Louis Gros

Louis Gros

Louis Gros

Photo d’identité de Louis Gros prise à Genève après la guerre (coll. SHD).

Louis Gros naît sous le nom de « Louis Goldeberger » le 9 septembre 1907 à Sighet (ou Sziget), dans le nord de la Transylvanie hongroise, actuellement Sighetu Marmației, en Roumanie. Il est le fils de Joseph Goldeberger et de Rose Weitz.

Le 15 août 1924, il arrive en France et travaille pendant deux ans dans un commerce tout en suivant des cours pour achever ses études secondaires. Sur le conseil du professeur Louis Eisenmann (1869-1937), spécialiste de l’Europe centrale, il passe en 1926 un examen spécial pour obtenir l’équivalence du baccalauréat, puis entreprend des études d’histoire à la Sorbonne. Naturalisé français le 6 mars 1929, conformément à la loi du 10 août 1927, avec des attestations de Louis Eisenmann et de Charles Seignobos (1854-1942), il est licencié en lettres, avec deux mentions, l’une « bien », l’autre « assez bien », et assure un remplacement au lycée Janson de Sailly en 1930.

Parallèlement à ses études, il mène une préparation militaire supérieure (PMS) de deux ans en 1928-1930. S’il peut signaler de bonnes notes en première année, il se montre moins assidu en 1929-1930 en raison de ses examens et la finit au classement dans la catégorie B. Le 28 juin 1930, le conseil de révision de la Seine lui octroie un sursis d’incorporation d’un an, mais il fait le choix d’y renoncer, le 1er octobre suivant. Incorporé au 31e bataillon de chasseurs à pied (31e BCP), à Mulhouse et Belfort, avec le grade de 2e classe à compter du 15 octobre, il arrive au corps sept jours plus tard. Promu caporal-chef le 20 mars 1931, il est alors nommé instructeur à l’École militaire préparatoire des Andelys et finit sa période le 15 octobre suivant comme sergent de réserve. De retour à la vie civile, il obtient le diplôme d’études supérieures en histoire, avec la mention honorable, en « tête de liste sur une centaine de candidats », grâce à un mémoire sur « Adrien de Lezay-Marnésia et la politique du consulat en Europe centrale » qu’il travaillait depuis 1928.

Professeur au lycée français de Prague (1932-1934), il fait une deuxième période militaire du 7 juillet au 27 août 1933 comme sous-officier interprète à la mission militaire française en Tchécoslovaquie. Inscrit en 1934 au concours de l’agrégation d’histoire, il l’abandonne au printemps 1935, « le ministère de l’I[nstruction] P[ublique] prétendant, pendant des mois, le soumettre aux dispositions d’une loi de juillet 1934 sur les naturalisés, malgré services militaires et civils antérieurs. Par la suite (en avril ou mai 1935), l’Instruction publique le titularise, eu égard à ses services à Prague (code métropolitain) ». La même année, sur le conseil du lieutenant-colonel Julien Flipo (1887-1974), chef d’état-major de la mission militaire à Prague, il passe le concours d’interprète stagiaire en roumain et en hongrois, ce qui lui vaut d’être nommé le 12 juillet 1935 au grade d’interprète stagiaire de réserve. Puis il assure, pendant trois semaines, en août-septembre 1936, une période volontaire de trois semaines à Strasbourg parmi les interprètes militaires.

De 1936 à 1939, Louis Gros mène des recherches pour le doctorat sur l’histoire de l’Europe centrale sous la direction de Louis Eisenmann, puis, après la mort de ce dernier, sous celle de Henri Hauser (1866-1946), d’André Mazon (1881-1967) et de Pierre Renouvin (1893-1974). S’étendant sur la Tchécoslovaquie, la Hongrie, l’Autriche et la Roumanie, celles-ci sont compliquées par la montée des tensions internationales. Sur le plan administratif, il est rattaché au CNRS comme boursier de recherches dans la section Sciences humaines.

Entre 1936 et 1938, il organise à Prague un cours de perfectionnement à destination des interprètes de réserve, préparé par la mission militaire. En août 1938, lors de la crise des Sudètes, il se rend à Prague, où il est mobilisé pendant une semaine. « Avec beaucoup d’autres Français », il se met à disposition du général Louis-Eugène Faucher (1874-1964), commandant de la mission militaire française, après que celui-ci eut présenté sa démission au gouvernement français, le 23 septembre 1938, « pour s’engager, le cas échéant, dans l’armée tchécoslovaque ».

En 1939, de retour en France, Louis Gros se met en rapport avec l’Association des officiers interprètes, suit des cours de perfectionnement et fait parvenir, par l’intermédiaire de l’association, divers renseignements au 2e Bureau de l’état-major des armées. Nommé sous-lieutenant interprète de réserve le 26 juillet 1939 et affecté le 31 à la région de Paris, il mène en août-septembre un voyage en Hongrie et en Roumanie, avec l’agrément et des instructions de l’état-major, et travaille comme officier de renseignement en Transylvanie durant le mois de septembre.

De retour en France en octobre, des démarches sont commencées afin d’obtenir sa titularisation comme maître de recherches, mais sans « effet pratique du fait de la mobilisation ». Rappelé sous les drapeaux le 13 novembre 1939, il est affecté à l’Office commun des traductions, au 2e Bureau de l’état-major. Grâce à son chef de service à l’Office, une étude sur la Hongrie, « Un État dans l’Espace vital : le Pangermanisme à la conquête de la Hongrie », rédigée en avril-juin 1939, paraît dans les Cahiers d’informations françaises au printemps 1940.

Mis à disposition du grand quartier général le 17 juin 1940, en pleine débâcle des armées françaises, Louis Gros part pour l’Angleterre et débarque à Plymouth le 25 juin. Les Britanniques l’envoient au camp de Trentham Park, où sont stationnées les troupes du corps expéditionnaire français de Norvège, mais il « déserte » et rejoint le général de Gaulle à Londres. Engagé le 28 juin 1940, il ne signe pas l’un des registres d’engagement provisoires en juillet, mais l’acte définitif d’engagement n° 81, série D, le 17 septembre 1940.

Au quartier général, il sert, avec le grade d’interprète lieutenant de réserve à compter du 1er août 1940, comme interprète du 28 juin 1940 au 1er février 1941. Affecté d’abord auprès du capitaine de Boislambert, il passe sous les ordres du capitaine Lapie et du commandant Hackin aux relations extérieures, puis du 2e Bureau du capitaine Dewavrin, alias « Passy ». En février 1941, il rejoint le secrétariat permanent du Conseil de défense de l’Empire, dirigé par René Cassin, où il est chargé de l’organisation du service d’Études et de documentation.

Le 1er octobre 1941, à la suite de la formation du Comité national français, il prend la direction du service de l’Instruction publique sous l’autorité de René Cassin, au sein du commissariat à la Justice et de l’Instruction publique. Nommé chef de bureau par arrêté du 29 octobre 1941, il passe chef de service le 25 avril 1942. Dans ces fonctions, il s’occupe d’une part de l’enseignement primaire et secondaire, de l’autre de l’enseignement supérieur et du rayonnement culturel, ainsi que des rapports avec le British Council et les centres intellectuels. Il assure également la gestion des crédits et du personnel du commissariat, de même que les recherches historiques et les liaisons avec l’Europe centrale, dont il est un spécialiste. En outre, il est le délégué français à la Commission de la langue auxiliaire, dite commission Bolkestein, à la Conférence interalliée des ministres de l’Éducation.

Nommé sous-directeur au commissariat à l’Information le 1er février 1944, il est envoyé en mission aux États-Unis le 1er juin et promu interprète capitaine de réserve le 25 juin 1945.

Démobilisé le 6 juillet 1946, il se retire à Londres. Administrateur civil au ministère de l’Éducation nationale, il est détaché au ministère des Affaires étrangères et travaille à l’Organisation des Nations Unies, à Genève.

Après un décret du 20 février 1952 paru au Journal officiel le 27, un jugement du tribunal civil de la Seine l’autorise, le 8 janvier 1954, à substituer à son patronyme celui de « Gros ».

Le 1er décembre 1955, il est promu interprète commandant de réserve et affecté le 1er décembre 1956 à l’état-major de la 1re région militaire à Paris.

Il est médaillé de la Résistance par décret du 31 mars 1947 et chevalier de la Légion d’honneur au titre de l’Éducation nationale par décret du 27 février 1954. De même, la médaille commémorative des services volontaires dans la France Libre lui est délivrée en date du 11 février 1958.

Bibliographie
René Cassin, Les hommes partis de rien : Le réveil de la France abattue (1940-1941), Paris, Plon, 1974.
Archives nationales, 382 AP 54, dossier « personnel du commissariat à la Justice et à l’Instruction publique », sous-dossier « Louis Gros ».
Archives nationales, 382 AP 69, dossier « Commissions de la Conférence interalliée des ministres de l’Éducation. 1942-1944 ».
Fondation de la France Libre, fiche d’admission n° 31 332 à l’Association des Français Libres, 12 janvier 1953.
Service historique de la Défense, château de Vincennes, dossier GR16P271872.

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