L’école de la France libre
Créée à Londres sous l’autorité du général de Gaulle dans la foulée de l’appel du 18 juin 1940, la France libre se conçoit comme le seul gouvernement légitime de la France, face à Vichy. Dans ce cadre, le commissariat à la Justice et à l’Instruction publique, dirigé par René Cassin, crée en décembre 1941 des commissions d’étude chargées de réfléchir aux problèmes de l’après-guerre. Parmi elles, la commission présidée par Joseph Cathala œuvre de juillet 1942 à juillet 1943 à l’étude des problèmes intellectuels et de l’instruction.
Faisant le constat de la faillite des élites en 1940, la commission entend non seulement renouveler les corps intermédiaires à partir d’éléments issus des milieux populaires, mais supprimer leur rôle traditionnel de filtre pour lui substituer un lien direct entre le peuple et ses dirigeants. Ceci implique de permettre à tous les Français d’accéder à des études longues, au sein d’un enseignement secondaire unifié. De même, elle réclame un projet éducatif plus global, dont le but serait non seulement d’instruire, mais de former des caractères.
À la suite du débarquement anglo-américain du 8 novembre 1942, l’Afrique du Nord et l’Afrique occidentale française vichystes basculent dans le camp allié, sous le commandement de l’amiral Darlan, dauphin de Pétain, puis du général Giraud. Le 3 juin 1943, ce dernier s’entend avec de Gaulle, chef de la France libre, pour constituer à Alger le Comité français de la Libération nationale, qui unit la France au combat. Commissaire à l’Éducation nationale, René Capitant met en place une commission de réforme de l’enseignement, présidée par l’historien Marcel Durry. Composée essentiellement d’enseignants et de chercheurs, celle-ci travaille de mars à août 1944.
Allant au-delà du plan Zay de 1937, la commission Durry propose de poursuivre la démocratisation d’un enseignement secondaire désormais unifié, avec la suppression des écoles primaires supérieures et des « petites classes » primaires des lycées. À 12 ans, l’élève doit être orienté entre trois sections (classique, moderne et technique), sans qu’il soit établi entre elles de distinction hiérarchique ou matérielle ; des passerelles sont même envisagées afin de permettre de passer de l’une à l’autre. L’apprentissage demeure la voie privilégiée pour la majorité des élèves, mais un enseignement postscolaire obligatoire est prévu en leur faveur jusqu’à 18 ans. Parmi les matières enseignées, le français et les sciences sont appelés à supplanter les humanités classiques comme matières fondamentales. Les écoles normales sont rétablies, mais elles ne dispensent plus qu’une formation professionnelle, les futurs instituteurs ayant été dotés d’une formation intellectuelle dans les lycées.
Dans l’enseignement supérieur, un premier cycle commun a pour objectif l’acquisition d’une large culture générale par un nombre élargi d’étudiants, et les grandes écoles sont transformées en écoles professionnelles de deuxième cycle.
Bibliographie
Jean-François Muracciole, Les Enfants de la défaite : la Résistance, l’éducation et la culture, Presses de Sciences Po, 1998.
Jean-François Muracciole, « La résistance, l’éducation et la culture », Tréma, n° 12-13, 1997.
Jean-François Muracciole, « La résistance, l’éducation et la culture », Vingtième Siècle, revue d’histoire, n°58, avril-juin 1998, pages 100-110.
André Désiré Robert, « La commission Cathala et le modèle anglais, Londres 1942-1943 », Carrefours de l’éducation, 2016/1 (n° 41), pages 65 à 80.
< Retour à la page d’accueil du dossier
< Penser l’école de demain