Le bataillon de marche Somali

Le bataillon de marche Somali

Le bataillon de marche Somali

Parmi les unités combattantes de la France Libre, mises sur pied de guerre, depuis le 18-Juin 1940, jour de l’appel historique de son chef, le général de Gaulle, quelques-unes se frayèrent un véritable chemin de gloire, épisodes de guerre, dignes des plus prestigieuses épopées ; la plupart d’entre elles méritent que leur nom soit inscrit en lettres d’or au palmarès de la victoire, d’autres enfin, moins bien partagées au départ, n’ont rien cédé à leurs aînées, quant au moral, à la valeur, ainsi qu’à leur conduite au feu lorsque cette occasion leur fut donnée, tel fut le cas du bataillon de marche Somali.

Voici l’historique de cette belle unité de la France Combattante.

Les Forces françaises libres de l’Est africain ont eu pour origine une mission, composée du lieutenant-colonel Brosset, futur chef de la 1re D.F.L., du chef de bataillon Appert et du capitaine Magendie, envoyés en Somalie britannique dès la libération de cette colonie, dans le but d’établir le contact avec la Côte française des Somalis (C.F.S.), en vue du regroupement et l’organisation des éléments de cette partie de l’Union française se ralliant à la France Libre, bien souvent au péril de leur vie, dans des circonstances telles, que seuls, ceux qui les ont vécues, peuvent les décrire.

Le lieutenant-colonel Brosset repart pour le Moyen-Orient courant mai 1941, et, l’instruction n° 621/CO/2958/I du 26 juin 1941, du général Catroux, crée le Détachement Somali des F.F.L., sous les ordres du chef de bataillon Appert.

Ce détachement comprend à l’origine trois pelotons méharistes, plus quelques petits détachements d’infanterie, le tout échelonné le long de la frontière, le P.C. du détachement se trouvant à Buramo (Somaliland).

Dès la création de ce détachement, son instruction militaire est entreprise, et se poursuivra dans la fièvre de départs toujours retardés, jusqu’au jour où il lui sera enfin permis de rencontrer l’ennemi ; ce jour-là, ce dernier aura le dessous, car tous les hommes de ce détachement sont des résistants éprouvés, venus volontairement des quatre coins du monde, animés du plus pur désintéressement, et tous décidés au sacrifice suprême, pour que vive la France, dans l’honneur et la liberté ; tous ont un moral à toute épreuve et formeront bientôt des unités d’élite de même que leurs aînés F.F.L. car, tous ont foi dans leurs chefs et dans la destinée de leur patrie.

En janvier 1942, des cadres venus de Syrie et d’A.E.F. renforcent le détachement, d’autres suivront bientôt, venus d’Afrique du Sud ; tandis que, chaque semaine, quelques gars déterminés viennent de la C.F.S. grossir nos rangs. De multiples difficultés se présentent pour habiller et armer tous ces hommes ; grâce à l’aide de nos amis Britanniques, grâce aussi à son chef, le commandant Appert, elles seront toutes, sinon surmontées, du moins réglées au mieux dans les circonstances du moment.

En avril de la même année, le détachement est regroupé à Urso (Abyssinie). Un officier de liaison (lieutenant Simon) est détaché auprès du Q.G. britannique à Harrar, les pelotons méharistes ainsi que les petits détachements isolés sont devenus :

La 1re compagnie, aux ordres du capitaine Magendie.

La 2e compagnie, aux ordres du capitaine Meneboode, ainsi qu’un groupe de commandement de bataillon, le détachement F.F.L. de la C.F.S. est devenu un corps Somali.

En juillet, le détachement est transféré à Giggiga, où il restera jusqu’à son départ vers Djibouti.

En novembre, une partie notable de la garnison de Djibouti passe la frontière à Zeila (Somaliland), le détachement les accueille, un nombre important d’Européens isolés lui sont affectés, le reste des troupes, sous le commandement du lieutenant-colonel Raynal va à Urso, où elles reprendront dès ce jour leur entraînement en vue du combat ; vers le même temps, le commandant Appert sera promu lieutenant-colonel. Fin décembre, le ralliement de la C.F.S. est proche.

Le 23, le détachement Somali quitte Giggiga et se porte à Daouenle (poste Abyssin près de la frontière de la C.F.S.) qu’il passe le 26 et, par la voie ferrée et la route, se rend aux avancées de Djibouti.

Le 27, il établit le contact avec les éléments restés sur place, le ralliement de Djibouti ayant été réglé par la convention de Chebele (petite gare sur la ligne du chemin de fer franco-abyssin, à une quinzaine de kilomètres de Djibouti), le 28. Le 29 décembre 1942, les F.F.L. entrent à Djibouti.

Ainsi se termine ce premier épisode de résistance, qui aura vu cette dernière triompher enfin, dans cette partie de l’Union, malgré la propagande infâme dont l’ennemi abreuvait depuis deux longues années nos camarades coloniaux isolés sur ce point du globe. Ralliement volontaire, sans incidents dramatiques ; de nouveau au coude à coude, tous ensemble pour continuer la lutte, les F.F.L. de la C.F.S., par leur patience, leur compréhension, avaient leur large part dans ce succès. Cette mission ingrate et sans gloire permettra pourtant, dès mars 1943, d’aligner contre l’Afrika-Korps plusieurs bataillons constitués tous de vaillantes unités qui ne tardèrent pas à faire leurs preuves.

Le 1er janvier 1943, le corps Somali devient le « bataillon de marche Somali », il comptait alors neuf officiers, 20 sous-officiers européens, huit hommes de troupe européens, neuf hommes de troupe sénégalais, 24 sous-officiers, 44 caporaux et 293 tirailleurs Somalis.

Durant l’année 1943, le bataillon se complète sur le type britannique, tout en poursuivant son instruction, il se dédouble, de façon à former un bataillon de marche et un bataillon de souveraineté.

La mise en route du bataillon (B.M.S.) est retardée par suite du manque de navires, enfin, le 27 février 1944, un premier détachement commandé par le capitaine Meneboode, est mis en route pour l’A.F.N.

En septembre, les unités du B.M.S. se trouveront regroupées à Sousse (Tunisie) et le 25 octobre, le chef de bataillon de Bentzmann en prendra le commandement, le capitaine Meneboode prenant les fonctions de capitaine adjoint.

Je laisse respectueusement, à celui qui fut notre chef, non seulement respecté, mais admiré, de ses officiers jusqu’au simple tirailleur, le soin de décrire ce que fut ce bataillon : « Chaque compagnie était parfaitement instruite, disciplinée, ardente au travail ; mais chacune avec son climat particulier, reflet de la personnalité de son chef ; il en résultait une émulation magnifique entre ces « cinq petits corps de troupe » qu’il suffisait maintenant de rôder ensemble, tout en laissant à chacun sa marque particulière, pour être plus vite prêt à affronter le boche, il n’est rien que l’on n’eut accepté du bataillon : aussi, deux mois d’instruction intense, de manœuvres d’ensemble, suffirent-ils à parfaire le rodage de ce solide outil de combat qui allait bientôt affirmer sa valeur et sa forme contre les troupes d’élite de la Kriegsmarine ».

Pas un ancien du bataillon, certainement, n’évoquera sans quelque nostalgie, les mois passés à Sousse. C’est là, en effet, que dans un effort commun, tendu vers le même idéal, se nouèrent ou se soudèrent les liens de confiance réciproque, de compréhension mutuelle, de virile camaraderie entre tous, qui donnèrent au B.M.S. une vie intérieure que ceux qui l’ont vécue n’ont sans doute pas oubliée « Tous pour un – Un pour tous » telle eut pu être la devise du B.M.S. mais point n’était besoin d’une phrase toute faite pour en exprimer le sentiment de chacun, au bataillon on se comprenait toujours à demi-mot et, pour tous, comme ils parurent interminables ces cinq mois et demi d’A.F.N.

Le capitaine de la C.B. (capitaine Parizot)
Pariait chaque jour un banquet
Qu’on s’rait partis la s’maine prochaine
Il a perdu tous ses paris
On était tous aussi marris
Payez à boir’ mon capitai-ai-ne.

disait l’une des nombreuses chansons du bataillon, toutes inspirées par la crainte tenace et déprimante de voir la guerre se terminer sans que le B.M.S. ait pu y prendre part ; car pour avoir l’honneur de se battre, il fallait figurer sur la « Troop-List » dont les heureux élus pouvaient seuls, prétendre à l’habillement et à l’armement fournis par nos Alliés, et être englobés dans les plans d’enlèvement et de transport vers la France. Le bataillon, tard venu, bien que tôt parti, ne s’y trouvait pas, aussi le moral était-il souvent bien bas, malgré les lettres du lieutenant-colonel Appert qui, de France, affirmait que ces difficultés matérielles seraient vaincues et que le B.M.S. serait engagé, mais l’A.F.N., pauvre en armement, en munitions, en habillement, en matériel de toute sorte, n’avait alors rien à espérer de la métropole, et devait se suffire à elle-même.

Les unités partant en France, non équipées par nos Alliés, abandonnaient donc, lors de leur départ, tout ce qui n’était pas strictement indispensable, pour éviter aux partants une inculpation d’attentat à la pudeur. Cette perspective ne contribuait pas à élever le moral du bataillon ; grâce à la compréhension de l’état-major du général commandant supérieur en Tunisie, le B.M.S. obtint, non seulement l’habillement et l’équipement nécessaires, mais put être autorisé à emporter son armement complet et ses munitions de guerre.

Fin décembre, l’ordre vient enfin d’être prêt à partir sur préavis de vingt-quatre heures, les permissionnaires furent rappelés et l’emballage de l’armement lourd et des impedimenta rondement mené. Quelques jours plus tard, le détachement d’embarquement avec tout le matériel, quittait Sousse pour Bizerte, précédant de vingt-quatre heures le gros du bataillon) ; malheureusement ce fut encore un départ retardé, et le détachement précurseur (dont l’auteur de ce récit fit partie) la rage au cœur, ramena les bagages à Sousse dans la consternation générale ; enfin, le 17 février 1945, dans une allégresse bruyante, aux accents du refrain du bataillon, qu’un vieux marsouin fortement dopé pour la circonstance, tirait d’un clairon rapiécé, le B.M.S. faisait à Sousse des adieux définitifs.

Après un embarquement et une traversée sans histoire sur le vieux Médie II, un débarquement, le 22 février, à Marseille ou nul ne l’attendait, une courte halte à Allauch, le B.M.S. et son bouc mascotte (qui malade, ne mangeait que du chocolat des rations conditionnées) arrivèrent le 26 février à Antibes, pour compléter, avec le B.M.14 et le B.M.15 déjà sur place, le régiment d’A.E.F. et Somalie.

Composé de trois bataillons qui jusqu’alors avaient chacun formé corps et que seuls les hasards de la guerre rapprochaient momentanément, ce régiment ressemblait davantage à une demi-brigade à trois bataillons qu’à un corps de troupe ordinaire.

Le chef de corps reconnut et admit tacitement cette situation de fait.

Le 23 mars, le régiment d’A.E.F. et Somalie était dirigé sur le front de l’Atlantique et le 26, il débarquait à Lesparre (Gironde) ; affecté aux F.F.G.R. brigade de marche du Médoc, dans le secteur de la pointe de Grave.

Dès le lendemain, le B.M.S. relevait aux avant-postes deux bataillons F.F.I., dont le bataillon Léon du Blayais, face au village du Gua, à cheval sur la route de Bordeaux au Verdon, en bordure sud des marais de la Perge, inondés par l’ennemi, qui en occupait l’autre rive, à 300 mètres environ.

Ce fut pendant 15 jours la vie en secteur, dans un terrain suintant d’eau, excessivement broussailleux et couvert, coupé de canaux ou de zones au travers desquels on ne pouvait circuler que sur les diguettes constituées par les talus, plantés d’arbres ou de haies, qui compartimentaient les prés, maintenant recouverts d’eau. Une très grande activité de patrouilles de nuit de part et d’autre (les nôtres devaient souvent cheminer, voire nager dans l’eau glacée alors que l’ennemi se déplaçait en barques), quelques escarmouches, plusieurs bombardements violents par mortiers ou 105 mm achevèrent d’aguerrir le bataillon dont les tirailleurs se montrèrent rapidement « à l’aise » dans ce climat de guerre.

L’offensive dans le secteur de la pointe de Grave fut déclenchée le 15 avril, elle visait à établir une tête de pont au Nord des marais de la Perge pour permettre la remise en état des ponts en vue de l’attaque décisive sur Soulac et Le Verdon, qui aurait lieu, après regroupement, sur la rive Nord.

Le comportement des Somalis depuis leur arrivée sur le front du Médoc, leur allant, leur allure souple et dégagée avaient fait impression sur l’état-major des F.F.G.R. Aussi, le 13 avril, lors de la réunion à Lesparre des officiers supérieurs commandant les diverses unités qui allaient être engagées, le colonel commandant la brigade de marche « Médoc » (colonel de Milleret) s’adressant au chef de bataillon commandant le B.M.S., lui dit :

« L’effort principal se fera au centre sur l’axe route de Bordeaux à Soulac, il faudra pousser dur et manœuvrer, ce sont donc vos « Lévriers » qui fonceront. Les « Lévriers » foncèrent le 15 avril à l’aube, entre La Gravotte et la route de Soulac ces deux points inclus contre les solides ouvrages enterrés, recouverts de rails et de rondins à l’épreuve du 105 mm ; tenus par un ennemi fortement accroché, abondamment pourvu d’armes automatiques et de mortiers.

Le bataillon disposait, pour franchir des marais recouverts par endroits de deux mètres d’eau, d’une vingtaine de canots pneumatiques servis par des hommes du bataillon de marche d’Extrême-Orient (B.M.E.O.) qui firent preuve d’un cran magnifique.

Le début de l’opération bénéficia de l’effet de surprise, mais au moment où les derniers éléments des compagnies du 1er échelon prenaient pied sur la rive adverse, l’ennemi déclencha un violent tir de mortiers, qui mit à mal 11 embarcations, dont plusieurs, heureusement déchargées, coulèrent sur place.

Appuyée par le tir de tous les mortiers du régiment d’A.E.F. et Somalie, mis pour la circonstance à la disposition du B.M.S., l’attaque fut poussée avec beaucoup de mordant ; après avoir fait tomber les défenses de Le Trieu, la 3e compagnie (capitaine Périquet) enlevait dans un assaut à la grenade les trois blockhaus de La Gravette, la 2e compagnie (lieutenant Neyrand) retardée dans sa progression par de très violents tirs de mortiers, parvenait, par une large manœuvre de débordement, à prendre de front et à revers les défenseurs du Gua, qui hissaient vers 16 heures le drapeau blanc sur leurs ouvrages encerclés.

Le bataillon avait subi des pertes sérieuses mais l’objectif fixé était atteint.

L’offensive reprit le 18 avril à 12 h 30 toujours au centre, le B.M.S. reçut pour objectif dans un premier bond, le fossé antichars de la pointe de Grave, entre la voie ferrée et les bois de Soulac ; dans un deuxième bond : le réduit bétonné de Soulac, constituant le P.C. des forces ennemies de la pointe de Grave.

Après une pénible progression à travers les marais de Lillan, truffés de mines, et sous un violent bombardement de 155 mm le premier objectif fut coiffé par la 1re compagnie (capitaine Dieffenbach) qui poussa à travers bois, sur le réduit de Soulac, la 2e compagnie (lieutenant Moreau, remplaçant le lieutenant Neyrand, blessé le 14 avril) à droite, reçut pour objectif le village de Soulac-le-Vieux.

Les organisations ennemies furent enlevées de haute lutte, après une très dure progression. Avec sa fougue et son habileté manoeuvrière, la 3e compagnie soutenue hardiment et efficacement par les 81 mm de la C.A. (capitaine Dols) poussait ensuite, en tête de tout le dispositif ami, en direction des dunes des Huttes, afin de faciliter l’avance du 38e R.I. qui progressait à l’ouest de la voie ferrée et dont les éléments de tête arrivaient à hauteur de la 3e compagnie vers 18 h 30. Les objectifs fixés pour le B.M.S. étaient atteints, et le bataillon passé en soutien, s’installera au nord de la ligne Soulac-les-Bains, Soulac-le-Vieux, avec P.C. à Soulac-le-Vieux.

Depuis le début des opérations les Somalis avaient fait preuve d’un allant et d’un mordant magnifique ; le 22 avril, au cours d’une prise d’armes qui rassemblait des éléments de toutes les forces de la pointe de la Grave, le général de Gaulle accrochait lui-même une palme au fanion du bataillon, à côté de celle qui rappelait l’héroïsme montré à Verdun au cours de la dernière guerre par le 1er bataillon Somali, la croix de guerre 1939-1945 était accompagnée de la citation suivante :

À l’ordre de l’armée

Bataillon qui, sous le commandement calme et énergique du chef de bataillon de Bentzmann a, par sa valeur, sa bravoure et son opiniâtreté, réussi le 15 avril 1945, le franchissement de vive force, sous le tir violent et ajusté de l’ennemi, de la ligne d’eau du Gua, large de plus de 400 mètres, par son habile manœuvre, a fait tomber les défenses ennemies du Pont du Gua. Dans la journée du 18 avril a bousculé l’ennemi sur les fortes positions d’un fossé antichars, et d’un seul élan, a enlevé le village de Vieux-Soulac, ainsi que l’ensemble très fortement bétonné et vigoureusement défendu des ouvrages constituant le poste de commandement de la forteresse ennemie de la Pointe de Grave. Au cours des deux journées de combat a fait 300 prisonniers.

Le 25 avril, le B.M.S. quittait Soulac pour le secteur de La Rochelle, mais bientôt l’armistice allait le frustrer partiellement d’une campagne qui s’annonçait pleine de promesses, de combats victorieux.

Le 14 juillet 1945, ce fut le défilé à travers les rues de Bordeaux, les Bordelais firent au bataillon une ovation indescriptible, saluant en eux les libérateurs de la Pointe de Grave.

Puis, ce fut Bayonne, chargé d’assurer la sécurité d’une portion de la frontière et de la répression de la contrebande dans cette région : le 1er août 1945 le B.M.S. reprenait, son autonomie.

La lente agonie de cette belle unité commença alors ; la pénurie des moyens de transport ne permettant pas le rapatriement massif du bataillon, seuls quelques tirailleurs, grands blessés ou malades partirent pour Djibouti, les nécessités de la relève coloniale ou de l’encadrement d’autres formations, amputèrent le B.M.S. de la plus grande partie de ses cadres européens, son chef, promu lieutenant-colonel, quitta bientôt le bataillon pour un autre commandement.

Dans les semaines qui suivirent, le B.M.S., devenu « Unité de Rapatriables » quitta Bayonne pour la région bordelaise, où il fut affecté au service de garde des P.G. Allemands.

Par détachements successifs qui s’échelonnèrent jusqu’au début de l’été 1946, les tirailleurs Somalis rentrèrent à Djibouti.

Ils avaient mérité mieux que cela et leur conduite au feu aurait dû leur valoir un retour en corps constitué, précédés de leur glorieux fanion, notre pauvreté en navires ne le permit pas.

La guerre avait été courte pour les Somalis, ils ne purent y donner toute leur mesure, mais les chiffres de leurs pertes suffisent à montrer l’âpreté des combats qu’ils eurent à livrer :

« un officier tué – trois officiers blessés – quatre sous-officiers et hommes de troupe européens tués – sept sous-officiers et hommes de troupe européens blessés – 130 gradés ou tirailleurs tués ou blessés ».

À cette liste édifiante, je n’oublierai pas d’ajouter ceux, plus anonymes encore, qui, de leur tombe, ont jalonné la si longue route suivie par cette unité d’élite depuis les déserts, tour-à-tour brûlante, puis glacée, de l’Abyssinie jusqu’au petit cimetière de Soulac. Tous ont paraphé de leur sang le Livre d’or de notre armée coloniale.

Intelligents, robustes malgré leur sveltesse, turbulents mais disciplinés, ardents et courageux, fiers de leur chéchia qu’ils portaient très haute et pincée sur le côté, fiers de leur bataillon et de leur fanion tricolore, qu’ils aimaient et respectaient à l’égal du drapeau, les « Ouariah » du B.M.S. se sont montrés dignes des tirailleurs Somalis de la Grande Guerre, héros de Verdun.

Cet historique, bref dans son ensemble, a été écrit avec le concours gracieux des colonels Appert et de Bentzmann, respectivement, ancien chef des F.F.L. de la C.F.S. puis commandant du régiment d’A.E.F. et Somalie, et ancien commandant du bataillon de marche Somali.

Roger Lamy

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 47, avril 1952.