L’action du groupe des Bretons à Alger
Le 8 novembre 1942 – Le débarquement allié en Afrique du Nord fut un événement considérable ; il a suscité de nombreuses publications ; un historien, Gabriel Esquer en a donné un récit très objectif : « 8 novembre 1942, jour premier de la Libération ».
Dans cette nuit historique la Bretagne ne pouvait qu’être présente.
On a expliqué la prépondérance des Bretons dans les Forces Françaises Libres par une facilité plus grande d’évasion que nos côtes bretonnes offraient à la jeunesse généreuse. En France on est rationaliste. Il nous est peut-être permis d’insinuer que l’explication, pour certains, vaudrait justification de leur propre carence. En réalité, il n’était pas plus commode de s’échapper de nos estuaires que des autres côtes de France. J’ai connu maints départs manqués. De guerre lasse nos jeunes hommes s’en allaient vers l’Afrique du Nord, avec l’espoir de rejoindre par là la France Libre. Hélas. Et c’est ainsi qu’ils furent présents et acteurs du 8 novembre 1942.
À Alger le secret avait été bien gardé ; les dispositions prises se révélèrent excellentes : deux morts seulement à déplorer de part et d’autre. Il n’en fut pas de même, hélas, à Oran ni à Casablanca.
Sur ce débarquement j’apporte deux récits parcellaires et encore inédits. Ils sont dus à deux Bretons. Tilly, du Guerlesquin (Finistère) et Pierre Chesnais, de Saint-Malo, qui les ont rédigés peu de mois après l’événement. L’historien soucieux d’exactitude remarquera, une fois de plus, que le même fait, narré par deux témoins, par deux acteurs, est rapporté, avec des différences.
Docteur A. Vour’ch
Relation de Félix Tilly
Depuis déjà longtemps Tilly était en relation avec Pilafort étant bien entendu que son adhésion serait complète lorsque surgirait le jour de l’action.
C’est le 6 novembre au soir que le capitaine Pilafort tenta d’avoir Tilly qui, absent de la ville, ne put le joindre que le 7 à 9 heures du matin. La révélation lui fut faite de l’arrivée des Alliés dans la nuit prochaine ; il lui appartenait de rassembler les hommes sur lesquels il pouvait compter. Il lui fut prescrit de reprendre contact à 17 heures pour fournir le résultat de ses démarches et obtenir de nouveaux ordres.
Tilly employa sa journée à alerter chacun des adhérents de son groupe. Il avait en outre jeté son dévolu sur deux camions et une voiture de tourisme, que l’on devait saisir sans aviser le propriétaire. Rendez-vous était fixé pour chacun à 22 heures au bas de la Rampe Chassériau. Lorsqu’il retrouva Pilafort à 17 heures, il apprit que son groupe avait pour mission d’occuper le poste de radio-Alger, le central protégé et le central télégraphique (1). Les armes nécessaires étaient entreposées au garage Lavaysse, rue Michelet, où il les prendrait à 23 heures. Il dîna chez lui avec Chesnais. Ils attendirent les chauffeurs qui devaient prendre les camions. À 21 h 30 ils pénétrèrent dans l’établissement privé où se trouvaient ces camions. À 22 heures tout était rassemblé à pied d’oeuvre, au bas de la Rampe Chassériau : soit deux camions, une voiture de tourisme, environ 55 hommes dont 13 Bretons.
Tilly part dans la voiture légère pour prendre livraison des armes promises. Celles-ci perçues au garage Lavaysse, il revient à la Rampe Chassériau. Mais, au vu des armes, la plupart des 55 hommes réunis là, des Algériens surtout, prirent peur et s’en allèrent. Entre minuit et demi et 1 heure, le cortège s’ébranla, réduit à la voiture de tourisme occupée par Tilly et Chesnay et à un seul camion ; par suite de la défaillance d’un grand nombre, le deuxième camion devenait inutile. Et l’on se dirigea vers le gouvernement général.
L’arrêt se fit devant le poste de radio-Alger. Supposant que la porte était fermée à clé, Tilly dit à Chesnay de briser les verres à coups de crosses. Par l’ouverture ainsi produite, il pénètre revolver au poing, mais en enjambant, son vêtement accroche à un angle du verre très épais et il culbute. Dans la chute, le coup part et la balle s’écrase contre la première marche en face. Gourlan (2) ouvre alors la porte ; elle n’était nullement fermée à clé, ni verrouillée à l’intérieur. L’incident tumultueux aurait donc pu être évité.
Et ce coup de revolver dans la nuit eut pour conséquence de faire peur à quelques-uns des conspirateurs dont le courage avait tenu jusque-là et qui s’égaillèrent. Si bien que, la porte étant ouverte, il n’y avait plus grand monde pour entrer. Le camion était parti et, avec lui, les armes, les approvisionnements et le ravitaillement que Mme Tilly avait préparé en prévision d’un séjour plus ou moins prolongé dans l’établissement, c’est-à-dire un poulet, du pain, quelques litres de vin. Le vin était indiqué à cause des jeunes amis Bretons sur lesquels on savait pouvoir sûrement compter. De fait, sur les 15 fidèles il y avait 13 Bretons, un Algérien, chauffeur de Tilly et un Parisien. Et Tilly précise que parmi les défaillants, on ne comptait pas un seul Breton.
La petite troupe ayant pénétré, dans la maison, y trouva des plâtriers qui travaillaient malgré l’heure. Ceux-ci, devant une telle intrusion levèrent les bras. « N’ayez pas peur, nous sommes des gaullistes, on ne vous fera aucun mal ». On les considéra comme prisonniers et on les enferma dans le studio de radio-Alger. Et, tout de suite, on s’occupa du poste, on supprima tous les contacts. Puis on grimpe au premier étage et on essaie de pénétrer au central protégé. Il est fermé à clé ; impossible d’ouvrir. On monte au central téléphonique, encore plus haut. Là, l’homme de service était dans une cabine de verre : au spectacle de ces hommes armés, revolver au poing, faisant irruption chez lui, il a le réflexe de téléphoner. On ne lui en donne pas le loisir et on le déclare prisonnier. Puis on coupe tous les fils téléphoniques au couteau. Le téléphoniste est conduit, lui aussi, à la prison improvisée, c’est-à-dire au studio. Toutes précautions étant prises, poste de garde près des prisonniers du studio, aux escaliers, à toutes les issues, on attend le débarquement. Et, vers 3 heures du matin, on entend un premier coup de canon, écouté avec satisfaction.
Vers 4 heures du matin un ordre arrive de faire diffuser par le poste de radio le message du général Giraud. Mais tout était démoli ; contacts, fils. La réparation du matériel demanda du temps. Vers 7 heures du matin, tout était réparé, grâce surtout à Brisson, lequel avait en la matière quelques notions, quelques connaissances techniques. Sous menace du revolver on obligea l’employé de service à enregistrer sur disque le message, qui était dicté par Brisson. On prescrivit à l’employé de répartir les émissions selon un rythme simple : deux marches militaires, puis le message. Cet employé de la radio était au fond très sympathique aux agresseurs ; l’argument du revolver ne lui était pas indispensable. Au point que, beaucoup plus tard, ayant rencontré Tilly et l’ayant reconnu, il lui dit : « C’est vous qui m’avez arrêté et forcé à enregistrer le message Giraud ; j’ai conservé le disque et je vous le confie ». Ce disque est ainsi en la possession de Tilly ; et par là il est facile de vérifier qu’il a été établi par Brisson et non par un autre (ainsi que cela a été écrit en diverses publications).
Donc les émissions furent produites avec l’alternance indiquée jusqu’au moment où l’ordre parvint, du 26, rue Michelet, c’est-à-dire du P.C. de se retirer. D’ailleurs aussitôt on vit gardes mobiles, cinquième chasseurs et chars s’apprêter à prendre la position de force. Ceci se passait vers 11 heures.
Chacun se retira, mais après s’être donné rendez-vous pour 19 heures, au café du Grillon, rue Charras. Hélas, une bombe alliée tomba vers 18 h 15 sur la maison de Tilly, démolissant tout, tuant une personne amie et blessant Mme Tilly. C’était la dernière bombe lancée, et, à ce moment même l’armistice se signait entre les Alliés et les opposants français.
À noter qu’aucun des membres agissants du groupe qui prit possession du gouvernement général n’avait d’arrière-pensée politique. Ils agissaient en gaullistes : c’est tout. Chez eux la question ne se posait pas de travailler pour le roi, pour le communisme, pour aucun parti. En aidant les Alliés, ils agissaient simplement en Français.
Rapport de l’aspirant de marine Chesnay sur l’action du groupe B 4 dans la nuit du 7 au 8 novembre 1942
Vendredi 6 novembre. – J’effectue ma dernière liaison entre R. Aboulker (rue Bab-Azoun), le capitaine Pilafort (rue de l’Industrie) et Tilly (café de la station).
« Préviens Tilly que les Bretons n’ont qu’à préparer leurs fesses, ça urge (Pilafort dixit).
Samedi 7 – 10 heures : j’ai vu Tilly. Il est prévenu que l’opération a lieu le soir. Il en est heureux, car elle constituera pour lui comme pour nous, notre première revanche.
Détail embarrassant : Tilly ne possède pas la liste des hommes de son groupe. L’un de ses camarades, qui n’est pas pour le moment à Alger, a les adresses sur lui. On peut craindre par conséquent l’impossibilité de prévenir tout le monde au dernier moment. Il faut se débrouiller malgré tout. Tilly me charge de rassembler mes camarades. De son côté il fera le nécessaire pour trouver de nouvelles recrues. Je possède quelques camarades à bord d’un pétrolier au mouillage dans le port. J’ai la certitude qu’ils me suivront car ils m’ont assuré plusieurs fois de leur concours si besoin s’en faisait sentir. Pas de chance, le pétrolier a appareillé le matin pour un autre port d’Afrique du Nord.
Sur le Ville d’Oran, où je pensais trouver des sympathies politiques, chacun se découvre tout à coup des crises de paludisme où de simples coliques à la pensée de prendre une part effective à l’affaire. Malgré tout on m’assure d’un certain appui moral qui ne coûte cher à personne.
Sur le Marigot, Piriou (3) me confirme la confiance que j’avais placée en lui, Bures et Lucas, élèves officiers qui ont déjà goûté les douceurs de « Barberousse » dans une petite histoire où j’étais moi-même mêlé, marchent évidemment avec nous. Malheureusement ils sont incorporés déjà dans le groupe Pauphilet qui s’occupera le soir de la « Villa des Oliviers ».
Sur l’Athos II les officiers ont tellement soigné leur propagande vichyste que mes tentatives sont vouées à l’insuccès.
J’aiguille alors mes recherches du côté de l’Association des étudiants réfugiés bretons, où je compte de nombreux camarades. Gourlan, étudiant en lettres, vieux Gaulliste du début, est depuis longtemps d’accord avec moi. Il y en a d’autres : Guermeur (4), étudiant en médecine, Espinay (5), étudiant en droit, Le Meur (6), Chemineau et Neveux, un camarade de Gourlan. Il leur donne rendez-vous à 22 heures, au bas de la Rampe Chassériau à l’Agha.
12 heures : je déjeune chez Tilly qui préfère annoncer la nouvelle à sa femme en ma présence. Une réflexion de Tilly donne l’esprit exact dans lequel nous marchions à l’époque : « Demain nous aurons 12 balles dans la peau ou nous serons décorés par le général de Gaulle ».
Dans notre esprit, il ne pouvait y avoir de débarquement allié sans le Grand Charles et le général Giraud ne pouvait être pour nous que sous ses ordres. C’était peut-être idiot, mais nous le pensions.
Dans la soirée, Tilly, Bufort et moi allons « emprunter » un camion à gazogène aux environs d’Alger. Nous avions négligé de prévenir le propriétaire qui est le patron de Tilly.
21 h 30 : panne de gazogène sur la route.
22 h 30 : nous arrivons finalement au lieu de rendez-vous, Rampe Chassériau. Nous y trouvons une quarantaine d’hommes parmi lesquels je reconnais mes camarades. Déjà l’arrivée du camion provoqua un certain remous chez ceux qui, jusqu’au bout, espéraient qu’il ne viendrait pas : « colique », quelques-uns prennent congé de nous.
23 heures : nous avons laissé Bufort au garage Lavaysse. Il nous revient bientôt dans une voiture légère. Il est accompagné de Brisson, un camarade de la Faculté de chimie (étudiant réfugié).
Chacun reçoit son fusil et nous embarquons dans le camion. Nous sommes une trentaine.
Nous arrivons au gouvernement général. Malgré les précautions de chacun, le débarquement du camion s’effectue dans un grand bruit de ferraille. Tilly ne semble guère être au courant de la topographie des lieux, et nous nous tâtons le pouls pour choisir une porte plutôt qu’une autre. Le sort tombe sur une porte dont la partie supérieure est vitrée, Chemineau démolit la vitre à coups de crosse. Tilly passe au travers, trébuche et s’étale dans le vestibule. Son 92 qu’il tenait à la main part tout seul. Nous le suivons l’un après l’autre, en essayant de ne pas nous éborgner avec les engins encombrants que nous avons dans les mains. Neveux réussit tout de même à récolter un coup de crosse dans les gencives. Arrivés au haut du premier escalier nous sommes tous étonnés de nous retrouver si peu. Il y a là : Tilly, Brisson, Bufort, Guermeur, Gourlan, Le Meur, Piriou, Espinay, Chemineau, Neveux, un Monsieur « X » et moi. Le petit épisode de la porte d’entrée et le coup de feu inattendu ont provoqué la défection de 18 « durs à cuire » dont nous retrouvons les armes dans la rue.
Il y a beaucoup de portes, couloirs, escaliers au gouvernement général. Au hasard, nous pénétrons dans les bureaux, nous arrêtons ceux qui s’y trouvent et les entassons dans une salle sous la garde de Neveux. L’un des appréhendés, terrorisé à souhait, se fait un plaisir de nous servir de guide. Il nous conduit au central téléphonique où Brisson s’installe confortablement et commence à filtrer soigneusement les communications. Toute la nuit il répondra par des explications de la plus pure fantaisie aux coups de téléphone angoissés qui lui parviendront du 5e chasseurs, de l’amirauté ou d’ailleurs.
Nous continuons notre tour du propriétaire, récupérons les veilleurs, gardiens ou fonctionnaires un peu dans tous les coins.
À 1 h 30, nous sommes maîtres de la place. Un détail qui a sa valeur : Mme Tilly avait eu la gentillesse de nous préparer un poulet froid et quelques bouteilles (pour arroser la prise de possession). Malheureusement le chauffeur du camion qui nous avait amenés a pris le large en emportant poulet et bouteilles…
2 heures : Monsieur « X », qui ne nous donne pas l’effet d’être très à l’aise, propose ses services pour aller chez lui nous procurer du ravitaillement. Nous accepterons, sachant fort bien qu’il cherche une façon élégante de s’éclipser.
3 heures : nous restons 11 du groupe B. 4. Nous avons récupéré une cinquantaine de fusils un peu partout et nous les avons alignés le long des couloirs. Les cartouches sont entassées dans la salle d’émission radiophonique. Nos prisonniers ont accepté leur sort avec toute la philosophie nécessaire. La plupart dorment en long et en travers. Les autres se taisent, à part le concierge à qui nous parvenons difficilement à interdire l’usage de la parole.
C’est l’heure à laquelle nous parviennent les premiers coups de canon. Ils nous confirment le débarquement au sujet duquel beaucoup d’entre nous restaient sceptiques. Un 75 du fort l’Empereur claque au-dessus de nos têtes. Bufort est mal à l’aise. Il manifeste le désir d’aller rassurer sa femme à Belcourt. Nous ne le retenons pas. Nous ne sommes plus que dix. Nous recevons la visite de Raphaël Aboulker. Tous les objectifs sont atteints, paraît-il. Par ailleurs le débarquement s’effectue d’une façon satisfaisante.
4 heures : on nous fait parvenir un message du général Giraud. Il nous faut le faire passer à la radio. Malheureusement il nous manque « la manière de se servir de cette radio ». Un ou deux spécialistes des émissions arrivent à point à la porte d’entrée. Devant leur insistance à voir ce qui se passe à l’intérieur, nous les introduisons sous bonne garde. Bon gré, mal gré, ils vont remédier à notre incompétence technique.
Je crachote dans le micro et compte péniblement jusqu’à 33 pendant la mise au point. Brisson qui a une voix agréable, qui ne porte pas la moustache, mais la barbe, est le plus apte à représenter le général Giraud. Sa voix est enregistrée sur disque et c’est ce disque que nous ferons passer toutes les demi-heures entre quelques airs de marches militaires. Il est amusant de remarquer que le premier disque qui nous tombe sous la main (le seul parmi ceux que nous avons trouvés ayant un caractère militaire) est une marche italienne. Peu de gens s’en sont rendu compte. Plus tard, après avoir appréhendé un monsieur du gouvernement général qui précisément possédait la clé du coffre à disques, nous avons pu découvrir la marche Lorraine, le chant du Départ, etc.
6 heures : Guermeur a été rappelé en renfort à un autre point de la ville. Nous sommes neuf désormais : trois qui s’occupent de la radio, un qui s’occupe du central téléphonique, deux qui gardent les prisonniers dont le nombre s’accroît de plus en plus, trois qui contrôlent les entrées. Nous commençons à nous sentir en nombre insuffisant. Il y a des attroupements dans la rue. De nombreuses personnes, fonctionnaires du gouvernement général, membres de la sécurité militaire, officiers de toutes les armes, essaient de passer la porte que nous gardons. Les uns insistent et vont partager le sort de ceux que nous gardons déjà. Les autres exigent des explications et sont aiguillés, par nos soins vers le commissariat du Xe arrondissement où Raphaël et ses amis leur font subir un sort analogue.
Nous sommes obligés de faire très attention car les fusils alignés un peu partout dans les couloirs pourraient fort bien servir contre nous si les gens que nous arrêtons avaient seulement un brin de culot. D’autant plus que parmi eux il y en a qui portent l’insigne de S.O.L.
Vers 7 heures, nous entendons une pétarade à proximité. C’était, je suppose, les automitrailleuses du 5e chasseurs qui tiraient sur la poste. Nous manquons de liaisons. Nous ignorons d’une façon totale ce qui se passe ailleurs, tant au point de vue du débarquement, au sujet duquel nous parviennent les bruits les plus divers, qu’au point de vue de nos camarades des autres groupes, dont nous ne connaissons pas la situation exacte.
8 heures : M. Saintblanca et Raphaël Aboulker arrivent plutôt congestionnés : « les automitrailleuses du 5e chasseurs tirent sur la poste ». « Dreyfus a été tué, ne restez pas là, vous allez vous faire coincer inutilement ». Considérant que le poste de radio garde malgré tout une certaine importance et qu’il faut que le message de Giraud soit entendu le plus longtemps possible, nous restons sur nos positions. (Notons que Fanfan Aboulker, au commissariat du Xe arrondissement, avait l’air d’être beaucoup moins impressionné que son frère et qu’il était partisan de tenir encore).
9 heures : Raphaël Aboulker revient à la charge avec Saintblanca : « les automitrailleuses montent par ici. Vous ne pouvez pas résister. Les autres sont arrêtés, il n’y a plus personne rue Michelet ». Raphaël Aboulker étant dans le secret des dieux et nous par contre ne l’étant pas, nous jugeons inutile de faire des martyrs et d’être plus royalistes que le roi. Nous avons d’ailleurs été encouragés par cette réflexion plutôt curieuse de Raphaël : « Vous les p’tits gars qui êtes en civil vous ne craignez rien, rentrez chez vous tranquillement. Quant à moi qui suis un militaire, je pars en voiture avec Tilly. »
Nous quittons le gouvernement général après avoir conseillé à l’un de ceux qui étaient arrêtés de continuer à passer le disque régulièrement et avoir dit que nous reviendrons plus tard pour voir s’il l’avait fait. C’est pourquoi après notre départ le message du général Giraud a été entendu encore pendant un certain temps.
Une heure plus tard, rue Charras, je rencontre Saintblanca et Tilly et ni l’un ni l’autre n’avaient l’air de savoir que nous avions encore des camarades au commissariat central. Il a fallu attendre quelques jours pour que j’apprenne qu’ils avaient tenu jusqu’à 4 heures.
Mes camarades seront d’accord avec moi pour confirmer ce rapport.
Signé : Chesnais
Aspirant de marine, à bord de l’aviso Commandant Dominé des F.N.F.L.
Aspirant de marine, à bord de l’aviso Commandant Dominé des F.N.F.L.
Les historiens ou chroniqueurs du 8 novembre 1942, « Jour Premier de la Libération », ainsi que le qualifie Gabriel Esquer, indiquent que l’occupation du gouvernement général d’Alger fut le fait du « groupe des Bretons ».
En réalité les jeunes Bretons d’Alger se trouvaient répartis en d’autres actions de cette nuit mémorable.
Initialement d’ailleurs le groupe des assaillants de cet établissement, le plus important de la ville, n’avait rien de spécifiquement breton. Il ne prit ce caractère que progressivement.
Quelques jours plus tard, je demandais à Tilly, le chef de l’équipe :
– parmi ceux qui furent fidèles, y avait-il des Bretons ?
– tous sauf un qui était de Paris ;
– parmi ceux qui eurent peur, combien de Bretons ?
– aucun.
Docteur A. Vour’ch
(3) Piriou est de Carhaix.
(4) Guermeur, médecin militaire en Corse.
(5) Espinay, aspirant de marine (Casablanca).
(6) Le Meur, quartier-maître canonnier sur l’Aconit.
(4) Guermeur, médecin militaire en Corse.
(5) Espinay, aspirant de marine (Casablanca).
(6) Le Meur, quartier-maître canonnier sur l’Aconit.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 89, juin 1956.