Les Antillais dans la France Libre
À l’Armistice de 1940, les représentants de Vichy installés aux Antilles françaises ont obligé la population à accepter le régime du maréchal. Cependant, très rapidement de jeunes Martiniquais et Guadeloupéens voulurent échapper à la coupe de l’amiral Robert en rejoignant les Forces Françaises Libres du général de Gaulle. Pour ce faire les risques étaient immenses, mais pourtant ils seront plusieurs centaines à tenter la traversée toujours mouvementée du canal de la Dominique pour rallier les Îles anglaises, bravant requins, patrouilles et les vedettes de la douane et leurs mitraillages systématiques.
Les premiers arrivés eurent la chance d’être acheminés sur Londres où ils furent affectés dans des unités en formation. Mais comme la cadence des passages augmentait il fallut songer à grouper sur place ces jeunes gens et les instruire. À cet effet, le général de Gaulle créa le Bataillon des Antilles en octobre 1942.
Quelque 500 volontaires encadrés par quelques gradés français également évadés des Antilles furent embarqués sur un liberty-ship en novembre 1942 et transportés à La Nouvelle-Orléans (USA) où des cadres français recrutés aux Amériques vinrent renforcer le maigre encadrement. Début 1943, le Bataillon des Antilles est transféré au camp de Fort-Dix (N.J.) où ces jeunes volontaires découvrent la neige et reçoivent, venus de Londres, un chef de bataillon, le capitaine Adrien Alcan, valeureux combattant de la Première Guerre mondiale et quelques sous-officiers. Ce sera dans ce camp que l’instruction prendra un essor nouveau, les Américains mettant à la disposition du bataillon l’armement, les munitions d’instruction, les champs de tir et les salles de spécialisation. Mais l’arrivée des volontaires avait été constante et en juillet 1943 l’effectif atteignait le chiffre d’environ 1.700 et c’est à cette époque que le général Jacomy, commandant supérieur des troupes Antilles-Guyane, annonce au cours d’une inspection la décision de l’état-major d’Alger de former avec ces volontaires un bataillon qui prendra le nom de Bataillon des Antilles n° 1.
Ce bataillon devait être sous peu transporté en AFN, les volontaires en surnombre devant être renvoyés aux Antilles pour la création d’autres unités (ils formeront en particulier l’ossature du Bataillon des Antilles n° 5 qui se distinguera lors de la liquidation de la poche de Royan).
Ce n’est que le 13 septembre 1943 que le BMA n° 1 quittera le camp de Fort-Dix pour embarquer à New-Port-New (Virginie) le 21 septembre 1943, à destination de Casablanca où il débarquera le 12 octobre et d’où il sera dirigé le lendemain sur le camp d’EI-Hajeb où il restera à l’instruction jusqu’au 6 décembre.
Le 7 décembre 1943, le BMA n° 1 fait mouvement par voie ferrée sur Sousse (Tunisie) où il arrive le 16. C’est dans cette ville qu’il sera inspecté par le général Kœnig et le général de Larminat. À la suite de ces inspections la décision sera prise d’intégrer le bataillon à la 1re Division Française Libre, pour s’y transformer en 21e Groupe Antillais de DCA.
À compter de cette date le destin du Groupe Antillais sera celui de cette grande unité et après une instruction poussée il participera à toutes les campagnes de la D.F.L. au cours desquelles tous ces jeunes volontaires antillais se feront remarquer et apprécier dans toutes les disciplines, DCA, DCB, infanterie, train, etc., et cela au prix de lourds sacrifices, comme fait foi cette brillante citation méritée par le groupe et dont voici le texte:
« Groupe Antillais d’élite, sous l’impulsion du chef d’escadron de Kœnigswarter, commandant les FTA divisionnaires et le commandement énergique du chef de bataillon Lanlo, a toujours fait preuve des plus belles qualités militaires.
« Après avoir participé à la campagne d’Italie, a été utilisé à maintes reprises, pendant la campagne de France comme unité antichars ou d’infanterie. Premier groupe de FTA débarqué à Cavalaire, a pris une part active dans la réduction des forts de Toulon faisant de nombreux prisonniers.
« A tenu, au prix de lourds sacrifices, un front étendu de positions d’infanterie devant Giromagny. A montré une belle ardeur combative pendant la défense d’Herbsheim où un fort détachement du groupe est resté encerclé pendant trois jours, résistant sans défaillance malgré la perte de plusieurs de ses pièces atteintes par des coups directs de chars et la mort de la plupart de ses officiers et chefs de section. À Benfeld, les jours suivants a repoussé toutes les attaques de l’ennemi, détruisant des chars et faisant des prisonniers ».
Le 9 mai 1945, le ministre de la Guerre adressait à la 1re DFL un télégramme chaleureux pour tous ceux qui avaient rejoint les Forces Libres et répondu les premiers à l’Appel du général de Gaulle, puis nos jeunes volontaires antillais, rescapés de la tourmente, retournèrent dans leurs Îles que certains avaient quittées depuis plus de trois ans, aussi modestement qu’ils en étaient partis. Ils avaient bien mérité de la patrie.
Raymond Proust, président de la section de Cagnes-sur-Mer
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 242, 1er trimestre 1983.