Sidi Hanneish
Les extraordinaires résultats obtenus par les raids du Special Air Service (SAS), attaquant les aérodromes de la Luftwaffe par surprise, de nuit, avaient amené le commandement allemand à prendre des mesures de précaution allant en s’amplifiant jusqu’à prévoir pratiquement une sentinelle au pied de chaque avion.
Ne pouvant plus profiter de la surprise, le major David Stirling, commandant du SAS eut l’idée d’un autre type d’intervention. Il imagina de joindre à l’indispensable surprise une force inattendue. Dans ce but, il dote son unité de jeeps, d’un maniement facile et capable de manœuvrer en tout terrain, de mitrailleuses d’aviation Vickers à tir rapide, souvent jumelées et de mitrailleuses lourdes type Browning. Par ailleurs, chaque voiture est aménagée afin de transporter avec un équipage de 3 voire 4 hommes dont le chauffeur, des réserves importantes de carburant et d’eau indispensables, compte tenu des longueurs de trajet à prévoir.
Le premier objectif choisi est l’aérodrome de Sidi Hanneish. La décision a été prise de l’attaquer dans la nuit du 26 au 27 juillet à une heure du matin. L’itinéraire prévoit, partant de l’oasis de Siwa aux confins du désert libyen, à 250 kilomètres, en roulant de nuit, de rejoindre d’abord la base secrète n° 2 située à seulement 75 kilomètres de l’objectif, pour le ravitaillement et le contrôle des voitures, avant leur dernier parcours.
Pour mener à bien l’opération, David Stirling a prévu 18 jeeps. Trois des équipages sont français, aux ordres du lieutenant Augustin Jordan, commandant le French Squadron depuis la capture de Bergé, de l’aspirant Martin et de l’aspirant Zirnheld. Traverser le désert, en utilisant les mêmes instruments que les navigateurs sur mer et en roulant de nuit n’est pas une entreprise facile, mais l’armada est conduite par un Rhodésien, Mike Sadler, venu du Long Range Desert Groupe (LRDG) où il avait une réputation d’infaillibilité. Il pilote la jeep de David Stirling.
La première partie du trajet a été facile et, à l’arrivée à la base n° 2, seuls quelques véhicules ont nécessité des réparations. Au coucher du soleil, le 25 juillet, les 18 jeeps partent pour les 75 kilomètres qui les séparent de l’aérodrome. Le début du parcours avec sable et zone caillouteuse n’est pas un obstacle à 40 kilomètres à l’heure, mais, à mi-chemin, le terrain est moins favorable et des éclaireurs doivent rechercher les meilleurs passages.
Sadler, parfait dans sa navigation, fait stopper la formation à deux kilomètres de l’objectif. David Stirling réunit ses équipages et ordonne aux jeeps d’adopter la formation de ligne frontale jusqu’à proximité du terrain. Le premier kilomètre venait juste d’être parcouru lorsqu’un avion se fit entendre, stoppant la progression de l’armada. Peu après, miracle, l’aérodrome éclairait sa piste, permettant de voir les avions de combat bien alignés, de chaque côté de la piste. L’éclairage disparut à la pose de l’appareil de liaison ennemi, mais jamais les SAS n’auraient pu espérer avoir une telle vision de leur objectif, juste avant son attaque. Il n’y avait plus à attendre et en formation de combat en U renversé, les jeeps arrivèrent au poste de garde aperçu au sud lors de l’illumination des lieux. Quelques salves des mitrailleuses de la voiture de tête le liquidèrent.
Pénétrant sur la piste et la remontant, la soixantaine de mitrailleuses, crachant leurs balles incendiaires et explosives, attaquèrent les appareils. Arrivé en bout de piste, David Stirling, debout sur sa jeep, constatant les dégâts ordonna : « Gentlemen, nous en avons laissé quelques uns, alors demi-tour et go ! ».
Le nouveau départ était amorcé, lorsqu’un obus fit sauter la jeep à la droite du chef des SAS, faisant un mort et deux blessés, immédiatement récupérés par un autre véhicule. Fonçant de toute la puissance de leurs moteurs en poursuivant leur mitraillage, les jeeps finirent leur travail, laissant 34 avions détruits ou en flammes. Repassant en trombe le poste de garde, elles retrouvèrent la nuit sécurisante.
Sadler à la manœuvre, il fallait, sachant que la traque serait acharnée, rouler le plus vite possible sans se perdre de vue et atteindre, avant l’aube, le lit d’un oued à sec offrant aux jeeps des caches naturelles très sûres, afin d’y attendre la nuit suivante pour retrouver la base n° 2.
De nuit sur un parcours tout terrain, à une vitesse soutenue, les risques de casses étaient grands. Alors qu’était abordée une zone plus accidentée, le châssis de la jeep de Zirnheld céda. Martin qui suivait, la prit en remorque, parvenant à l’aube à l’oued, mais encore loin des caches sûres. Une réparation de fortune ne tint pas. En trainant la voiture dans un lit plein d’obstacles rocheux, ils arrivèrent à un meilleur couvert. Le jour s’était levé, il fallait se camoufler jusqu’à la nuit, mais les lieux ne s’y prêtaient pas complètement.
Les avions d’observation partis à leur recherche scrutèrent tous les recoins qui leur semblaient propices et leurs jumelles confirmèrent une présence dans ces lieux. Peu après, un stuka s’acharnait à les mitrailler de toutes ses armes. André Zirnheld atteint de plusieurs balles, succombera en fin de journée à ses blessures. Son corps sera recouvert de pierres pour éviter qu’il ne soit dévoré par les chacals. Avant de repartir, dès la nuit venue, François Martin recueillit ses papiers où il découvrit une bouleversante prière, aujourd’hui encore chantée dans toutes les écoles de l’armée. Sans autre perte, une partie de l’armada avec David Stirling rejoignit la base 2, l’autre avec Paddy Mayne prit directement la route de Siwa.