André Jarrot (1909-2000)
Grand officier de la Légion d’honneur – Compagnon de la Libération – Croix de Guerre 39/45 – Médaille des Évadés – Military Medal – Distinguished Conduct Medal – Résistance intérieure
André Jarrot est né le 13 décembre 1909 à Lux près de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), dans une famille de souche paysanne. Son père était employé à la SNCF et sa mère, couturière. Après des études à l’école primaire supérieure de Chalon-sur-Saône, il devient électromécanicien à la Compagnie du Gaz et de l’Électricité du Sud-Est de 1927 à 1936 et est parallèlement secrétaire départemental du Syndicat des électromécaniciens. Il effectue son service militaire en 1929 au 3e régiment du génie. En 1936, il ouvre un garage spécialisé dans les poids lourds à Chalon-sur-Saône. Simultanément, il est moniteur d’aviation légère de 1937 à 1939. Grand sportif, pratiquant également la course à motocyclette, il est champion de France de vitesse sur 500 cm3 en 1937 et recordman du monde des 24 heures avec Georges Monneret en 1938.
Lorsque la guerre éclate, il est mobilisé à Dijon au 3e génie. Fait prisonnier à Pont-du-Château près de Clermont-Ferrand, le 22 juin 1940, il s’évade après soixante heures de détention. Il rejoint à bicyclette la ville de Toulouse ; il y est démobilisé le 15 juillet 1940 puis rentre en Bourgogne.
Sa maison se trouvant juste sur la ligne de démarcation récemment instaurée, il entre très vite dans la Résistance, au sein du réseau « Ali-France » dont le responsable, Jean Ballois, rencontre Jarrot par l’intermédiaire de leur ami commun Camille Chevalier. Ce dernier est également garagiste à Chalon-sur-Saône et membre du réseau. Dès octobre 1940, A. Jarrot commence à organiser des passages en zone sud. Son organisation, en collaboration avec le réseau « Zéro France », est responsable de l’acheminement de la Belgique vers l’Espagne, à travers les lignes de démarcation, de tous les agents des réseaux alliés et français, des pilotes britanniques tombés en territoire ennemi et des prisonniers évadés. Près de 4 000 hommes et agents spéciaux seront accueillis et dirigés par ses soins. Les transports de documents et de courrier d’une zone à l’autre se multiplient également. Notamment au moyen d’une voiture électrique bricolée par ses soins. Le travail consistant à diffuser des messages radio pendant l’hiver 1940-1941, tout en évitant les voitures de la radiogoniométrie allemande est vraiment pénible et dangereux. Il échappe à l’arrestation par miracle à de nombreuses reprises. Dès 1941, avec son ami Raymond Basset, dit « Mary » (Compagnon de la Libération), il établit la liaison avec Paris et le mouvement « Libération-Nord ». En raison de son inlassable activité et probablement dénoncé, André Jarrot est arrêté par les Allemands le 8 janvier 1942. Il est relâché par manque de preuves après avoir réussi à se faire passer pour un trafiquant de marché noir.
Il retrouve Christian Martell (futur Compagnon de la Libération) dans le courant de 1942 : il avait fait sa connaissance pendant l’hiver 1940-1941, alors qu’il était en instance de départ pour l’Angleterre. Retourné en France, celui-ci est chargé de constituer, avec des agents sûrs, un réseau d’évasion de pilotes et de spécialistes de l’aviation pour leur faire gagner l’Angleterre. C’est donc naturellement vers Jarrot dont il connaît le savoir-faire et l’audace que se tourne Martell. Le réseau « Brandy » se constitue alors sous la double impulsion des deux hommes mais également de Maurice Martell, frère de Christian, et de Pierre Guilhemon (futur Compagnon de la Libération). Le réseau se développe ainsi considérablement, malgré la traque organisée par les services allemands.
En plus de ces innombrables et dangereuses activités, André Jarrot n’hésite pas à saboter des transformateurs électriques ou des transports routiers lorsque l’occasion s’en présente.
Appelé en Angleterre, il s’évade de France par l’Espagne à la fin de l’année 1942, après avoir vainement attendu un sous-marin à Nice, pour rejoindre les Français Libres. Arrêté à la frontière espagnole, interné à Figueras puis au camp de Miranda, il parvient, via Gibraltar, à rejoindre la Grande-Bretagne fin mai 1943.
Il rencontre le général de Gaulle à Londres et subit un entraînement rigoureux. Jarrot est alors parachuté en France sous le nom de Claude Goujon, avec Mary-Basset, dans le sud de l’Allier, dans la nuit du 6 au 7 juillet 1943. Le réseau « Armada » doit succéder au réseau « Brandy », décimé. Ayant retrouvé Pierre Guilhemon, survivant de Brandy, Goujon et Mary-Basset accomplissent plusieurs missions d’août à septembre 1943. Retournés en Grande-Bretagne puis à nouveau parachutés, ils s’attaquent, entre octobre 1943 et avril 1944 aux infrastructures industrielles et de transport indispensables à l’ennemi.
De nouveau appelé à Londres, André Jarrot reprend le chemin de l’Espagne avec Guilhemon et Mary-Basset avant d’être encore une fois parachuté, après le 6 juin 1944, en qualité de délégué militaire de Saône-et-Loire. Arrivé au sol, il est pris en charge par Odette Boulanger : elle deviendra son épouse. Cette nouvelle mission a pour but d’empêcher le repli des troupes allemandes : il participe à la destruction du pont de Tournus dès le lendemain. Début août, le besoin en armes lourdes se faisant sentir, Jarrot s’embarque de force dans un avion retournant à Londres où, à force d’insister, il obtient un important parachutage de matériel américain qu’il accompagne sur Sennecey-le-Grand le 10.
Après la libération du territoire qu’il commande militairement, André Jarrot commence à souffrir du manque d’action. Il obtient une nouvelle fois d’être envoyé en mission spéciale.
Derechef en Angleterre pour y subir l’entraînement intensif indispensable, il est parachuté à Hambourg, derrière les lignes, dans les derniers jours de la guerre en mai 1945.
Ses deux frères, membres de la Résistance, ont été déportés en Allemagne par les nazis. Un seul rentrera et son état nécessitera de grands soins.
Le second est mort dans la baie de Lübeck, lors du naufrage du S/S Cap Arcona, qui transportait 6 000 déportés.
De 1953 à la fin de son existence, André Jarrot participe à la vie publique : d’abord comme maire de Lux, puis de Montceau-les-Mines, puis comme conseiller général.
Ensuite en qualité de député de Saône-et-Loire (1962-1973), puis comme membre du Parlement européen et enfin en qualité de ministre avant d’entrer au Sénat. Parallèlement, il se dévoue dans plusieurs instances nationales qu’il préside.
Une phrase extraite de l’une de ses citations résume mieux cet exceptionnel personnage que tout discours : « (…) N’a jamais hésité à faire l’absolu don de sa personne ».
A.C.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 310, 4e trimestre 2000