Les Comités de la France Libre – Introduction
En consacrant le vingtième anniversaire du 18 Juin au souvenir des Comités de la France Libre à l’Étranger, l’Association des Français Libres rend hommage à des milliers d’hommes et de femmes dont l’œuvre est restée généralement ignorée.
Lorsque la nouvelle se répandit dans le monde que de Maréchal Pétain et le Général Weygand avaient fait capituler l’État français devant le Reich hitlérien, alors que l’Empire et la flotte demeuraient intacts, il y eut parmi les Français qui résidaient à l’Étranger, un sentiment de protestation douloureuse et l’Appel du Général de Gaulle leur apparut comme l’écho de leur révolte intime.
Aussitôt, partout dans le monde, des hommes sortirent du rang, qui ne s’étaient préoccupés jusque-là que de leurs intérêts privés : alors que rien ne menaçait leur personne ni leurs biens, et sans souci de leur sécurité morale et matérielle, ils se groupèrent pour une action immédiate.
Et, pendant quatre années, sans relâche, ils ont agi.
Certes, ils n’ont pas couru les risques des Combattants, encore que beaucoup d’entre eux – dont quelques-uns avaient dépassé la cinquantaine – se soient engagés dans les Forces Françaises Libres. Mais ils ont attiré sur leur tête des dangers de tous ordres.
Outre la réprobation de Vichy, qui les dénationalisait et confisquait leurs biens en France, ils provoquaient dans le pays où ils s’étaient fixés la suspicion de gouvernants peu soucieux de voir compromettre leur neutralité prudente : car, en juin 1940, « les gens raisonnables » ne pouvaient pas escompter d’autre issue que la victoire d’Hitler. La menace n’est pas restée théorique et a mené certains dans les geôles étrangères.
Entrer dans les Comités de la France Libre, c’était enfin, inconvénient qui n’est pas négligeable pour qui vit en vase clos, rompre avec tous les compatriotes – ils furent légion – qui préféraient attendre les événements.
Au surplus, ce qui importe en la matière, c’est l’œuvre que ces Comités ont accomplie :
– encourager les départs et diriger les engagés sur Londres ou Brazzaville : le plus illustre des aviateurs des Forces Aériennes Françaises Libres est venu d’Amérique du Sud ;
– envoyer des fonds à Londres, grâce à quoi le Chef de la France Libre a eu les coudées plus franches ;
– et surtout démontrer aux quatre coins du monde que les Français, lorsqu’ils avaient la liberté d’exprimer leurs sentiments, ne se résignaient pas à la défaite et rejetaient l’idéologie nazie.
Parmi ces hommes et ces femmes, quelques-uns ont consenti à rappeler leurs activités dans les pages qui vont suivre.
Ils témoignent, pour les disparus et pour ceux qui n’ont pu être rejoints.
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De 1941 à 1943, j’ai eu la chance de rencontrer plusieurs d’entre eux :
– Au Portugal, Colson qui à Lisbonne, dès juillet 1940, avait réussi à abriter, à l’Ambassade de Grande-Bretagne, les évadés de France par les Pyrénées, en attendant de les acheminer sur Londres.
– À Trinidad, Salvatori qui, dans ses magasins de Port of Spain, servait de relais aux engagés d’Amérique.
– En Libéria, Arrivetz qui, à Monrovia, coordonnait les renseignements atlantiques.
C’est à son amitié avec le Président Tubman qui venait d’être élu, que je dois d’avoir pu sortir du camp américain de Fisherman’s Lake, où me retenait le refus de laisser censurer le courrier qu’à Fort-de-France le Gouverneur Ponton m’avait confié pour Alger.
Temps aventureux où l’hydravion qui s’envolait du Rio Potingui à la pointe de Natal, n’arrivait pas toujours sur la rive africaine.
Heures héroï-comiques, où l’Agent Consulaire du Gouvernement de Vichy à Belem se résignait à remplacer sur son bureau le portrait de Pétain par celui de… Joffre.
Car c’est l’existence de la zone libre, création géniale d’Hitler, qui a permis à tant de gens en place de maintenir à l’Étranger la fiction d’une France restée maîtresse de sa pensée et de ses actes.
Pour balancer leur influence, il a fallu l’action obstinée de ces hommes dont les noms doivent être inscrits à côté de ceux des grands animateurs qui, en Afrique, en Asie, en Europe, en Amérique, ont bien mérité de la France Libre.
C’est pourquoi il appartenait à notre Revue de leur ouvrir ses colonnes afin de commémorer une création dont la spontanéité et l’universalité constituent un phénomène unique dans l’histoire de France.
M. B.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 126, juin 1960.