Commandant Alexandre Lofi
Allocution de l’amiral Descombes
Madame
C’est avec beaucoup d’émotion et de tristesse que les anciens des Forces Navales Françaises Libres ont appris le décès, le 7 mars, de votre mari l’officier en chef des équipages Lofi.
Alexandre Lofi était l’un des plus authentiques Français Libres. Il appartenait en effet à cette poignée de marins qui, après l’armistice de juin 1940, répondant à l’Appel du général de Gaulle avaient décidé de se rallier à lui et de poursuivre le combat jusqu’à la libération du pays.
C’est au nom de tous ses camarades des FNFL que je veux aujourd’hui vous témoigner ma sympathie ainsi qu’à votre famille et, si vous le permettez, Madame, je voudrais en quelques mots rappeler sa brillante carrière et son engagement au service de la France.
Né le 21 février 1917 en Sarre, Alexandre Lofi s’est engagé dans la marine dès l’âge de 16 ans en 1933. Breveté fusilier peu après, c’est dans cette spécialité qu’il accomplira l’essentiel de sa carrière en particulier pendant la guerre au cours des années les plus sombres que la France ait connues.
En juin 1940 il est second maître fusilier et c’est à l’École navale où il est instructeur que l’armistice le surprend.
Animé d’un patriotisme élevé et n’écoutant que son sens du devoir il rallie l’Angleterre et s’engage dans les Forces Navales Françaises Libres.
Affecté au 1er Bataillon de Fusiliers Marins lors de sa création en août 1940 puis au 2e bataillon il entame alors un périple qui le mène en Afrique équatoriale à Douala, puis au Liban, puis de nouveau en Angleterre où il est affecté au 1er Bataillon de Fusiliers Marins Commandos. C’est au sein de cette unité que l’officier des équipages Loti accomplira les plus brillantes actions de sa carrière : le débarquement en Normandie le 6 juin 1944, suivi des combats pour la Libération sur la rive droite de l’Orne, combats au cours desquels il sera amené à remplacer à la tête des commandos son chef le lieutenant de vaisseau Kieffer grièvement blessé. Quelques mois plus tard, après une courte période de repos en Angleterre, il participera en novembre 1944 aux opérations de débarquement dans l’île de Walcheren en Hollande, à l’embouchure de l’Escaut.
Sa brillante conduite au cours de toutes ces opérations lui vaudra trois citations à l’ordre de l’armée de mer comportant attribution de la croix de guerre avec palme, la croix de chevalier de la Légion d’honneur, la Military Cross britannique et pour couronner le tout la plus rare et la plus prestigieuse de toutes nos décorations, la croix de la Libération qui lui est décernée par le général de Gaulle en novembre 1945.
Après la guerre il poursuivra sa carrière dans la marine participant en particulier à la création du Centre Sirocco en Algérie où seront formées plusieurs générations de fusiliers marins.
Officier de la Légion d’honneur en 1959, commandeur de l’ordre national du Mérite en 1970 il prendra peu après une retraite bien méritée.
Parallèlement à sa carrière militaire notre camarade Lofi eut aussi une carrière sportive très brillante : champion de France de basket en 1949, champion de France militaire de football en 1951, champion de parcours du combattant en 1953. Ses brillantes performances furent récompensées par la médaille d’argent de l’Éducation physique et des sports en 1956, puis en 1970 par la médaille d’or de la jeunesse et des sports.
Il eut en outre le rare privilège d’assister de son vivant à l’inauguration d’une place portant son nom dans un petit village de Normandie, Bavent où il fut sans doute le premier à pénétrer, au milieu des ruines, en juin 1944.
Alexandre Lofi laissera à tous ceux qui l’ont connu le souvenir d’un combattant exceptionnel et, pour reprendre l’expression employée par le maire de Bavent, « un commando courageux, gonflé comme diraient ses camarades, un commando qui sous des aspects de rigueur avait un cœur énorme ».
Au nom du général Simon, chancelier de l’ordre de la Libération et président de l’Association des Français Libres, qui m’a demandé de le représenter aujourd’hui ; au nom de l’amiral Chaline, président de l’Association des FNFL, que je représente également ; en mon nom personnel et au nom de tous ses camarades FNFL et FFL je vous présente, Madame, ainsi qu’à tous les vôtres, mes condoléances attristées et vous demande d’accepter, de la part de nos deux associations une plaque qui pourra, si vous le souhaitez, être scellée sur sa tombe et qui rappellera à ses enfants et petits-enfants la part prééminente qui fut la sienne dans les combats qui ont permis la libération de la France.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 278, 2e trimestre 1992.