodiquement la distance parcourue.
Nous n’avançons plus bien vite : le vent n’a cessé de fraîchir. Il siffle dans les haubans du mât, il hurle dans nos oreilles ; et le fracas de la mer, sur laquelle se casse et s’arrête notre bateau, plat, complète le concert.
Nous marchons bout aux lames et celles-ci deviennent énormes ! Notre vieux Dalc’h Mad peine, mais tient le coup. Il a sa façon à lui de tenir la mer et nous avons confiance en lui.
En bas, la plupart sont affalés, en proie à l’affreux mal de mer. Quelques-uns ne bougent plus : ils s’abandonnent et font corps avec le bateau. Ils épousent ses formes et ne sentent pas les aspérités des membrures qui rentrent dans leur chair.
Maintenant, c’est la tempête. À chaque instant nous restons en suspens sur la crête des houles ; alors Lili débraie ; nous tombons la tête la première dans les creux glauques ; les volutes nous coiffent complètement. Puis le moteur repart, et nous nous dégageons.
Seulement, cela recommence, cela n’en finit pas. Devant nous, à l’infini, la meute des vagues accourt en hurlant : elles se bousculent pour arriver plus vite sur nous.
La nuit tombe. Nous luttons vaillamment. Nous sommes quatre à l’arrière qui veillons et aidons Marec. La nuit tombe… dans un terrible concert de hurlements, de gémissements, de clameurs…
À 3 heures du matin, la mer nous « mange ». Nous ne pouvons plus naviguer. Elle embarque de toutes parts, dès que nous essayons de « faire tête ». Il nous faut composer avec elle. Le moteur tourne au ralenti, débrayé, et nous mettons « en cape courante » avec notre misaine. Au creux des sillons nous ne sentons pas le vent, mais quand la vague nous enlève, nous recevons une terrible claque qui nous redresse juste à temps pour venir « chercher » la lame suivante. Nous restons ainsi des heures, surveillant chaque houle, manœuvrant pour ne pas venir en travers, ce qui serait notre perte. Oh ! bienheureux misaine qui nous permet de naviguer ainsi, sans moteur !
Le 8 avril, à 5 heures du matin, nous sommes, à l’estime, à environ 30 milles dans l’ouest d’Armen. Nous tenons toujours la « Cape courante ».
Voici l’aube : une lumière pâle au ras des flots ; les spectres – Lili, Xavier, P’tit Jean, Pierrot, Aldo, sortant peu à peu de l’ombre. Nous sommes trempés, transis. Nous n’avons pas dormi et la fatigue nous a durement marqués.
Le temps ne s’améliore pas, mais n’empire pas.
Vers 2 heures de l’après-midi, nous remarquons que la pinasse ne s’élève plus aussi facilement à la lame. Laissant la barre à Pierrot et à Jean Boucher, nous descendons. De suite, nous sommes frappés par le bruit particulier de l’eau dans la cale. Bien sûr, les vagues qui s’écrasent, à chaque instant, sur le pont, trouvent facilement le chemin des fonds. Mais ce n’est plus le bouillonnement clair d’une eau peu importante, sur la cale plate ; c’est une masse qui se balance de l’avant à l’arrière, de tribord à bâbord, qui pèse de tout son poids et de toute sa force, sur l’avant dans les plongées, et qui revient en trombe à l’arrière, quand la pinasse escalade les vagues ; elle n’est plus « maniable ».
Nous sommes pâles d’émotion. C’est la catastrophe.
Coûte que coûte, il faut trouver la voie d’eau, sans quoi nous « faisons notre trou » !
À grands coups de marteau, nous dégageons les bordées, nous cassons le vaigrage, ces planches qui recouvrent l’armature du bateau, nous cherchons à l’avant, puis sur bâbord, un peu au hasard.
Et nous trouvons : là où le bateau est le plus large, au maître-couple une planche de la coque qui reposait sur une membrure bouillie s’est décollée et c’est par là que l’eau gicle. Nous essayons un arc-boutant, une épontille ; ceux-ci sont inefficaces et dangereux. Dans un coup de tangage plus violent, ils sont projetés avec une telle force par-dessus la tête des malades, qu’il serait dangereux d’insister. Le « Ciment minute » ne tient pas. Le bateau joue.
L’eau monte. Deux d’entre nous, avec deux grands seaux, rejettent à la mer, très vite, tout ce qu’ils peuvent de ce lest mouvant et dangereux. Un autre est à la pompe à main. Le moteur évacue tout ce qu’il peut… L’eau monte… Les malades sont maintenant dans l’eau qui gicle et éclate. Le moteur va être noyé ! Que faire ?…
« Le paillet Makaroff » s’écrie tout à coup Marec. « Essayons avec la trinquette qui ne sert plus ! » Nous écarquillons les yeux ! « Le paillet Makaroff » ? Mais pas de temps à perdre à des explications…
Il s’agit maintenant de passer cette toile par-dessus l’étrave, de la glisser sous la coque et de la tirer en arrière au moyen des « brins » qui la retiennent. L’opération est difficile : elle se fait dans le chaos de cette mer folle, dans le vent rauque.
Quatre camarades nous tiennent solidement par les cuisses pendant que nous sommes allongés à l’avant. Mais ils n’ont pas plus d’assise que nous-mêmes. Tout le paquet glisse et tressaute sur le pont. Le Dalc’h Mad nous secoue, comme s’il voulait se débarrasser de nous. Cependant, le foc glisse peu à peu sous le bateau et finit par venir « à poste » juste au-dessous de la blessure. Alors, nous serrons les cordages de toutes nos forces en commençant par les deux de l’avant.
Le temps de nous réinstaller dans le cockpit, voici que les hommes préposés aux seaux, Guillou et Renaud, nous crient :
– On gagne sur l’eau ».
Nous regardons, incrédules, car on ne « voit » pas encore le miracle. Mais, au bout d’un moment, nous devons nous rendre à l’évidence. L’eau baisse…
L’espoir renaît. La joie se lit dans les yeux : elle se communique à ceux du dedans. Pierrot envoie des airs… un refrain.
Lili est content, simplement.
– Pourquoi, me dit-il, en riant, Sainte-Anne ferait-elle mal les choses ?
Comme pour lui donner raison davantage, la tempête semble se calmer un peu.
La nuit tombe. Les quatre de quart boivent de grands coups de rhum et de cognac : ça descend comme de l’eau !
Tout paraît s’arranger, décidément. Les vagues ne fouettent plus avec la même violence ! Le bateau n’est plus soulevé par leur poigne sauvage ; il retombe plus mollement dans les creux et remonte en bouchon plus légèrement.
Le moteur tourne à nouveau plus vite. Cependant, nous n’avançons guère à plus de 2 nœuds 1/2, car le paillet nous freine !
11 heures du soir. Un feu devant nous, légèrement par bâbord ! C’est un phare qui s’allume par intermittence. Nous pensons d’abord à Longship ; mais c’est probablement le feu du cap Lizard ; nous le relevons à l’estime. Aldo, Jean Boucher, Petit Jean nous relaient à la barre. Une heure se passe, une heure d’un sommeil agité. Et nous voilà à nouveau debout.
L’accalmie, les lames sont maintenant d’honnêtes lames que le Dalc’h Mad escalade doucement. Nous marchons toute la nuit.
L’aube de la troisième journée : beau temps. Nous devons être déjà sous une côte ; cela se sent au calme de la mer. Voici du goémon et les premières mouettes, des mouettes anglaises ? Au bec jaune. Dans le fond, les morts ressuscitent. On entend parler. Du panneau avant, « condamné » jusque là, surgit la tête ahurie de G… Il n’a pas vu le jour depuis quarante heures ; hébété, il parcourt des yeux le vide de la mer. Nous pouffons de rire. Tous sont sortis de leur torpeur ; des plaisanteries fusent, la bonne humeur renaît. Quelqu’un chante : « Lily Marlène », martelant les finales, à l’allemande, par dérision. On reprend le refrain, seulement la finale, « Lily Marlène » se voit tout naturellement transformée en « Lili Marec », hommage naïf à notre jeune patron.
Justement, il me pousse du coude :
– Je vois la terre, dit-il, n’en dis rien aux autres. Dix minutes plus tard, on crie :
– Quelque chose de sombre, juste devant !
– Très bien. mon vieux, tu auras la double, pour l’avoir vue le premier.
La tête de G… se montre à nouveau. Il lance étourdiment :
– Et si c’était Jersey ou Guernesey.
– Salaud ! Vendu ! Traître ! Tais-toi !…
Une volée d’injures s’abat sur le malheureux.
Quoi ! mettre en doute les connaissances nautiques de l’état-major et la rectitude de sa navigation.
La tête de G… disparaît.
Nous sommes près de la côte. Au haut du mât flotte le grand pavillon volé à la « Gast » (8). Nous y avons tracé au coaltar la croix de Lorraine.
L’arrivée
Notre navire s’avance, au soleil du matin, sur la mer pâle, comme pour une fête, salué par les mouettes qui crient. Une bouée est devant nous, portant l’inscription « Wreck ». Elle bouge à peine. Nous avançons prudemment, à cause des mines. « Dégagez le pont, à l’avant ». Tous ont, en effet, abandonné la cale et se tiennent sur le pont, regardant la côte qui vient vers nous.
Deux gros hydravions arrivent de l’Est, puis un avion. Ce sont deux Sunderland, dit Gordon, et un Beaufighter. À bord du premier, une main s’agite, qui répond à nos signaux.
On devine Newlyn et Penzance sur notre gauche. Il serait simple d’y aller. Mais nous voulons quelques heures encore jouir de notre liberté et préférons un atterrissage calme, loin des grands ports où l’appareil militaire, immédiatement, s’appesantirait sur nous.
On aperçoit, le long de la terre, deux petites embarcations, une verte et une blanche – barques de pêche ? On entend leurs moteurs. Derrière on devine une crique, avec une station de sauvetage. Le rail en pente douce se distingue vaguement.
Qu’ils sont peu curieux ces Anglais ! Pourtant, notre grand drapeau flotte fièrement comme un appel, en tête de mât ; casquettes et mouchoirs s’agitent nous hurlons ensemble toutes nos facéties bretonnes « Deus aman ta paotr », ils ne viennent pas vers nous, semblent ne pas nous voir !
Ah ! l’un d’eux met le cap sur nous et s’approche.
À toi de te débrouiller maintenant, Xavier, avec tes Anglais, dit Lili.
– « How are you », demande le pêcheur, tranquillement, comme si nous nous étions quittés d’hier.
– Bonne pêche ? demandons-nous, du même ton très calme, un peu impressionnés par ce premier contact.
L’homme se penche, et brandit d’une main un homard énorme, tandis que l’autre main se promène sur son ventre en signe de délectation anticipée.
– Il croit que c’est une des barques de Newlyn qui rentre de pêche, dit quelqu’un.
Tout à coup, voici qu’il lève les yeux et qu’il découvre le drapeau, qu’il n’avait pas vu, parce qu’il flottait très droit, dans l’axe du mât. Il écarquille les yeux et reste bouche bée :
– De France ! Vous venez de France ?
– Bien sûr ! Un peu ! Oui, répond fièrement l’équipage des ex-malades.
– Oh ! jamais stupeur ne fut plus grande.
Peu à peu, il se détend, se met à s’esclaffer lui aussi, tandis que, fier de sa « prise » il promène son canot autour de nous.
– Dis-lui, dit Marec de nous mener vers un bon mouillage, à fond de sable, à fond de sable, hein ! Je n’ai pas envie de laisser l’ancre de Corentin dans les rochers.
Brave Lili ! L’ancre de Corentin !
Nous le suivons jusque dans la crique. L’endroit s’appelle Coverack. Le rail, sortant de l’abri du bateau de sauvetage tout en haut, descend jusqu’à la plage de galets.
Au haut de la falaise on devine un « chemin des douaniers ». Nous tournons un gros rocher qui forme Îlot, et, entre ce rocher et la côte, nous trouvons le « nice mooring (9) » que le pêcheur nous a indiqué.
– Mouille.
Après cinquante-deux heures, l’ancre du Dalc’h Mad tombe dans l’eau transparente où sa coque jaune se reflète tranquille.
Gordon débarque aussitôt : il a hâte de revoir son camp, son escadrille, ses camarades. Le pêcheur complaisant emmène aussi Lili, que Gordon aidera à se débrouiller près des autorités anglaises auxquelles il faut tout de même annoncer notre arrivée. Car, hormis les deux pêcheurs qui hantent ces lieux, personne ne semble s’en être aperçu.
Nous regardons la terre. Nulle trace de vie ! Si ! Voici enfin un vieil homme qui s’avance dans le sentier, s’appuyant sur son bâton. Il nous regarde. Nous lui faisons signe, lui crions : « Mont a ra mad, tad co ? » (10).
Il disparaît.
Entre temps, l’équipage a sorti des profondeurs du bateau les victuailles auxquelles personne n’a touché durant la traversée : l’andouille d’Alain et d’Auguste, produit de la bonne ferme de Kerloc’h, en Ploaré, est retrouvée sous les planches, dans l’eau polluée. Elle n’a rien perdu de son goût exquis. On la mange avec le pain qu’on a fait sécher et qui a goût de mazout.
Lili Marec revient seul, glissant sur les galets, portant un vrai chargement : dans les mains du thé et du café au lait bouillants, sur les bras, deux piles de sandwiches. Nous dévorons, et nous rions aux éclats de nous voir, avec nos figures maigres, si affamés. Le vin, auquel les « malades en mer » ne goûtent jamais, nous met un peu « cigales en tête ».
Soudain, quelqu’un – Francis ? Jacques T. ? – se dresse. Qu’est-ce qui lui prend ? De toutes ses forces, d’un air que nous ne lui connaissons pas, comme inspiré, il commence une Marseillaise !
Alors, toute pudeur écartée, le groupe entier est debout : les notes claironnantes jaillissent de nos poitrines, s’en vont frapper les hautes parois de la côte, et reviennent en écho…
Deux jeunes filles, sans doute alertées par le vieillard revenu, arrivent en dansant. Elles agitent les bras et rient… Des hommes maintenant, des jeunes gens, d’autres jeunes filles, une foule d’enfants ! La plage et la falaise en sont garnies. Tous chantent maintenant le «God save the King», le «Tipperary». Dieu sait ce que peut raconter Pierrot, mais il chante de toute la force de ses poumons. « Lily Marec » est repris en choeur par la foule qui ne comprend pas pourquoi nous accentuons de façon un peu grotesque, mais si caractéristique, la dernière syllabe. Deux heures se passent dans une exultation un peu folle ; joie des dangers surmontés, joie de la liberté conquise. Plus tard, elle se tempérera d’un peu de tristesse : la France quittée, nos parents, nos amis abandonnés, peut-être en danger à cause de nous (11).
Notre vaillant bateau vient se placer, tout fier ennobli de son « paillet Ma Karoff », au milieu du cortège, et il s’avance lentement, comme en procession, vers Newlyn, distant d’une vingtaine de milles.
Chemin faisant, les Anglais s’approchent de nous, nous lancent des cigarettes, nous questionnent. Ce qui les surprend, c’est que nous ayons pu partir en plein jour «pin broad daylightp. Ils prennent de nous des photographies nombreuses. À quelques milles du port, un canot automobile nous accoste : deux hommes, en uniforme sombre, montent à bord. L’un dit à Xavier :
– Monsieur, voudriez-vous demander au patron de vouloir bien me céder la barre, maintenant ?
L’ordre transmis à Marec :
– Zut ! Dis-lui zut ! Je veux mener mon bateau « à poste » moi-même. Dis-leur non !
Mais les hommes en noir insistent :
– Tiens, voilà ta barre !
Furieux, il s’échappe vers l’avant.
Cependant, à quelque distance du quai, Trellu intervient :
– Le patron considère qu’il est humiliant de ne pas accoster lui-même son bateau, après tout ceci.
La barre lui est rendue.
Nous débarquons, salués par les cris aigus des grandes mouettes au bec jaune, toujours plus nombreuses qui nous frôlent hardiment dans leur vol.
La mer est basse : le long de l’échelle vertigineuse, les rescapés, aux jambes nouées, montent lourdement. X. Trellu est prié de rester un moment à bord pour l’inventaire.
Tous les hommes du Dalc’h Mad sont rassemblés sur la digue élevée, au grand soleil. Ils regardent la mer, si longtemps déserte, peuplée maintenant d’une multitude de bateaux. Des vedettes rapides, noires et jaunes, des « rescuers » (12), nous dit-on, l’avant hors de l’eau, s’élancent vers le large. Un grand remorqueur hollandais fait majestueusement son entrée, rasant le quai.
Un canot minuscule, badigeonné au coaltar, sort du port, à la godille. Un homme le monte, qui porte le large béret bleu de chez nous. Nous l’interpellons :
– Euz a belec’h oc’h ?
– Euz an Enez Seun. Ha c’hwi, deuz pelec’h emaoch, o tont ?
– Euz Tréboul.
– Ha ! Mad…
Les explications sont inutiles.
Les Anglais demandent que l’un d’entre nous écrive séance tenante, le récit détaillé de notre évasion.
– Tenez, dit Pierrot, celui-là, c’est un professeur, il vous fera ça en deux minutes :
Xavier doit s’exécuter.
En attendant le car qui doit nous mener tout droit à la gare, nous fumons un gros cigare hollandais que le patron du remorqueur nous a fait porter.
Nous ne parlons plus guère, accablés par trop de fatigues et d’émotions.
Notre belle aventure est terminée. Ce fut le voyage jusqu’à Londres, l’arrivée à la gare de Paddington, après une nuit de lourd sommeil, la traversée, au petit jour, de la ville, où chacun fit récolte d’impressions neuves. Nous fîmes notre entrée à « Patriotic School », salués par de débonnaires gardiens, dont l’un récolta, pour son sourire aimable, un retentissant « Thank you, miss » de la part de Pierrot.
Nous restâmes 23 jours à Patriotic School où notre équipage devint un authentique champion de football, où finit de se consolider une amitié qui nous lie à jamais.
Quand nous fûmes libres, le général de Gaulle nous reçut – récompense suprême ! – à Grosvenor House, dans Park Lane. Nous nous tenions au garde-à-vous pendant que le grand chef nous passait en revue. Nous portions nos pauvres vêtements de bord, salis par l’eau de mer et les souillures de la cale.
C’est là que les 19 se trouvèrent pour la dernière fois, au complet. Puis ils furent dispersés dans l’armée, l’aviation, la marine où ils firent leur devoir. Tous sont revenus.
Épilogue
Si vous assistez un jour au Pardon de Sainte-Anne-de-la-Palue au pays du Porzay, qui borde à l’Est la baie de Douarnenez, entrez dans la chapelle par le grand portail du fond. Retournez-vous, levez la tête. Au-dessus de la porte vous apercevrez, déployé, un grand drapeau. C’est le nôtre, celui du Dalc’h Mad, que nous avons un jour apporté là en ex-voto. Il porte la croix de Lorraine et nos 19 noms.
Au-dessous vous lirez : « Sainte-Anne a bien fait les choses ».
(1) P’tit Jean qui devait être en effet officier de la R.A.F. est pour Pierrot une manière de souffre douleur.
(2) Papier officiel qui porte le nom et l’identité de chacun des membres de l’équipage, réclamé à chaque sortie par les Allemands et vérifié à chaque rentrée.
(3) Nom plaisamment donné aux Brestois qui ont manières et accent de leur bonne ville.
(4) Gordon y reviendra, après la guerre, pour épouser la fille de ses hôtes, Mlle Jouanjean.
(5) Pierre devait trouver la mort dans le bombardement de la presqu’île de Crozon.
(6) Jos ralliera l’Angleterre quatre mois plus tard, avec son frère André, son père, tout l’équipage et de nombreux passagers.
(7) Ne le regarde pas !
(8) La G.A.S.T. est la douane allemande.
(9) Le bon mouillage.
(10) Ça va bien, grand-père ?
(11) C. Colin, U. Trellu, frère de Xavier, seront arrêtés puis relâchés. Les Marec seront inquiétés.
(12) Vedettes spécialement conçues pour le sauvetage des aviateurs tombés en mer.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 89, juin 1956.