L’expédition « Menace »

L’expédition « Menace »

L’expédition « Menace »

Les armes se forgent
Premiers combats, premiers sacrifices

La première formation française libre constituée dans l’armée de terre avec les éléments regroupés en Grande-Bretagne le fut en vue de l’opération sur Dakar, ce qui la mena d’abord au Cameroun et en A.E.F., d’où elle repartit vers l’Érythrée pour ensuite, par la Syrie, Bir-Hakeim, El-Alamein, la Tunisie, la Provence, les Vosges, l’Alsace, l’Authion, arriver au terme, le défilé sous l’arc de triomphe, sous le nom de 1re division française libre.

Cette première formation, embryon de tant d’aventures et tant de gloire, avait été baptisée « Expédition Menace ». Nous publions les souvenirs de l’un de ses membres sur sa genèse.

*

Le 16 juillet le bataillon de Légion arrive de Liverpool par voie ferrée à Farnborough. Le débarquement du train est habilement compliqué d’une notion théorique de danger aérien. Les officiers s’agitent pour faire débarquer le bataillon, ses armes et ses bagages pendant que les légionnaires, jouant le jeu, s’efforçant de demeurer introuvables au moment des corvées. Le jeu de puzzle terminé que le bataillon traverse Farnborough.

Les Français libres sont rassemblés aux baraquements de Morval et Delville. Depuis le 11 juillet des chasseurs, artilleurs, sapeurs et infirmiers y vivent sous les ordres du commandant de Conchard. Les légionnaires arrivent à leur tour. Ces baraquements offrent tout le confort que l’on peut souhaiter pour des troupes au repos : douches et baignoires avec eau chaude, théâtre, salles de séchage des vêtements, cantines.

Nous sommes immédiatement livrés aux inventaires et inspections. Effets, literie, armes sont inspectés ; l’officier des détails, le lieutenant de Sairigné dresse la comptabilité.

L’instruction sévit aussitôt à un rythme accéléré.

Une longue note sur les « bases de l’instruction de la troupe » du colonel commandant la brigade aiguillonnait encore les cadres. Elle leur prescrivait d’agir vite et bien sans souci du manque de moyens.

Éducation du réflexe, élévation du moral, organisation des unités « entièrement portées sur véhicules automobiles » tout était étudié avec minutie, des citations de mémoire de Chevreul ou de ce bon Ardant du Picq étayaient le texte.

Tout était prévu, même l’entraînement à la marche dans la campagne anglaise.

Le fameux « catéchisme de combat » prenait forme avec, en liminaire, les enseignements de Picq. « Le cœur est le point de départ de toutes choses de la guerre… etc. » (Citation de mémoire).

Nous nous penchions avec cœur sur ces fortes pensées :

Question – L’homme et le chef ont donc peur ?

Réponse – Oui « l’homme combat, non pour la lutte, mais pour la victoire, il est corps et âme, chair et os, et si forte souvent que soit l’âme… »

Justement ce jour-là, Hitler offrait la paix à l’Angleterre en vainqueur et non en vaincu. Il devait manquer de cœur « point de départ de toutes choses dans la guerre ».

Il ajoutait méchamment : une des deux nations périra, l’Angleterre sera réduite en cendres.

Le lendemain le Canada ripostait : « notre réponse sera portée par nos bombardiers ». C’était homérique.

À côté de cela, nos préoccupations familiales, nos pauvres soucis humains étaient peu de chose et n’intéressaient personne.

Et la 14e demi-brigade prenait forme car nous portions le numéro 14.

L’instruction continuait, même pas interrompue pour l’inspection que le général de Gaulle passait le 19 juillet au camp.

Nos rapports avec les Polonais se faisaient uniquement par désertions. De temps à autre un légionnaire filait, parfois, lassé des prières quotidiennes ou des messes obligatoires, il rentrait. Nous avions par les journaux des nouvelles de leur brigade d’Écosse des « vainqueurs de Narwick ». La radio donnait également ce titre à Dietl à qui Hitler avait remis la couronne de feuilles de chênes et l’assurance d’être auréolé de gloire dans l’avenir.

Nos entraînements à la marche nous permettaient de voir l’Angleterre se fortifier à vue d’œil, des blockhaus – de briques – se montaient à chaque carrefour. Parfois sur notre route un boqueteau abritait une section de chars Valentine.

Le 25 juillet, les fusiliers marins apparurent au camp, peu après l’arrivée d’une centaine de jeunes. Le lieutenant de vaisseau Détroyat commande les « demoiselles aux pompons rouges » et leurs premiers pas dans la « biffe » sont facilités par quelques instructeurs prêtés par la Légion.

Ils portent la nouvelle tenue, battle-dress avec écussons français, galons à l’épaule et l’inscription « France Libre » cousue à la manche gauche.

Il serait fastidieux de reprendre jour après jour la chronologie de nos activités. Durant les derniers jours de juillet nous défilons devant le général Johnston, commandant la région d’Aldershot puis pour des journalistes. C’est le chef d’état-major de la brigade, le commandant Koenig, qui présente les troupes.

Après la perception des camionnettes, des antichars, des canons de 75, deux exercices, l’un de cadres sur le terrain, puis le même avec troupes, devant le général Dory, inspecteur des forces étrangères en Grande-Bretagne, qu’accompagne le général de Gaulle, consacrent nos aptitudes de motorisés.

Dans cette même période notre instruction se complète de cours d’anglais ou de conférences. Mauvais élèves, nous y dormons parfois.

La radio pendant ce temps nous apporte la sollicitude du bon maréchal qui s’intéresse à nos misérables personnes au point de vouloir nous appliquer la peine de mort ; il joint à l’effet rétroactif de cette mesure la promesse d’une exécution après guerre. Le même jour la nouvelle de la participation des Français libres à un bombardement sur l’Allemagne a dû l’assurer de notre diabolique persévérance.

La B.B.C., grâce au lieutenant Lapie, porte aux Français un reportage de la victoire française de Narwick. L’histoire nous convient. Témoignage vécu, elle se termine comme suit « Sur la place de Narwick, il poussait une rose. On fit fonctionner le jet d’eau. Près du port, les murs calcinés sentaient le cadavre froid et l’incendie ». Brrr !

Le dernier soir de juillet, l’orchestre du Royal Artillery nous joue des airs de « l’Auberge du Cheval Blanc ». « Rêve passe », etc. Nous avons ainsi plusieurs fois par semaine l’occasion de nous détendre. Spectacles de variétés, orchestres, concerts, font partie de la vie du camp. Ces délassements sont du meilleur goût et de réelle qualité.

Les renforts continuent d’arriver. De jeunes fusiliers marins, beaux types de jeunes Français aux regards décidés – au nombre de 193 – arrivent le 1er août. Le lendemain ce sont deux jeunes officiers les lieutenants Simon et Messmer, de la coloniale, qui rejoignent la Légion.

Voici résumée leur odyssée qui mériterait d’être contée en détail par quelqu’un de plus compétent que moi.

En stage d’observation aérienne ils se sont échappés au moment où leurs camarades se laissent enfermer en camp de concentration sous la surveillance de la maréchaussée. Ils ont depuis travaillé comme dockers à Marseille, puis comme matelots sur le Capo Olmo. Leur bateau a rejoint Gibraltar après avoir simulé une panne pour fuir le convoi et les escorteurs qui les entraînaient en Afrique.

Présenté au capitaine Amilakvari, le lieutenant Simon arrive juste pour recevoir dans les jambes le légionnaire Cacovarscu, évacué en vol plané du bureau du capitaine qu’il assaille de réclamations sur sa croix de guerre ou ses galons de caporal.

La physionomie du séjour sera complète lorsque j’aurai mentionné les visites des officiers de Londres, Rennepont et Lapie, ou celles des Canadiens nos voisins. Ces derniers colportent de savoureuses histoires dont nos alliés anglais font les frais. Nous cherchons à limiter ces racontars peu souhaitables, d’autant qu’ils s’accompagnent d’une chasse bien payée aux souvenirs : armes, effets, poignards allemands et norvégiens.

Mais quelque chose paraît changé. L’instruction progresse et des tirs aux armes automatiques ont lieu. Le général Winkfield ouvre toute une série de visites, M. et Mme Bellanger offrent aux deux camps des pavillons français, enfin une Altesse Royale nous passe en revue.

Le duc de Connaught, âgé de 93 ans, passe en voiture devant nous. C’est le fils de la Reine Victoria, filleul de Wellington. Il porte à sa poitrine un insigne de chasseurs alpins et les galons de caporal honoraire de ce bataillon.

L’intérêt de ces inspections s’agrémente d’une série de piqûres, c’est la fièvre jaune qui nous est inoculée en dernier.

Heureusement, pour nous distraire, le colonel crée une tradition ; la commémoration de l’attaque de Bjerwik et l’appel des morts.

Pour ses débuts, le 13 août, la cérémonie manque mal tourner. Un catafalque a été dressé la veille. Une discussion s’élève, le colonel désire voir le cercueil drapé du pavillon à croix gammée enlevé à Narwick. Les grands chefs étaient jadis ensevelis dans les drapeaux pris à l’ennemi. Enfin, il cède, le drapeau à croix gammée ne servira que de descente de lit au cercueil…

Les troupes sont rassemblées sur le Parade Ground avec une savante avance. Toutes les unités sont là, au complet face à un autel où l’aumônier catholique dira la messe. Pour satisfaire tout le monde, deux aumôniers, l’un protestant l’autre israélite, diront des prières rituelles sur deux estrades dressées de part et d’autre de l’autel.

Après une longue attente, les aumôniers commencent les prières. Le colonel paraît enfin, pénètre lentement sur le front des compagnies. Les officiers ne savent pas s’ils doivent rendre les honneurs. Il les arrête d’un geste sec de son stick. Il a raté son entrée, on le sent plein d’une fureur contenue lorsqu’il gagne sa place de bataille.

Prières et office terminés, l’appel des morts a lieu.

Une allocution vibrante du colonel nous rappelle que la Légion est immortelle grâce à ses sacrifices.

Nous défilons. Mais quelle engu… ont pris les pasteurs !

À côté de ce début de journée, le passage du « Grand Charles » passe inaperçu, il vient inspecter d’autres unités du camp, « susceptibles de partir prochainement ». Dans celles-ci figurent la compagnie Durif, dite franche, où s’assemblent des Français de toutes races, tirailleurs, spahis, etc., etc.

Le moral est très haut, nous savons que nous appartenons à un corps expéditionnaire « pôle de ralliement du reste de l’empire » qui doit partir pour les territoires ralliés. Nous commencions à être jaloux de nos aviateurs et marins qui avaient déjà pris le contact de l’ennemi. Le Courbet et le Savorgan de Brazza avaient déjà abattu trois avions allemands.

Le commandant Koenig est en mission à Londres, remplacé à l’état-major de la brigade par le chef de bataillon Reynier, seul échappé de l’état-major de la Xe armée.

Le cinéma vient filmer nos manœuvres. Est-ce pour créer l’atmosphère que, ce jour-là, huit bombardiers nazis nous survolent pour bombarder un peu plus loin ; sifflements des bombes, explosions, quelques gerbes de terre : spectacle de guerre dans une atmosphère de départ colonial.

Le 15 août paraît le premier bulletin officiel de la France Libre. Il mentionne la reconnaissance du général de Gaulle par le gouvernement britannique et publie après le premier appel du 18-Juin, les termes de l’accord franco-britannique. Le statut des Forces françaises libres y figure ensuite.

Le corps expéditionnaire prend forme : inspections d’effectifs, échange d’excédents de personnel entre train et chars.

Le colonel intensifie ses interventions. Il arbore maintenant devant son P.C. un magnifique fanion bleu qui porte harmonieusement, répartis dans un grand écusson, les insignes brodés de toutes les armes représentées dans la brigade ; et il y en a. Tous les corps de troupes français figurent à l’inventaire. Au verso une devise, celle de la Maison d’Orange : « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer ». Le programme manque d’optimisme.

Les tenues tropicales sont distribuées. Cette fois-ci nous savons. Nous participerons à une opération « Menace » ou « Sapin ».

Artillerie, chars, groupes de transport, compagnie franche, fusiliers marins et Légion en font partie.
Déjà un détachement précurseur s’en va sous les ordres du lieutenant Langlois.

Une vingtaine d’« apatrides », Polonais de Belgique, viennent s’enrôler : tout est prêt.

Un dégagement a lieu dans les deux camps. Whisky à la Légion, sauterie chez les chasseurs. Mais un sous-officier de Légion, le sergent-chef Hubert est écrasé par la chaufferette du colonel. Je consacre mon temps à l’enquête, l’achat du cercueil et à l’enterrement du pauvre diable.

C’est le deuxième légionnaire que nous perdons en Angleterre, l’autre est la victime d’une crise de folie de son voisin qui l’égorge une belle nuit.

Nous avons à peine le temps de mettre en terre ce pauvre sous-officier que nous devons participer à l’affolement général qui a saisi nos camps.

Nettoyages, constructions d’emplacements de D.C.A., inspections de tenue, tout le grand jeu est sorti pour la revue d’un « officier général britannique ». L’affaire est d’importance puisque les détails de la cérémonie sont fixés par le général de Gaulle lui-même.

L’officier général est le roi George VI en personne. À cette revue et au défilé, chasseurs, conducteurs du train, artilleurs, sapeurs, marins, élèves-officiers et légionnaires consacrent toute leur ardeur. Ils ont à coeur de se montrer dignes de la France.

Naturellement la presse nous consacre des articles élogieux. D’ailleurs la discipline a ressoudé nos rangs, c’est à peine si quelques légionnaires manifestent un peu d’esprit d’indépendance en arborant en ville à l’insu des officiers l’insigne d’un régiment de hussards anglais. Leur choix s’est ainsi porté sur une tête de mort avec deux tibias croisés qu’illustre la devise : « la mort ou la gloire ».

Les affaires sont mises en sacs ou en caisses. Le lieutenant de Sairigné fait peindre des graffiti cabalistiques sur chacun. P.E.R. – M.X.1 où M.X.2.

Une dernière inspection du Field Marshall Gort qui remet la médaille militaire à l’adjudant-chef Vineraq et à un légionnaire, et nous sommes prêts à partir.

Nous relisons les commentaires du directeur du Daily Mail sur nos unités. Il a courtoisement soumis son article au colonel (1) :

« Mon Colonel, je serais très content si vous pouvez lire ce petit article sur 14e demi-brigade, que j’ai écrit après mon visite avant-hier et me donner permission de le publier dans le Daily Mail (si vous êtes gentil). Même après vous me donnez permission, il me faut l’envoyer au ministère d’Information à cause de sécurité. Mais j’espère que vous penserez qu’il n’est pas mal.

«Veuillez croire, Mon Colonel, à mes sentiments les plus distingués. »

« Charles Graves »

C’est le 3 août que nous quittons Farnborough à minuit.

L’embarquement a lieu à Liverpool sur deux bâtiments hollandais Penland et Westerland.

Notre dernière nuit sera saluée par une alerte aux avions. Les projecteurs s’allument, des bombes tombent allumant des incendies. La D.C.A. tire. Un maladroit même s’amuse à lâcher sa traînée de bombes dans la Mersey dont l’eau jaillit. Puis tout se calme, le silence renaît.

Nous savons où nous allons, tout le monde, paraît-il, en parlait à Londres. Nous ne sommes pas les seuls à le savoir, la radio allemande a annoncé le départ du général de Gaulle pour l’Afrique où il sera reçu comme il convient.

Demain à l’aube…

«Un de la Treizième Demi »

*

Et voici l’article du Daily Mail dont il est question plus haut :

« Il n’est pas étonnant que Sa Majesté ait été impressionnée par le détachement de Légion étrangère et les unités françaises libres qu’elle inspecta hier ou avant-hier. Je viens moi-même d’aller les voir et les légionnaires, en particulier, m’ont paru de rudes soldats à l’allure dégagée. Depuis qu’ils ont pris Wick ils portent au lieu du pantalon blanc qu’ils avaient au Maroc, des socquettes blanches roulées sur leurs brodequins. Pour coiffure ils portent le béret kaki.

«Ce qui leur a surtout plu est d’avoir ajouté la Norvège aux autres noms de victoire qui ornaient leurs drapeaux et dont la liste comprend déjà le Mexique, Archangelsk, Madagascar, Sébastopol, le Tonkin, l’Espagne sans compter la Syrie, le Maroc, la France, les Flandres et l’Algérie.

« J’ai vu pour la dernière fois la Légion dans les Vosges, je l’avais déjà vue à Fez. Aujourd’hui comme alors, ils comptent toutes les nationalités du monde dans leurs rangs. Je parlai à huit légionnaires qui comprenaient un Luxembourgeois, deux Italiens, deux Grecs, un Polonais, un Belge et un Hongrois. Parmi les officiers de leur détachement on voit deux Russes, un Hollandais, un Belge, un Suisse, un Norvégien, un Italien, un Hongrois, un Suédois et un Irlandais. Celui-ci porte le nom fameux de Dillon, c’est l’arrière-petit-fils du Dillon qui leva un régiment d’Irlandais pour Napoléon.

« Le colonel, qui est Français, a quatre rangs de décorations et pas moins de dix palmes à sa croix de guerre.

« Les légionnaires se sont confortablement installés dans leur village et leur présence révolutionne les filles du pays.

« Il n’y a que deux choses qui les tracassent : la première est que les anciens perçoivent la même solde journalière, une demi-couronne, que les jeunes (un légionnaire grec de 28 ans de service à la Légion avait six francs cinquante par jour alors que le jeune recevait un franc. C’est navrant de voir que puisque l’armée française a différents barèmes d’ancienneté pour ses soldats, comme pour les officiers et les sous-officiers, on n’ait pu maintenir cette différenciation ici). L’autre point sombre est que malgré leur peu d’argent ils ne puissent envoyer quelques shillings à leurs familles dans la gêne à l’étranger, en particulier au Maroc et en Algérie, mais ils tombent sous le coup de la règle commune relative à l’exportation de capitaux. Il est dommage qu’une exception ne puisse être faite pour eux, la somme globale serait si petite !

«À part cela, je répète que les hommes sont heureux et ne donnent aucun signe de « cafard », cette étrange nostalgie qui les prend parfois en Afrique. Il est exact que quelques Espagnols ont quitté le camp pour se rendre dans le Nord mais tous les officiers et les hommes sont furieux que le parlementaire qui a soulevé débat à la Chambre des Communes ait encouragé leur absence illégale. Ils trouvent que cela n’est pas admissible et personne ne peut les en blâmer.

« Les officiers britanniques apprendront avec intérêt que les officiers de Légion, même très bons amis, ne s’interpellent jamais par leurs prénoms. Parfois, il est vrai un officier voit son nom trop long abrégé. Mais c’est tout. Un autre point de leur stricte discipline : les sous-lieutenants saluent les lieutenants, les capitaines jeunes saluent les capitaines plus anciens à chaque rencontre.

« En passant un détail, l’insigne de grade ou d’ancienneté est porté au battle-dress en dessous du premier bouton. Beaucoup de légionnaires se débrouillent rapidement en anglais et commencent à préférer le tabac anglais aux cigarettes françaises.

« Leur conduite est exemplaire, sans aucun rapport avec les histoires horrifiques que nous pouvions lire sur eux. Si l’un d’entre vous ne le croit pas, sachez que même quatre pintes de bière ne font aucun effet à un légionnaire et que sa paie ne lui permet pas de donner dans le whisky, sinon par petites gorgées.

« Autre remarque que l’on peut faire : ils marchent à une cadence légèrement moins rapide que les troupes britanniques et par conséquent bien plus lente que les autres troupes françaises. C’est un pas lent et posé très particulier surtout quand joue la marche de la Légion : « Le Boudin ».

« Oui, c’est vraiment une partie de la France en Angleterre. Lorsque je déjeunai au mess des officiers il y avait des bouteilles de vin d’Algérie sur toutes les tables et au menu : entrée, omelette, beefsteack grillé, chou-fleur gratiné, salade, fruits, café.

«Tous les commandements se font, naturellement, en français y compris chez les conductrices du Mechanised Transport Corps qui appartiennent à la fameuse ambulance Hadfield-Spears qui servit avec la VIe armée française et qui fut la dernière formation féminine britannique à quitter la France ».

 

(1) Article reproduit à la suite de la relation.

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 29, juin 1950.