Jacques Guéguen.
Les parcours d’évasion du Pourquoi Pas en juin et juillet 1940 (© Musée Maritime de Carantec).
Bateau de Jacques Guéguen avec adossé, au milieu, Jean-Louis Morvan, embarqué le 3 juillet 1940 (© Morvan).
Le sablier de Jacques Guéguen, le Pourquoi Pas.
Stèle en hommage à Jacques Guéguen (© Guéguen).
Jacques Guéguen, né le 4 novembre 1876 à Henvic (29), décédé le 31 octobre 1957 à Henvic (29).
Au Pont de la Corde, à Henvic, Jacques Guéguen, ancien marin et compagnon du commandant Charcot, veuf, en charge d’une famille nombreuse de sept enfants, souhaite se mettre à la disposition des militaires et des jeunes Bretons qui veulent rejoindre l’Angleterre.
Le 24 juin 1940, à bord de son sablier de 8,50 m dénommé Pourquoi Pas, Jacques Guéguen, avec l’aide de ses deux fils François et Francis, embarque huit passagers pour Jersey : ceux-ci rejoignent le 27 juin au matin le port de Southampton sur le cargo Hythe. Le jeune Yves Marzin d’Henvic, embarqué avec son jeune cousin, relate cette aventure dans son ouvrage « La Baraka d’un FFL 40 » (Stolvezen à Henvic).
Fin juin, un second et un troisième départ sont organisés à destination de Jersey ; mais pour ce troisième, l’île est occupée par les Allemands, rendant difficile à la fois le transfert vers l’Angleterre et le retour sur le Finistère. Dans la nuit du 3 juillet 1940, le Pourquoi Pas embarque 32 jeunes à destination de Falmouth qu’il atteint après plus de 30 heures de navigation dans des conditions difficiles : moteur noyé, gros temps et de nombreux malades. Ces 32 jeunes âgés en moyenne de 18 ans et demi, originaires à plus de 90 % du Finistère, s’engageront tous dans les Forces Françaises Libres.
Se sentant menacé, Jacques Guéguen réduit ses activités durant le second semestre. En janvier 1941, deux individus souhaitent partir pour l’Angleterre.
Comme il pressent que ce sont des espions allemands, il saborde les moteurs et rentre en dérivant jusqu’à la côte. Le 31 janvier, sur dénonciation, il est arrêté avec son fils Francis par la Gestapo et emprisonné. Il est condamné à deux ans de prison par le tribunal de Quimper. Il est libéré cinq mois plus tard pour des raisons de santé.
Il poursuit ses activités et initie des liaisons nocturnes clandestines avec l’Angleterre ; ainsi, le 11 septembre 1941, il réalise une première liaison connue avec les services secrets britanniques, le Secret Intelligence Service (SIS), au large de l’île de Batz : « Ce fut la première opération par vedette rapide vers la France en 13 mois », écrira Sir Brooks Richard dans Flotilles secrètes.
Début février 1942, les gendarmes de Taulé lui remettent l’avis de convocation lui ordonnant de se constituer prisonnier à la maison d’arrêt de Rennes le 14 février 1942 pour purger sa peine mais en même temps lui conseillent de rejoindre immédiatement l’Angleterre.
Ernest Sibiril, responsable du chantier naval de Carantec, prépare un cotre de pêche de 7,50 m, l’André, et le 10 février 1942, avec son plus jeune fils de 16 ans François, Jacques Guéguen, avec deux autres passagers et des courriers pour le SIS, rejoint l’Angleterre où il signe son engagement dans les FNFL en septembre 1942. Il rentre finalement en 1945 au Pont de la Corde.
C’est la première opération d’une aventure extraordinaire du réseau Sibiril qui a orchestré 15 traversées – toutes réussies – sur les côtes anglaises. Roger Huguen, dans son ouvrage, édité chez Coop Breizh, « Chantier d’évasions – réseau Sibiril – alliance » relate cet événement majeur de la résistance bretonne.
Jacques Guéguen décède chez lui, le 31 octobre 1957, à l’âge de 81 ans. À ses obsèques, toute la commune d’Henvic et tous ses amis sont là, maire et adjoints en tête. Le cortège funéraire est précédé par les drapeaux des anciens combattants de 14-18 et de 39-45 et suivi par M Caroff, maire et son conseil municipal ainsi que MM Morvan et Prigent des FFL.
Le 4 septembre 1966, une stèle à sa mémoire est inaugurée au pont de la Corde où enfin on rend hommage à « l’homme sans fortune dont la seule ambition fut de servir sans que l’idée lui soit venue de tirer de sa conduite le moindre bénéfice, la moindre reconnaissance ».
Passant souviens-toi !
Du personnage hors du commun, légendaire…
Jacques Guéguen a reçu la Légion d’honneur et la Croix de guerre avec étoile d’argent, la médaille d’honneur des Marins de la Fédération Nationale du Mérite Maritime, la médaille d’ancien combattant de la Marine nationale, la médaille du travail de la Marine Marchande et la médaille commémorative des FFL. Il a été également cité à l’Ordre de la division n° 167 par le général de division Allard, commandant la XIe Région Militaire le 22 novembre 1945.
Michel Morvan, président du Comité Bretagne Occidentale de l’Institut Français de la Mer.
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