La diffusion immédiate de l’Appel
Un nombre plus important en a connaissance par ouï-dire, comme René Cassin, ou par quelques journaux et radios étrangères, y compris Radio-Stuttgart et Radio-Luxembourg qui l’on repris.
Dès le lendemain, quelques volontaires à l’engagement se présentent, individuellement, à Seymour Place, où de Gaulle a installé son premier bureau. La première personne est un chauffeur personnel d’un industriel anglais.
Quelques personnalités se présentent également: Denis Saurat, directeur de l’Institut français à Londres, Etienne Bellanger, le directeur londonien de la joaillerie Cartier, Pierre Maillaud, journaliste à l’agence Havas qui deviendra l’une des voix de l’émission française de la BBC «Les Français parlent aux Français» sous le nom de Pierre Bourdan, le lieutenant de Boislambert, futur chancelier de l’Ordre de la Libération, ou Georges Boris, homme politique, économiste et journaliste.
Le 28 juin, le gouvernement britannique reconnaît Charles de Gaulle comme «chef des Français libres» et le 7 août, un accord est signé, organisant les relations entre le Royaume-Uni et la France Libre.
En France et dans l’Empire règne surtout l’attentisme, l’appel suscitant des réactions hostiles de la part des nouveaux responsables français.
réactions hostiles…
Le général Noguès, résident général de France au Maroc, avec d’autres s’est d’abord déclaré «consterné» par la demande d’armistice. Toutefois, quand le général de Gaulle lui envoie, le 19 juin, un télégramme dans lequel il lui propose de se joindre à lui, il n’obtient aucune réponse. Noguès finit par se rallier aux décisions du gouvernement de Vichy. D’autres, tel Gabriel Puaux, haut commissaire au Levant, ou le général Mittelhauser, commandant en chef des troupes du Levant, suivent cette voie.
Le général Weygand, ministre de la Guerre, ordonne au général de Gaulle de «rentrer dans le rang»; celui-ci tentant en vain de le convaincre de rejoindre l’Afrique du Nord afin d’y poursuivre la guerre.
Le 22 juin, jour de la signature de l’armistice, sa promotion au titre de général de brigade à titre temporaire est annulée. Le 23 juin, un décret signé du Président de la République, le met en position de retraite par mesure de discipline. La rupture est consommée.
Les premiers articles en France
Extrait d’article
Le Petit Marseillais, 19 juin 1940
De Londres, le général de Gaulle lance un appel à la guerre à outrance.
Au poste de la BBC, le général de Gaule (sic), précédemment sous-secrétaire d’État à la guerre, a lancé hier soir l’appel suivant :
« Le Gouvernement français a demandé à l’ennemi à quelles conditions pourrait cesser le combat. Il a déclaré que si ces conditions étaient contraires à l’honneur, à la dignité, à l’indépendance de la France, la lutte devrait continuer.
« Certes, nous avons nettement été submergés par les forces mécaniques terrestres et aériennes de l’ennemi.
« Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, qui ont surpris nos chefs, mais le dernier mot est-il dit ? […] »
Extrait d’article
Le Progrès de Lyon, le 19 juin 1940
Une allocution du général de Gaulle
Londres, 18 juin.
Le général de Gaulle, auteur de nombreuses études sur le rôle des chars d’assaut, a prononcé ce soir une allocution à la radio de Londres.
« La France n’a pas peur, a-t-il dit. Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l’Empire britannique qui continue la lutte. Cette guerre n’est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale.
« Foudroyés aujourd’hui par la force mécanique de l’Allemagne, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force supérieure mécanique. Le destin du monde est là. »
Il a conclu :
«Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas.»
Demain, le général de Gaulle parlera de Londres.
un témoignage sur la situation à Londres
L’auteur
Né le 26 juillet 1906 à Hérouvillette (Calvados) dans une famille de l’aristocratie terrienne, Claude Hettier de Boislambert est mobilisé comme lieutenant de cavalerie en septembre 1939. Nommé officier de liaison auprès de l’armée britannique, il participe à la campagne de France avant d’embarquer à bord du paquebot Guinean à Brest le 16 juin 1940 pour l’Angleterre avec les officiers et sous-officiers placés sous ses ordres qui sont volontaires. Apprenant alors la présence à Londres du général de Gaulle, qu’il a connu lors de la bataille de la Somme, il décide de le rencontrer.
Le contexte
Quand Boislambert arrive à Londres, le 19 juin, Charles Corbin est ambassadeur de France au Royaume-Uni. Deux jours plus tôt, le maréchal Pétain a demandé officiellement l’armistice et convié les Français à déposer les armes. Le 18 juin, le général de Gaulle a lancé son appel à la poursuite du combat. Toutefois, l’ambassadeur ne le rejoint pas, restant aux ordres de Pétain, de même que ses successeurs, Roger Cambon et Jehan de Castellane. Au contraire, l’ambassade et les missions françaises, qui assurent la liaison avec le gouvernement et les forces britanniques, s’efforcent de dissuader tous ceux qui, en Grande-Bretagne, désirent rejoindre le général de Gaulle, jusqu’au départ de leurs 600 membres pour la France, le 19 juillet 1940.
Le document
À partir de son carnet de guerre, Hettier de Boislambert rédige un article pour la Revue de la France Libre à l’occasion de l’anniversaire de l’appel du 18 juin, en 1965. Ses notes lui ont déjà servi à écrire un premier article dans la revue pour l’anniversaire de juin 1950, avant la publication des Fers de l’Espoir en 1978.
Extrait d’article
Claude Hettier de Boislambert, « – Que venez-vous faire ? – La guerre, si possible, Mon Général », Revue de la France Libre, n° 156 bis, juin 1965
Il n’était pas facile au 18 juin 1940 de trouver le général de Gaulle dans Londres. […]
« à la mission française de liaison, je demande à voir le général Lelong (1) et suis reçu par le capitaine de C. Ce dernier ajoute mon nom à celui des membres du détachement que j’ai amené à une liste. Comme ordres: néant.
«Je demande à nouveau à voir le général Lelong. Après une longue attente, c’est son chef d’état-major qui me reçoit. C’est un homme très aimable, qui écoute mon histoire sans attention et finalement me dit que la seule chose à faire pour nous est de rejoindre un camp anglais où des ordres ultérieurs seront donnés.
«Je le quitte, bien décidé à n’en rien faire.
«Ce n’est pas pour me faire interner que je suis venu en Angleterre.
«Des officiers que je rencontre m’assurent que la meilleure chose est de rejoindre l’armée canadienne si, comme cela semble probable, la France doit signer l’armistice.
«Il est certain que l’on pourra obtenir des commissions d’officiers canadiens pour la durée de la guerre.
«L’idée ne me séduit pas: c’est comme officier français que je suis décidé à servir.
«Personne n’a l’air d’avoir l’adresse du général de Gaulle. En tout cas, personne n’a l’air de vouloir la donner. Il a déjà dû y avoir des incidents.
«L’atmosphère à la mission française est irrespirable. On sent le «je-m’enfichisme » le plus absolu. Tout pourvu que la guerre cesse!» […] à l’ambassade de France, j’obtiens tout de même l’adresse du général de Gaulle. Il paraît qu’on lui a enjoint de rejoindre la France et qu’il a refusé. Il faut que je le voie.
C’est près de Hyde Park, tout à côté du Dorchester, une maison à appartements. Je sonne! Une grande fille brune vient m’ouvrir la porte. Elle a si bien l’air français que c’est dans notre langue que je demande à voir le général. Aussitôt de derrière la porte, je reconnais la voix «Boislambert, entrez!» Il n’y a qu’un officier auprès du général de Gaulle. Un grand lieutenant de cavalerie au profil accusé. Lui, dans un fauteuil, tourne le dos; il regarde le parc: «Alors, Boislambert, vous voilà en Angleterre, que venez-vous faire?», «La guerre, si possible, Mon Général.» «Avez-vous lu l’appel que je viens de faire?»
J’explique au général de Gaulle ce qui m’amène, pourquoi et comment je suis là; la présence du détachement que j’ai amené de France à Warminster et mon désir de trouver pour ceux qui m’ont suivi «la solution la meilleure et honorable».
1. Il s’agit du général de division Albert Lelong (1880-1954), attaché militaire à Londres, à ne pas confondre avec le général de brigade Pierre Lelong (1891-1947), commandant la 1re brigade française libre, au sein des Forces françaises libres, en Libye et en Tunisie.
Piste de recherche
La diffusion immédiate de L’Appel
L’appel du 18 juin 1940 a été peu entendu, mais il a été repris par la presse française et étrangère le lendemain.
On peut rechercher dans les archives municipales ou départementales si l’appel a trouvé un écho dans la presse locale et comment elle l’a traité, notamment face aux questions de censure.