Émile Laffon
Né en 1907, dans l’Aude, d’une famille de magistrats, Émile Laffon, après des études scientifiques, qu’il termine comme ingénieur de l’École des Mines de Paris, est attiré par le barreau. En 1928, il est premier secrétaire de la Conférence du Stage à Paris.
En 1939, il fait la guerre comme observateur de bombardement et ses services aériens lui valent la croix de Guerre.
Après l’armistice, il ne peut admettre de prendre la parole dans Paris occupé. Il abandonne donc le barreau où naguère, cependant, il venait d’être consacré premier avocat de sa promotion.
Ses facultés d’imagination et de jugement lui font voir immédiatement où est le devoir individuel et comment va évoluer le conflit mondial. Il écrit à ce sujet des pages dont la lecture est aujourd’hui saisissante.
Il a entendu et approuvé l’Appel du 18-Juin. Il est en contact avec les premiers éléments de la Résistance dans le Midi.
Il a pris les fonctions de secrétaire général d’une affaire industrielle à Saint-Étienne mais consacre une part de plus en plus importante de son activité aux émissaires de la France Libre.
En 1942, ceux-ci lui demandent de rallier Londres. Il s’évade donc de France par les Pyrénées et, passant par Gibraltar, arrive en Angleterre.
Là, sa connaissance de la Résistance le fait affecter au Commissariat à l’intérieur. Après l’arrestation de Jean Moulin, en juin 1943, André Philip, commissaire à l’Intérieur, décide d’envoyer Laffon en France pour participer à la remise en place des organismes, de la Résistance ébranlés par l’affaire de Caluire.
De retour de mission en septembre 1943, il fait à Londres et à Alger, aux responsables de l’action en France, des propositions qui seront intégralement retenues sur l’articulation de l’organisme militaire, des mouvements de Résistance et sur la préparation de la Libération ; il s’agit de créer une administration dont les chefs seront les commissaires de la République, de susciter des organismes représentatifs qui seront les comités de la Libération.
Chargé de mettre en œuvre les décisions qu’il a proposées, il revient en France en octobre 1943. Il a pour mission de choisir les commissaires de la République et de promouvoir la création des comités de la Libération.
Durant cet automne et cet hiver 1943-1944, où la répression allemande, consciente du rôle de la Résistance dans la guerre, porta des coups si terribles, Laffon parcourut la France entière, travailla sans relâche avec le conseil national de la Résistance et les membres de la délégation générale du gouvernement provisoire.
Estimant nécessaire un court séjour à Londres, il ne supporte pas les retards fréquents dans les opérations aériennes et se retrouve sur le Jouet des Flots avec Brossolette et Bollaert en février 1944. Plus heureux qu’eux il échappe à la police allemande après le naufrage.
Parodi, nouveau délégué général en France occupée, le garde alors à ses côtés.
Après le débarquement, nos Alliés furent surpris à juste titre de l’apparition immédiate dans les territoires libérés d’organismes purement français, respectés de toute la population. Trois mois après le débarquement, la France métropolitaine était un État obéissant au gouvernement provisoire et faisant la guerre aux côtés de ses Alliés.
Émile Laffon fut un des principaux artisans de cet extraordinaire redressement.
Après la Libération, il poursuit son œuvre au poste de secrétaire général du ministère de l’Intérieur.
Lorsque les accords interalliés attribuent à la France une zone d’occupation en Allemagne, le général de Gaulle nomme Laffon, administrateur général de cette zone.
En 1947, après deux ans à son poste de Baden-Baden, il estime l’essentiel de sa tâche accompli et est nommé président des houillères du Nord et du Pas-de-Calais.
Mais il n’est à son aise que dans l’effort créateur. C’est pourquoi en 1952 il est, dans le secteur privé, mis à la tête d’affaires considérables où il continue à défendre la position internationale de la France et son essor économique.
Ne voulant pas écouter les avertissements que lui donne son état de santé, il mène de pair et avec un succès éclatant, plusieurs affaires dont chacune requiert les services d’un homme éminent.
Le 20 août dernier il est terrassé par une mort brutale.
Ce que ce bref résumé de ses états de service n’indique pas à ceux qui n’ont pas eu le bonheur de le connaître, ce sont les qualités de cœur, la charmante ironie, l’élégance moral de cet homme extraordinaire qui, quelque grands que fussent les événements auxquels il participa, les domina toujours de son intelligence et de son courage.
Jacques Maillet
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 104, janvier 1958 (texte et cliché du Bulletin de liaison de la Société d’entraide des compagnons de la Libération).