Les évadés de France par l’Espagne

Les évadés de France par l’Espagne

Les évadés de France par l’Espagne

Après l’appel du général de Gaulle, le 18 juin 1940, nombre de jeunes Français tentèrent d’y répondre en rejoignant, en Angleterre, les Forces françaises libres qui se formaient pour continuer, envers et contre tout, le combat contre les nazis. Certains y arrivèrent, prenant des bateaux en partance ou de petits voiliers ; d’autres qui se trouvaient hors de France, se rendirent en Grande-Bretagne. Mais ce fut un tout petit nombre.

Les autres en France durent attendre et subir l’occupation allemande. Il y en eut qui choisirent de s’engager dans les mouvements de résistance lorsqu’ils émergèrent, ou dans les réseaux de renseignement. Plus tard beaucoup rejoignirent les maquis.

Mais pour certains, ce qui comptait c’était de se battre comme soldats sur les champs de bataille. Or la France devenait de plus en plus comme une grande prison, dont on ne pouvait sortir qu’en s’évadant parfois au péril de sa vie, sans avoir beaucoup de chance d’arriver là où ne sévissait pas la force hitlérienne. Quelques centaines, néanmoins, y réussirent, jusqu’à la fin de 1942. Le 8 novembre 1942, les Alliés, américains et anglais, réussirent à débarquer au Maroc et en Algérie prenant à revers les Allemands du général Rommel, qui, après la célèbre bataille d’El-Alamein, reculaient sous les coups de la 8e Armée anglaise partie d’Égypte. Avec l’aide de la colonne Leclerc venue du Tchad en traversant le désert, et des Français libres intégrés à la 8e Armée britannique, de l’Armée d’Afrique et des Français d’Algérie, ils forcèrent les Allemands à rembarquer. Dès lors, en passant par l’Espagne, il devenait possible aux Français restés en France de rejoindre les armées françaises d’Afrique du Nord.

Au cours de 1943, près de 20 000 hommes et femmes réussirent l’aventure qui se poursuivit jusqu’au débarquement du 6 juin, en Normandie. Pour s’évader de France, il fallait d’abord décider de tout quitter, famille, amours, travail, études. Cette décision initiale demandait déjà un grand courage. Il fallait se cacher, parfois même des siens, s’arracher à tout ce qu’on aimait, braver l’accusation de trahir son pays en l’abandonnant en pleine souffrance, sous la botte allemande, risquer sa vie en cas d’échec.
Il fallait arriver jusqu’aux Pyrénées, montagnes réputées infranchissables et gardées par l’armée ennemie, la Gestapo, les miliciens. Ensuite trouver des guides, affronter la neige, l’inconnu, la trahison, et accomplir pour y parvenir un long chemin, au prix d’exploits vraiment sportifs. Près de 3 000 furent arrêtés pendant le voyage et envoyés en déportation. Quelques-uns moururent dans les neiges.

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Une fois de l’autre côté, ce n’était pas la liberté, car le gouvernement de Franco emprisonnait les évadés dans des geôles nauséabondes (Pamplune, Totana, entre autres) dans des camps tel celui de Miranda de Ebro ou dans une multitude de lieux de détention improvisés, les prisons officielles étant déjà surchargées par les Espagnols de l’armée républicaine, arrêtés après la victoire de Franco dans la guerre civile. Ce n’était certes pas des camps d’extermination comme Dachau, Auschwitz ; mais les conditions étaient tellement insalubres qu’une majorité y contracta toutes sortes de maladies.

Heureusement les autorités d’Alger réussirent à organiser une Croix Rouge française en Espagne, qui arriva peu à peu à faire libérer ce peuple d’internés, et à organiser le transfert en Afrique du Nord, au Maroc. À l’arrivée, après avoir chanté une formidable Marseillaise, c’était enfin la liberté.

Parmi ceux qui réussirent le passage, il y eut des ouvriers, des médecins, des employés, des militaires, des femmes, des enfants, des enrôlés aux chantiers de jeunesse, des résistants oursuivis par la Gestapo ; mais en majorité des jeunes, de 17 à 25 ans surtout des étudiants, mais aussi des réfractaires au Service du travail obligatoire en Allemagne. Tous étaient volontaires désireux de se battre à nouveau contre l’ennemi occupant le pays.

Sous le drapeau tricolore, ils s’engagèrent dans chaque arme. On en trouva dans toutes les unités françaises libres. Marins, aviateurs, parachutistes SAS, 1re DFL, colonne Leclerc puis 2e DB, bataillons de choc, commandos. Ils combattirent en Italie, participèrent avec les Alliés au débarquement de Provence (1re DB – 5e DB), au débarquement en Normandie (SAS et commando Kieffer…). Avec l’US Army (Patton), la 2e DB du général Leclerc libéra Alençon – Paris – Strasbourg. C’est un évadé de France qui hissa le drapeau tout en haut de la flèche de la cathédrale de Strasbourg, réalisant ainsi le serment de Koufra.

Ils avaient choisi un risque majeur pour revenir les armes à la main libérer le sol de la Patrie. Ils préférèrent le combat aux galons et beaucoup firent le sacrifice de leur vie pour libérer leurs frères. Ils méritèrent ainsi d’être appelés les  » humbles soutiers de la gloire « . Venus de toute la France, au départ ils ne se connaissaient nullement. Après la victoire, ayant rejoint les Forces françaises libres ou l’armée d’Afrique, il est juste de les considérer comme une importante composante des armées françaises de Libération.

À lire : de nombreux récits et témoignages, mais surtout deux études historiques incontournables :

– « Aux frontières de la Liberté« , du professeur Robert BELOT (Fayard 1998 – 700 pages)

– « Paroles de Résistants« , même auteur, Éditions Berg International 2001.