Les marins cavaliers garde-côtes
En 1941, après le rapatriement des troupes vichystes, il ne restait plus au Levant que quelques marins sans officiers et sans navires. La marine française allait-elle disparaître de ces pays où, de tout temps, elle occupa une place fort importante ? Allait-elle être remplacée par la Royal Navy? Le rôle du capitaine de Frégate Kolb- Bernard, nouveau commandant de la marine au Levant, désigné par l’amiral Muselier, semblait devoir se limiter à maintenir la liaison avec la Royal Navy. Cette solution aurait peut-être été adoptée par beaucoup parce que facile ; elle ne le fut pas par le commandant Kolb-Bernard. En vrai Free French, il prit la responsabilité formidable de s’engager vis-à-vis des autorités britanniques à assurer la défense des côtes de Syrie et du Liban. Il comprit que dans ces pays, plus que dans n’importe quel autre, la marine incarne la France aux yeux des populations.
L’Amirauté française de Londres ne pouvant lui envoyer de personnel, il décida qu’il se débrouillerait par les moyens du bord.
Il fit appel à des officiers de marine de réserve appartenant à la Compagnie du Canal de Suez, auxquels vinrent s’ajouter quelques éléments du 2e bataillon de fusiliers marins. Les cadres étant constitués, il fit appel au recrutement local ; des centaines de jeunes Libanais et Syriens accoururent pour s’engager. Soumis à un entraînement intensif, ils constituèrent rapidement une troupe d’élite sur laquelle le commandement pouvait compter. Trois mois environ après sa prise de commandement, le capitaine de frégate Kolb-Bernard avait, en partant de rien, réussi ce tour de force d’assurer d’une façon effective la défense de tout le littoral de Syrie et du Liban.
Pour la surveillance et la défense de certaines régions côtières. chaotiques et impraticables aux chars, il fut créé une nouvelle spécialité, celle de Cavalier-Garde-Côte. Deux escadrons furent formés, l’un fut affecté au secteur nord (Lattaquié), l’autre au secteur sud (Saïda). Ces « escadrons de la marine » rendirent les plus grands services tout spécialement dans des missions de liaison entre les différents postes de guet qui jalonnaient la côte. La création de ce corps de marins à cheval fut, comme on peut s’en douter, l’objet de nombreuses plaisanteries et même de la part de certains, de critiques sévères, N’était-ce pas empiéter sur le domaine de l’armée ? Mais peu importe. les F.N.F.L. avaient à assumer la lourde charge des côtes, aucun préjugé ne devait les arrêter.
Henri Langlois
Extrait de la Revue de la France Libre, numéro spécial, 18 juin 1951.