André Cholet dit « Lenfant » (1901-1943)
F.F.L. – Réseau C.N.D. Castille – Ch. LH – CG – MR – M. FFL.
Parmi les combattants Français libres, il y avait les soldats du jour et il y avait les soldats de la nuit. Copiant Victor Hugo, je pourrais dire de lui : « Mon père, ce héros au sourire si doux », puisque s’est son sourire qui lui a valu le pseudonyme de « Lenfant ». Alias que lui donna son chef de réseau, le colonel Rémy, quand il entra en résistance en 1941.
André Cholet était natif de Favernay en Franche-Comté et marié à une Normande du Havre. Il s’était tourné très tôt vers la radio électricité débutante et avait suivi pour cela des cours à l’école des Arts et Métiers. Établi à Levallois-Perret, il construisait et réparait ce que l’on appelait alors des postes de T.S.F.
Il a quarante ans, une femme et un petit garçon. Il sait les risques encourus par ceux qui luttent conte les Allemands en territoire occupé, mais il n’hésite pas à rejoindre les Français libres de l’intérieur. Il entre au réseau Confrérie Notre Dame en septembre 1941.
À la tête de la section radio du réseau, il va avoir la charge d’installer, d’entretenir et de réparer les émetteurs qui permettent de communiquer avec Londres. Il met en place des postes, monte des antennes à Brest, Bordeaux, Angers et autres lieux. Il modifie des postes de radio commerciaux qui, sous leur aspect innocent, se transforment en émetteurs récepteurs par l’adjonction d’une partie mobile se dissimulant dans un Bottin évidé.
Il est, hélas ! remplacé dans ses fonctions par un opérateur radio. Choix funeste, car cet homme se fera prendre en pleine émission et malheureusement parlera. Le 25 mars 1942, les agents de l’Abwehr arrêtent mon père à notre domicile du 28, rue Juliette-Lambert, à Paris. Il est une heure du matin. Il a le temps, avant de partir, de me lancer, à l’insu des agents ennemis, son carnet de rendez-vous pour qu’il ne tombe pas aux mains de nos adversaires.
Je ne le reverrai plus jamais libre. Emprisonné à l’hôtel Lutetia, puis à Fresnes, il passe en jugement avec ses camarades de combat, devant le tribunal militaire allemand siégeant à l’hôtel Crillon. Le procès dure deux semaines, du 26 mars au 9 avril 1943. Chaque matin avec l’autorisation de mon directeur d’école, je peux voir, un court instant, mon père, menotté à un de ses coaccusés, durant son passage entre le fourgon cellulaire et l’entrée du tribunal.
Le 9 avril, la sentence est prononcée pour douze des quatorze accusés : la mort.
Pendant un mois, chaque jeudi, nous allons, ma mère et moi, à la prison de Fresnes, où, au parloir, nous pouvons converser avec mon père. Le 13 mai, la visite dure plus longtemps que d’habitude. Le même jour, à 16h00, il tombe sous les balles allemandes dans la clairière du Mont Valérien.
Il avait quarante-deux ans et demi. Il repose depuis au carré des fusillés du cimetière d’Ivry.
Il a reçu de nombreuses décorations, mais la plus belle citation que j’aie pu lire à son sujet a été écrite par son chef, le colonel Rémy :
« Par son silence, il a sauvé le réseau. »
Jean-Louis Cholet
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 310, 4e trimestre 2000.