Jean-Claude Camors

Jean-Claude Camors

Jean-Claude Camors

Cadet de la France Libre – Compagnon de la Libération

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Jean-Claude Camors (RFL).

Jean-Claude Camors était né le 27 octobre 1919, à Pau, d’une vieille famille béarnaise, où dominaient le goût de l’action et les traditions militaires.

Lorsqu’il eut 14 ans, sa mère décida de le confier aux Pères Dominicains de Sorèze, dont l’école forma dès le siècle dernier tant d’hommes de mérite, ecclésiastiques et laïques, écrivains, politiques, officiers…

Étant fils et petit-fils d’officier, il put ensuite entrer au prytanée militaire de la Flèche, où il prépara et obtint ses baccalauréats.

Ses études secondaires terminées, il rentra comme stagiaire à la Banque de France.

Survint la guerre. Dans ces circonstances tragiques, Jean-Claude n’était pas d’humeur à attendre sur place les événements. Bénéficiaire d’un sursis, il rejoignit néanmoins, au début d’octobre 1939, la place de Bordeaux, où l’on déclina ses services. Le mois suivant, il réussit à s’engager et fut affecté au dépôt du 18e R.I. Il réclame son envoi au front. On lui répondit qu’en raison de sa préparation intellectuelle, il devait suivre les cours des candidats aspirants. Comme tel, il fit partie d’un détachement, à Fontenay-le-Comte. Des marches forcées lui infligèrent une blessure profonde, exigeant un curetage. Il se trouvait à l’hôpital au moment de l’armistice. La ruée allemande le fit prisonnier. Il fut interné au camp de Châteaubriant (Loire-Inférieure), où l’ennemi rassemblait les soldats français de l’Ouest, destinés aux oflags et stalags d’Outre-Rhin.

Jean-Claude ressentait profondément la sanglante humiliation infligée à la France : sa révolte fut immédiate, décisive. Il s’évada camouflé dans une ambulance qui transportait un blessé et parvint à Nantes. Il s’y nantit, près d’un groupe d’Anciens Combattants, de vêtements civils et d’une fausse carte de démobilisation. Il traversa la ligne de démarcation et atteignit Pau (fin juillet).

En Béarn, il se trouvait dans une région familière – et privilégiée – où résidait sa mère, et qui offrait un refuge assez sûr. Pas un instant il ne songea à y séjourner, il voulait à tout prix combattre. Sa sœur, infirmière volontaire à l’hôpital de Laon, lors de la foudroyante avance allemande, n’avait-elle pas subi, un mois durant, entre les deux armées aux prises, les plus sombres tribulations, avec autant de sang-froid que de courage ! Son frère, officier méhariste, au Sahara, n’avait-il pas multiplié les démarches, pour aller se battre en France ? Sa mère lui conseillait de s’efforcer de gagner l’Algérie, où il aurait quelques chances de rejoindre son frère : ils uniraient leurs énergies et leurs destinées. Jean-Claude partit vers le Sud-Est et fut engagé dans un centre de rapatriement à la Seyne-sur-Mer. Il y resta quelques mois, s’initiant à la fabrication des faux papiers d’identité, aux moyens de duper la Gestapo, de circuler en zone occupée, pourvu de noms et de pièces d’état civil successifs, etc. Il vint à Paris, où il rendit visite à son oncle. Celui-ci confirma les conseils de Mme Camors, précisant les raisons majeures qui feraient commencer les campagnes de libération en Afrique du Nord : d’où elles pénétreraient sur le sol continental et métropolitain. Jean-Claude estimait toute attente intolérable. Impatient de brusquer son engagement, il se rendit en Bretagne et chercha, avec un camarade, à passer en Angleterre. La Gestapo était aux aguets. Jean-Claude échappa aux pièges ; son camarade fut pris et fusillé.

Il retourna en zone libre, résolu à s’évader coûte que coûte. Il se fit admettre à Marseille, dans une équipe de marins, pêcheurs de crustacés sur le littoral marocain. Dur métier, où les mains vite ensanglantées, souffraient des morsures de l’eau salée. Il étudia, au cours d’une première randonnée, les moyens, singulièrement précaires, de fuite en pays allié. Et, dès la seconde campagne de pêche, il tenta cette évasion.

Lorsque l’embarcation fut au large de Gibraltar, il se jeta subrepticement à la mer. Mais le détroit est large et les marins français passaient aussi loin que possible de la petite côte anglaise. Jean-Claude nagea ou surnagea deux heures. Le veilleur d’un bateau britannique aperçut cet homme, qui s’approchait de la terre alliée. Il héla le nageur. Jean-Claude fit connaître sa volonté de servir dans les troupes françaises du général de Gaulle. Il fut embarqué et dirigé, par mer, sur la Grande-Bretagne (fin 1941).

Enfin, il devenait un de ces volontaires, accourus de tous les points de l’horizon, souvent, comme lui-même, au prix d’efforts opiniâtres et de risques multiples, pour rallier le grand représentant de l’honneur national, le général de Gaulle, et préparer, sous ses ordres, la libération de la France ! Malheureusement, les troupes françaises libres, encore peu nombreuses, s’entraînaient sans espoir d’action rapide, ignorant d’ailleurs que, l’année suivante, elles ne seraient pas même conviées au grand débarquement américain en Afrique du Nord ! Les combats sur notre sol étaient exclusivement aériens. Les avions britanniques, américains, quelques-uns français, surveillaient en permanence le littoral, du golfe de Gascogne au Pas-de-Calais, pour détruire les travaux côtiers des Allemands, prévenir toute action d’ensemble de leurs vaisseaux, réduire au minimum l’activité de leur aviation… Jean-Claude compléta son entraînement militaire, fit des exercices de parachutage, perfectionna ses connaissances de radioélectricité… et subit l’attente commune.

Cependant nombre d’avions alliés disparaissaient en France, abattus par la D.C.A. ou par la chasse ennemie. Des pilotes tombaient et se cachaient dans nos campagnes. Comment leur prêter aide, les grouper, les ramener en Angleterre ? Un service des Forces Françaises Libres, secondé par des officiers anglais et américains était affecté à cette tâche essentielle, qui ne pouvait être réalisée sur notre territoire sans des agents français dûment spécialisés d’un dévouement à toute épreuve. L’impatience de Jean-Claude, sa volonté d’action immédiate firent qu’il sollicita sa mutation dans cet organisme. Le général de Gaulle le reçut. Il avait, dit-il connu le colonel Camors, dont il savait la valeur. Il s’intéressait au petit-fils, qui avait tenu à rejoindre les Forces françaises libres. Mais celui-ci, ajoutait-il était d’une taille exceptionnelle, pareille à celle du général lui-même, d’une physionomie très accentuée (brun, yeux enfoncés au regard aigu, expression d’énergie, assez sombre) ; il était trop reconnaissable pour échapper aux recherches de la Gestapo. Mieux valait qu’il fût un combattant. Il serait aux premiers rangs d’entre eux, au jour prochain de la bataille.

Jean-Claude dut patienter. Mais peu après, arguant de son expérience des pérégrinations secrètes à travers la France et des ruses de la Gestapo, il se fit confier de premières missions sur notre territoire. Parachuté vers mars 1942, il est signalé à Perpignan, où un certain M. Lebreton, du réseau Pat O’Leary, (décédé depuis en déportation) le présente à M. Jean Olibo (devenu secrétaire général de la mairie de cette ville). Il examine avec celui-ci les moyens d’organiser un passage régulier (et secret) à travers et au-delà des Pyrénées. Il se rend à Loches, où il s’agit de détruire, par explosifs des convois allemands circulant sur voie ferrée.

« En ce qui concerne le magnifique travail accompli par votre fils, écrit le capitaine Dorothy A. Smith, de l’armée américaine, à Mme Maurice Camors (17 mai 1946), je dois avouer que les renseignements sur le début de ses activités sont encore vagues, car tous ses collaborateurs de Loches sont morts. Nous ne pouvons que vous dire qu’il travaillait pour différents réseaux d’évasion et de renseignements, et qu’il était, grâce à ses connaissances approfondies et spécialisées du parachutage, de radio et de codes, grâce à son initiative et son énergie, un agent hors ligne. »

Au milieu de 1942, Jean-Claude est de nouveau en Angleterre, il fait un stage de perfectionnement à l’École des Cadets ; il s’y attache d’excellents camarades, le sous-lieutenant Bouffartigue, futur officier de chasseurs parachutistes, qui fut frappé de la « gentillesse », de la « beauté morale », de la « supériorité » de cet obstiné résistant ; M. Yves Vourc’h, qui devint un fidèle auxiliaire, l’année suivante, en Bretagne et procura à Camors le plus reposant refuge : la maison familiale du docteur Vourc’h, père, à Plomodiern (Finistère).

Vers novembre, semble-t-il, Jean-Claude se fait affecter officiellement au Bureau central de renseignements et d’action (B.C.R.A.), à Londres, chargé de promouvoir en France des mouvements de résistance et d’évasion.

Est-ce vraiment en novembre ou décembre 1942, comme le déclare M. Jean Olibo, ou quelques mois plus tard, suivant un rapport « des deux derniers responsables du réseau Bordeaux-Loupiac », MM. Montserret et Robert Darcy, que Jean-Claude réapparut à Perpignan ? Il y vint de Toulouse, avec quatre ou cinq aviateurs. M. Olibo assura leur logement Camors et lui préparèrent le départ « qu’il fallut hâter ». Accompagnés par des guides, Jean-Claude et les pilotes anglais traversèrent sans encombre les Pyrénées. Mais, en Espagne, il fut – lui seul – arrêté.

Sont-ce les représentants ou agents britanniques, ou américains, influents près des services du général Franco, qui le firent délivrer ? Fut-il ramené à Londres en avion ? Il s’y trouvait à nouveau au début de 1943.

*

1943 marque, pour Jean-Claude Camors, l’apogée. Il est en pleine possession des diverses techniques et de l’expérience que doit posséder, dans cette sorte imprévue de guerre sourde, poursuivie en France, un chef chargé de l’ordonner sur place et de la rendre efficiente. Il bénéficie d’une autorité incontestée, de la confiance totale des services alliés de Londres qui soutiennent cette guerre et des Français de tout âge, de toute condition (parmi lesquels des femmes) qui s’y livrent avec autant d’ardeur que de courage. Partout présent, il prévoit, décide, organise, stimule, assumant personnellement les tâches les plus risquées. Il est connu de la Gestapo, qui voudrait saisir, mort ou vif, cet ennemi redoutable. Il la déconcerte par la vitesse de ses apparitions et disparitions, ses noms d’emprunt (Caulaincourt, Raoul, Noël, Gérard), son audace. Mais il ne saurait modifier sa taille ; et son visage porte une expression secrète, distante, très personnelle…

Est-ce en février ou quelques semaines plus tard, il est chargé par le B.C.R.A. de créer un vaste réseau d’évasion à travers notre pays, de la Belgique à la frontière d’Espagne, comprenant des chefs de région, et, sous leur contrôle, des chaînes de postes de secours où les pilotes tombés au sol pourront être hospitalisés et évacués. Lui-même formera centre à Paris, d’où il rayonnera à son gré. Il dispose à Issy-les-Moulineaux d’un vaste logement, au sixième ou septième étage, où il peut grouper jusqu’à 25 ou 30 aviateurs, amenés du Nord ou de la Région parisienne. C’est lui-même qui les conduit en Espagne, et il n’hésite pas à les envoyer de nuit en chemin de fer ! C’est la province la plus sûre ; celle où les délations sont les plus rares. Nombreux sont les pêcheurs indifférents au danger. De dévoués agents assureront sur place les départs en bateau. Naturellement, Jean-Claude d’où qu’il soit, se tient en étroite liaison avec Londres, par radio.

Fin février il est à Lyon. Il y prend comme second M. Louis Montserret, puis se rend en plusieurs régions ; Nord en premier lieu, où il désigne des chefs, et donne des consignes précises. Il s’agit de découvrir les aviateurs cachés, de les identifier car l’ennemi a des espions habiles à jouer ce rôle, de les vêtir, de leur remettre des pièces d’identité, de préparer leur transport d’étape en étape, où doivent être choisis des logeurs, des nourrisseurs, des agents de liaison, des guides, etc. Ce travail difficile, cette vie mouvementée, errante, harcelée, dangereuse, des chefs et des agents de réseaux, où chaque journée présente des problèmes nouveaux, a été trop nettement contée ces dernières années, dans des mémoires, des romans, des films, pour qu’il soit utile de la décrire ici. Jean-Claude la mène avec maîtrise et passion. En mai, il est à Toulouse, à Perpignan, y passe trois jours pour renouveler ses tentatives d’organisation d’un passage régulier à travers les Pyrénées. M. J. Olibo lui remet une « identité complète de voyageur de commerce ». Mais un agent double du Réseau Pat O’Leary livre un ensemble de dénonciations à la Gestapo sur lui et sur son œuvre. La Gestapo hâte et multiplie ses investigations. Jean-Claude est rappelé à Londres.

En août il est, une fois de plus, parachuté en France. C’est vers cette époque qu’il rencontrera M. Rémy Roure, à Lyon. « Nous vîmes, dit celui-ci, entrer ce grand jeune homme élancé, au visage si fin, mais d’où rayonnait une énergie étonnante. Je savais que, dès le début de l’occupation, il avait combattu dans d’autres réseaux. Nous ne parlions pas alors de ce qui avait été fait, des actes accomplis. Même si la prudence n’avait pas exigé une telle réserve, la modestie de Raoul eût suffi pour qu’il ne dît rien. Muni de papiers, car il n’en avait plus aucun, il mit aussitôt en œuvre ce réseau de récupération d’aviateurs (Bordeaux-Loupiac) qui ne dédaignait point les coups de main : deux péniches allemandes, la Léna et la Moselthal, en réparation aux chantiers de La Mouche, sautèrent une belle nuit ».

À Paris, où il réapparaît souvent, il vient, à deux ou trois reprises, fort tranquillement, voir son oncle, à quelques pas de l’Hôtel Lutétia, où siège un état-major de la Gestapo. Il s’enquiert avec empressement de ses proches. Il dit sommairement, et comme à regret, l’essentiel de son action. Il offre d’aller en Allemagne accomplir un coup de main dans un oflag où est interné son jeune cousin, dont le frère est mort pour la France dès 1940. Il insiste. Que n’entreprendrait-il ? N’est-il point entraîné aux tentatives les plus hasardeuses, à jouer chaque jour la Gestapo, ses mouchards et ses hommes de main ? N’a-t-il point des compagnons d’une hardiesse, d’une fidélité inébranlables ? En vain lui rappelle-t-on que son aspect physique, sa figure de conspirateur et sa témérité le feraient aussitôt remarquer Outre-Rhin, et le trahiront tôt ou tard, il ne l’admet pas, et saurait de toute façon, dit-il, échapper aux tortures. Aux instances de son oncle, qui le conjure de rentrer dans les rangs des combattants où il sera un entraîneur d’hommes (la vraie guerre, au grand jour, a recommencé pour les Français), il répond qu’il est tenu de poursuivre sa mission secrète jusqu’au printemps prochain ; car il n’existe que peu de volontaires vraiment préparés au rôle complexe, patient, difficile, qui lui est imparti. L’heure surviendra peut-être à cette date, pour lui, d’entrer dans un commando.

Il demande quels livres récents méritent d’être lus. Il parle sans la moindre prétention de son avenir après la victoire des Alliés. Quel sera-t-il ? La France libérée, lui est-il répondu, aura encore besoin de jeunes chefs, doués de clairvoyance et d’énergie ; elle les chargera de réalisations nouvelles dans les pays d’outre-mer, ou chez elle. Elle appellera d’abord ceux qui lui auront rendu des services exemplaires… En fait, Jean-Claude restait très détaché de toute ambition matérielle. Comme tant de grands audacieux que signale l’Histoire, il entendait suivre son destin, sans le contrarier : quelle que dut être l’issue qui, de toute manière, serait à son honneur.

Quelques jours après le dernier entretien, éclatait la fusillade de Rennes.

« Camors, écrit le capitaine Dorothy A. Smith, avait tout prévu ; rien n’avait été laissé au hasard et tous ses sous-ordres purent continuer leur tâche jusqu’au bout, malgré la disparition de leur chef. Il avait organisé des lieux d’hébergement, des relais, des guides, dans tout le nord de la France, aussi bien en Champagne, qu’en Picardie et en Artois. Il avait conçu l’établissement de lignes semblables en Bourgogne, en Provence, en Languedoc… Grâce à son énergie et à son inlassable activité, il évacua lui-même une soixantaine d’aviateurs américains et alliés (80 déclare la citation américaine du 26 décembre 1946) leur fournissant tout ce qui leur était nécessaire. »

En fait, malgré l’acharnement de la Gestapo contre ce réseau, après le meurtre de Camors, grâce à l’ensemble des dispositions adoptées par lui – en premier lieu, une sélection d’agents sûrs – l’évasion des pilotes alliés resta pratiquée, à une assez grande échelle, jusqu’à la libération du sol français.

*

La scène finale de cette brève carrière fut relatée, lors de la commémoration de 1947, par un des principaux acteurs, M. Rémy Roure, dont nul n’ignore la conduite héroïque, à ces heures sombres, les graves blessures reçues au cours de cette échauffourée, la déportation à Ravensbrück et dont la famille fut frappée, par représailles, d’affreux et mortels sévices.

« Le 11 octobre 1943, un lundi, il avait fait beau. Les aviateurs américains conduits à Rennes, avant de l’être sur la côte, étaient garés chez des camarades de la ville. Nous avions dîné avec quelques-uns d’entre eux, la veille, dans un grand restaurant, au Cheval d’Or, chez Mme Tanguy, qui fut arrêtée plus tard, déportée à Ravensbrück, à qui nous devons rendre hommage… Nous étions tranquilles. Comment ne pas l’être avec ce jeune chef si calme, si courageux, qui paraissait accomplir tout naturellement le périlleux devoir. Nous étions là, dans ce « Café de l’Époque », Raoul, Pierre Dumont, André Poirier, un petit aviateur français, abattu, descendu en parachute, et Mlle Paulette Depesmes. Nous devisions assez gaiement. Quelques minutes avant que n’entrât le funèbre destin, notre Raoul plaisantait encore. Puisque vous ne retournez que ce soir à Paris, disait-il à Mlle Depesmes, je vais être obligé de vous faire la cour jusqu’à votre départ.

« Et puis, la porte s’ouvre et la trahison paraît. Roger, le légionnaire, un ancien membre d’un réseau de résistance vendu à l’ennemi, serviteur de la Gestapo, reconnaît Raoul, s’accoude au comptoir, puis brusquement tourné vers lui et son groupe tire son revolver, alors qu’entre un Allemand en uniforme. « Police allemande, haut les mains ! » La scène tragique ne dure que quelques secondes. Pierre Dumont se jette sur Roger le légionnaire, lui tord le poignet, mais l’autre relève la main et (des deux côtés) les coups de feu claquent. D’autres Allemands accourent. Le petit groupe de Français se précipite vers la porte, et c’est la fusillade dans la rue. Jean-Claude, mortellement blessé, a la force de courir. Il se réfugie dans une maison proche et, avant de mourir, détruit tous les documents qu’il portait, parmi eux les noms et les unités des pilotes alliés. »

Il s’engouffra, ajoute le docteur Vour’ch, qui fit plus tard une enquête minutieuse sur ce meurtre, dans le couloir obscur d’une maison démolie, depuis, par bombardement et, chancelant, s’y arrêta un instant » Puis il parvint à monter trois étages et s’étendit sur le palier, dont toutes les portes étaient fermées. Les boches, dit-il, qui fouillaient les maisons avoisinantes, le découvrirent là, le ventre ouvert, un portefeuille vide jeté à ses côtés (sans doute avait-il avalé le contenu). Ils le chargèrent sur leurs épaules, mourant, et le portèrent dans la rue. On ne sait ce qu’ils firent de lui, ni si ses restes ont été inhumés ou incinérés…

*

Ainsi s’achève la mémorable entreprise de Camors, mystérieuse, aux incessantes et fortes péripéties, si conforme à ses tendances et impulsions innées, dans laquelle il s’est surpassé et a rendu à son pays et aux Alliés des services inappréciables.

La guerre de Libération achevée, les gouvernements alliés de France, d’Angleterre, des États-Unis, tinrent à authentifier les actes de ce jeune chef de la Résistance. Ils lui attribuèrent, à titre posthume, les citations et les distinctions les plus élogieuses :

croix de la Libération (4 mai 1944) ;
– Légion d’honneur (décret du 19 septembre 1947) ;
– croix de Guerre avec palme ;
– grade de commandant avec rang du 1er octobre 1943 ;
– médaille américaine de la Liberté avec palme d’argent ;
– citation et médaille britannique ;
– diplôme au nom du Roi et feuille de laurier en argent, signé par le Premier ministre C. R. Attlee ;
– le 10 novembre 1947, à Rennes, une plaque de marbre était posée sur la maison du meurtre (Café de l’Époque) portant ces mots :

Ici est tombé glorieusement pour la France
le 11 octobre 1943, Jean-Claude CAMORS
Chef du réseau Bordeaux-Loupiac
Compagnon de la Libération
Ses compagnons reconnaissants

Le 18 novembre 1951, une plaque était posée à Paris, 6, rue François-Mouthon, sur la maison qu’il habitait.

Cette plaque associe à sa mémoire celle de son frère, le capitaine Paul Camors, qui, après avoir participé aux combats de la Libération, dans les rangs de la 9e D.I.C., est mort glorieusement pour la France, le 1er février 1946, dans une embuscade au col de Loukkel (Annam).

Le général de Larminat, président de l’Association des Français Libres, était représenté à cette cérémonie par le général Flipo.

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 43, décembre 1951.