La journée du 18 juin 1940…

La journée du 18 juin 1940…

Au soir du 16 juin 1940, Paul Reynaud, président du Conseil, démissionne et le maréchal Pétain, partisan de l’armistice avec l’Allemagne, est nommé à la tête du gouvernement.
Le lendemain, le général de Gaulle s’envole pour Londres. Encouragé par le Premier ministre britannique, Winston Churchill, il décide en réaction à la demande d’armistice de Pétain, de rédiger un discours refusant la défaite et appelant à la poursuite du combat. Ce discours est prononcé à la radio de Londres le soir du 18 juin 1940.
Cette journée du 18 juin 1940, que l’Appel a fait entrer dans l’histoire, a suscité de nombreux témoignages. Acteurs principaux, Charles de Gaulle et Winston Churchill l’évoquent dans leurs mémoires. Il en est de même du major général Spears, officier de liaison du Premier ministre britannique auprès du gouvernement français. Par ailleurs, plus proche collaborateur et officier d’ordonnance du général de Gaulle, le lieutenant de Courcel en laisse un récit précieux que complètent les témoignages d’Elisabeth de Miribel, secrétaire du général, Patrick Smith, reporter à la B.B.C., Elisabeth Barker, assistante à la BBC, et Jean Marin, journaliste.

…vue par le général de Gaulle

Le document

Le général de Gaulle rédige ses Mémoires de guerre entre 1953 et 1958.
Cet ouvrage paraît en trois volumes aux éditions Plon en 1954, 1956, et 1959 :
L’Appel, 1940-1942
L’Unité, 1942-1944
Le Salut, 1944-1946
Le texte présenté est issu du premier tome.

Extrait des mémoires
Charles de Gaulle, Mémoires de Guerre, tome I L’Appel, 1940-1942, Plon, 1954

La première chose à faire était de hisser les couleurs. La radio s’offrait pour cela. Dès l’après-midi du 17 juin, j’exposai mes intentions à M.Winston Churchill. Naufragé de la désolation sur les rivages de l’Angleterre, qu’aurais-je pu faire sans son concours? Il me le donna tout de suite et mit, pour commencer, la BBC à ma disposition. Nous convînmes que je l’utiliserais lorsque le gouvernement Pétain aurait demandé l’armistice. Or, dans la soirée même, on apprit qu’il l’avait fait. Le lendemain, à 18 heures, je lus au micro le texte que l’on connaît. à mesure que s’envolaient les mots irrévocables, je sentais en moi-même se terminer une vie, celle que j’avais menée dans le cadre d’une France solide et d’une indivisible armée. à quarante-neuf ans, j’entrais dans l’aventure, comme un homme que le destin jetait hors de toutes les séries.

…vue par son officier d’ordonnance

chodron_de_courcel_de_gaulleL’auteur

Né à Tours le 11 septembre 1912, dans une famille d’officiers de carrière, le sous-lieutenant Geoffroy Chodron de Courcel entre dans une carrière de diplomate, lorsqu’éclate la guerre en septembre 1939.

D’abord affecté sur le théâtre d’opérations de Méditerranée orientale, il est nommé, le 7 juin 1940, officier d’ordonnance du général de Gaulle. Dix jours plus tard, il le suit volontairement à Londres.

Le document

Le témoignage de Geoffroy de Courcel paraît en 1971 dans le n° 9 de la revue En ce temps là de Gaulle.
Il est également publié en 1993 dans le n° 281 de la Revue de la France Libre.

Témoignage
Geoffroy de Courcel, « Le Récit du premier « compagnon » », Revue de la France Libre, n° 281, 1er trimestre 1993

Nous arrivâmes à Londres à midi, le 17, et, après un rapide déjeuner avec le général Spears au Royal Automobile Club, le Général s’installa dans un studio de Seymour Place, qui lui avait été prêté par Jean Laurent, directeur civil de son cabinet.
L’après-midi, il rencontra aussitôt Churchill pour lui exposer ses intentions.
Le général de Gaulle n’avait rencontré Churchill que trois ou quatre fois, mais les deux hommes s’étaient compris: ils avaient tous les deux la même vision de la guerre, et un certain romantisme de l’action. L’idée d’un appel diffusé par la BBC fut immédiatement envisagée, mais le Général ne voulait pas faire appel à des volontaires tant que des troupes françaises continuaient à se battre en France. Nous ignorions encore que le maréchal Pétain avait déjà demandé l’armistice.
Le soir, alors que nous dînions avec Jean Monnet et René Pleven, le Général qui venait d’apprendre la demande d’armistice annonça son intention de lancer un appel le lendemain à la BBC et en exposa les thèmes. Il expliqua longuement pourquoi Pétain avait formé le Gouvernement de l’armistice et comment celui-ci serait de plus en plus entraîné vers la trahison.
Il passa la majeure partie de la journée du 18 à rédiger son appel, écrivant, raturant, recommençant, s’interrompant de temps à autre pour fumer une cigarette ou pour exposer, pensant tout haut devant moi, comment il voyait l’avenir de la guerre après l’effondrement de la France et la décision britannique de poursuivre le combat.
J’avais réussi à joindre, dans l’une des missions françaises à Londres, une amie personnelle, Elisabeth de Miribel, qui vint taper le manuscrit de l’appel, d’un doigt, laborieusement.
En cet après-midi du 18, nous étions, elle et moi, le «cabinet» du Général…
à 18 heures 30, le général de Gaulle se rendit à Broadcasting House où l’attendaient le Directeur de la BBC et le général Spears. Une assistante, Mrs. Barker, le conduisit au studio, et nous l’écoutâmes, en direct, sur le récepteur du directeur.
Il est difficile de décrire l’émotion que j’éprouvais en écoutant cet appel, dont je sentais bien qu’il était le début d’une grande entreprise.
Quelques volontaires se présentèrent au petit appartement de Seymour Place dès le lendemain, peu nombreux, car ce premier appel n’avait pas été entendu par beaucoup.
Je me rappelle avoir ouvert moi-même la porte, le 19 juin, au premier d’entre eux. C’était un mécanicien d’Hispano-Suiza qui venait s’engager dans l’aviation. J’ai ouvert devant lui un modeste registre, où j’ai inscrit son nom et son adresse. J’ignore ce qu’il est devenu. Je ne sais seulement qu’il fut le premier d’une longue liste…
Ainsi s’ouvrit la période la plus exaltante de ma vie. J’étais jeune, j’avais la volonté de combattre, et j’avais trouvé auprès de ce général que je connaissais à peine une chance inespérée de répondre à ce désir en même temps que de surmonter l’immense désarroi que j’éprouvais devant les malheurs qui accablaient mon pays.

…vue par sa secrétaire

elisabeth_de_miribelL’auteur

Née le 19 août 1915 à Commercy, Elisabeth de Miribel s’engage au ministère des affaires étrangères lors de la déclaration de guerre. En poste à Londres à la mission française de guerre économique dirigée par Paul Morand, elle reçoit un appel de Geoffroy de Courcel, un ami.

Le document

Elisabeth de Miribel, publie ses mémoires chez Plon en 1981: La liberté souffre violence.

Extrait des mémoires
Elisabeth de Miribel, La Liberté souffre violence, Plon, 1981

Dans l’après-midi du 17 juin 1940, le coup de téléphone que j’espérais secrètement m’a convoqué pour le lendemain matin à Seymour place, dans un petit appartement donnant sur Hyde Park dont Jean Laurent avait remis les clés au général de Gaulle. […] Je me suis retrouvée devant une machine à écrire, alors que je tapais fort mal, et devant des feuilles manuscrites très difficiles à déchiffrer.

J’étais installée dans une chambre, à côté de la salle à manger. Le Général s’est absenté une partie de la matinée. Il est sorti pour déjeuner. Mon vrai travail a commencé vers trois heures. Je m’applique laborieusement à lire un texte finement écrit et surchargé de ratures. Je dois le recopier, au propre, à la machine. Pour gagner du temps, Geoffroy de Courcel m’en dicte des passages. Il emporte, au fur et à mesure, les feuillets dactylographiés pour les soumettre au Général. […] Ces mots vont constituer une page d’histoire. Je ne le sais pas encore. Pourtant j’ai l’obscur pressentiment de participer à un événement exceptionnel. Seul Geoffroy de Courcel, qui a suivi, pas à pas, les démarches de la journée peut mesurer la portée de ce message. L’heure passe. Le temps presse. Il sera bientôt six heures du soir. Ma tâche est terminée. Le Général fait appeler un taxi pour se rendre à la BBC avec Courcel. Ils me déposent en chemin devant ma porte, à Brompton square. Il fait encore clair, c’est la fin d’une belle journée. Je monte préparer mon dîner. Pendant ce temps, des paroles irrévocables s’envolent vers la France.

Je n’ai pas entendu l’appel ce soir-là!

Questionnaire

La journée historique du 18 juin

1. Qui est l’auteur de chacun des documents?
2. À quelle catégorie d’ouvrages appartiennent ces documents et quand sont-ils parus?
3. Quelle description chacun offre-t-il de la journée du 18 juin 1940?
4. Quel portrait chacun dresse-t-il du général de Gaulle et de sa situation le 18 juin 1940?

< L'homme du 18 juin
> Le refus de la défaite