Xavier Trellu
Xavier, Urbain, Marie Trellu naît le 15 décembre 1898 à Tréboul, dans la commune de Douarnenez, dans le Finistère. Il est le quatrième garçon et le cinquième enfant de Jean Trellu, contremaître, et d’Urbaine Rouzot. Élève au lycée Saint-Vincent de Quimper jusqu’au baccalauréat en 1917, il est mobilisé le 16 avril 1917, entre la première et la deuxième partie du baccalauréat, comme quartier-maître fourrier dans la Marine au deuxième dépôt de Brest, avant d’embarquer à bord du chalutier Maroc, qui fait partie de la 7e escadrille de patrouille, au sein de la division navale de Syrie, en 1918-1919.
Démobilisé le 16 avril 1920, il prépare pendant trois ans une licence de lettres à la Sorbonne et devient surveillant au collège Stanislas. Boursier d’agrégation à Lyon à partir de 1924, il obtient la même année son diplôme d’études supérieures et tente l’agrégation, qu’il passe avec succès en 1929. En parallèle à ses études, il mène des activités de sportif de haut niveau, participant avec l’un de ses frères aux Jeux olympiques d’Amsterdam en 1928, au cours desquels il manque de peu une médaille d’or en yachting. Il est également licencié en football et joue à plusieurs reprises en interrégional.
Professeur de lettres au lycée de Quimper à partir de 1927, il est mobilisé à la déclaration de guerre, en septembre 1939, mais rappelé par le recteur et affecté spécial au lycée de Quimper, où il demeure professeur de première.
En juin 1940, deux jours avant l’arrivée des Allemands, il tente d’embarquer, avec une quarantaine de ses élèves, à bord du Viking, un navire néerlandais, mais tous sont ramenés à terre, sur ordre de la préfecture peu avant le départ. À défaut de pouvoir partir pour l’Angleterre, Xavier Trellu tente de « faire quelque chose » sur place. Entré en relations avec un dénommé Laouénan, agent d’assurances, et avec la comtesse Edwina de Kerdrel, née Halsey, il mène des activités de renseignements et d’évasion, favorisant le départ de militaires désireux de poursuivre le combat. En juillet, le lieutenant d’artillerie Eugène Déchelette, évadé de Lille, et le sergent Zimmerman, du 130e régiment d’infanterie, embarquent pour l’Angleterre à bord d’une vedette appartenant à la comtesse, sur la plage du château de Kerambleiz, propriété des Kerdrel, située sur la rive sud de l’Odet, dans la commune de Plomelin.
En octobre 1941, Xavier Trellu noue des contacts avec la famille Benoît, installée rue des Gentilhommes, qui appartient au réseau Johnny, mis en place par Robert Alaterre et Jean Le Roux, deux agents envoyés de Londres par le 2e Bureau de la France Libre en partenariat avec l’Intelligence Service. Son but est alors de partir pour l’Angleterre. Là, il fait la connaissance d’Alaterre, qui le détourne de son projet et le convainc de se mettre au service du réseau. Deux fois par semaine, Xavier Trellu, qui occupe alors les fonctions de directeur du Centre régional d’instruction physique et des sports, se rend chez les Benoît pour lui remettre des documents. Ses activités lui valent, après-guerre, d’être homologué agent P1 du réseau avec l’indicatif « Johnny 75 » à compter du 1er janvier 1942.
À la mi-février 1942, plusieurs membres du réseau sont arrêtés, dont l’un des frères de Xavier Trellu, Joseph, industriel dans les boîtes métalliques à Concarneau et ami de Louis Chavaroc. S’il n’est pas lui-même inquiété, Xavier Trellu n’a plus, selon ses propres mots, « d’activité qui vaille la peine d’en parler ».
Au début de 1943, il sollicite l’abbé Carriou, responsable depuis Tréboul d’un réseau d’évasion par l’Espagne, afin de passer en Angleterre. À la suite d’un souci lors d’un passage par les Pyrénées, cette filière est interrompue, et c’est finalement à bord d’un malamok (ancien bateau de pêche de Douarnenez, à moteur, long d’une vingtaine de mètres) que Xavier Trellu doit partir de Tréboul pour l’Angleterre.
De retour à Quimper, celui-ci informe Barre, l’un de ses collègues au lycée, qui s’occupe de loger des aviateurs alliés abattus lors de missions de bombardement, et propose d’en emmener trois avec lui. Cachés pour l’heure dans une ferme, à Paule (Côtes-du-Nord, actuellement Côtes d’Armor), il est prévu de les réceptionner en gare de Douarnenez le 5 avril, à 17h30. En retour, Xavier Trellu demande à Barre d’avertir ses parents de la réussite de son évasion dès la transmission du message : « Sainte Anne a bien fait les choses », conçu par l’abbé Carriou, sur les ondes de la BBC.
Le jour dit, les trois hommes sont conduits à leur arrivée chez Claude Hernandez. Il y a là Gordon Carter, flying officer navigator à la Royal Canadian Air Force, abattu au cours d’un bombardement sur Lorient dans la nuit du 13 au 14 février 1943, Gérard, Albert Morel, sergent mécanicien d’aviation venant d’Afrique du Nord, né le 25 avril 1920 à Longeau (Somme), et Louis Renard, un Parisien né le 23 décembre 1923, lieutenant au long cours récemment libéré de la marine. Ils sont rejoints par Jean-Michel Boucher, né le 12 janvier 1922 à Lorient (Morbihan), et Aldo Luraschi, né le 3 novembre 1921 à Chavelot (Vosges), qui étaient cachés à Gourin (Morbihan).
Le soir du 6 avril, les dix-huit candidats à l’évasion se rendent par petits groupes jusqu’à une petite maison appartenant au pharmacien de Douarnenez retenue par Xavier Trellu. Là chacun remet 4 000 francs et laisse ses cartes d’alimentation et ses documents d’identité. Puis ils rejoignent la pinasse sardinière Dalc’h Mad (« Tiens bon »), propriété de Corentin Colin.
Le lendemain matin, à 8 heures, après avoir embarqué des bidons d’essence, le Dalc’h Mad, commandé par Louis Marec, dit « Lili », quitte le port de Tréboul avec dix-huit passagers à son bord, dont dix de Douarnenez : Xavier Trellu, mais aussi René, Corentin, Joseph Boulic, né le 7 février 1919 à Locronan (Finistère), engagé dans la marine nationale en 1938, embarqué sur l’aviso La Gazelle et récemment démobilisé, Francis Guézennec, né le 1er novembre 1924 à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), Alain Kervarec, Auguste Kervarec, né le 2 janvier 1921 à Ploaré (Finistère), Jean, Joseph Kervroedan, né le 18 juillet 1921 à Douarnenez, Guy Pennaneac’h, né le 30 juin 1913 à Le Palais (Morbihan), Pierre, Victor Salez, né le 25 juillet 1920 à Crozon (Finistère), Pierre Sergent, né le 19 juin 1919 à Douarnenez, et Jacques Talec, né le 1er novembre 1922 à Douarnenez. Parmi les jeunes Bretons qui l’accompagnent six ont été des élèves de Xavier Trellu au lycée de Quimper. Parmi les autres, il y a, outre Carter, Morel, Renard, Boucher et Luraschi, Marcel Le Guillou, un évadé d’Allemagne né le 10 octobre 1925 à Rennes, Pierre Montagne, né le 14 novembre 1901 à Mons-en-Barœul (Nord), et Marcel Renaud.
Après une traversée très dure, marquée par une mer très agitée puis par panne de moteur et une voie d’eau, le bateau atteint la côte anglaise aux environs du cap Lizzard, sur la côte sud-ouest de la Cornouailles, le 9 avril. Récupéré par deux vedettes garde-côtes, il est guidé vers le port de Newlyn, où il arrive en fin de journée. Le soir même, après un bref interrogatoire, les dix-neuf hommes, accompagnés par des agents de l’Intelligence Service, prennent le train pour Londres, où ils arrivent le lendemain, et sont retenus pendant vingt-trois jours à Patriotic School, avant d’être remis aux autorités de la France Libre. Le général de Gaulle les reçoit à Grosvenor House.
Interrogé le 6 mai par la section de contre-espionnage du BCRA, Xavier Trellu signe trois jours plus tard un engagement volontaire dans les Forces navales françaises libres, avec le matricule 370 FN 43. Stationné à la caserne Surcouf, il est affecté auprès de l’état-major particulier du général de Gaulle à compter du 1er juin, le colonel Passy, chef du BCRA, obtenant son affectation, à titre provisoire, auprès de la section R, sous les ordres du lieutenant Tony Mella et de son adjoint Stéphane Hessel, où il assure l’instruction des jeunes devant partir en mission.
Le 16 juin 1943, René Cassin, commissaire à la Justice et à l’Instruction publique, réclame sa nomination auprès de ses services, afin de l’employer « dans l’enseignement français au Levant », où les œuvres françaises souffrent d’un manque de personnel. Remis à disposition du commissariat à la Marine à compter du 1er juillet, il doit passer sous la direction de Gabriel Bounoure, inspecteur des œuvres françaises au Levant, qui le demande pour « remplir les fonctions de professeur à l’Institut français de Beyrouth » et devenir son adjoint à l’inspection.
Toutefois, Xavier Trellu ne peut rejoindre son poste. Envoyé en Algérie le 24 novembre 1943, il attend pendant trois mois son départ pour la Syrie, avant de demander à rejoindre les cadres des officiers de liaison administrative. Reçu à l’examen, il intègre, en mars 1944, l’état-major général comme officier de liaison. Promu à la 2e classe le 1er mai 1945, il est démobilisé le 16 juin et versé dans le corps des ORIC (officiers de réserve interprètes et du chiffre) en octobre.
De retour dans le Finistère, Xavier Trellu prend la présidence de la fédération départementale du Mouvement des républicains populaires (MRP) et se fait élire au conseil général, où il siège jusqu’en 1951. Candidat malheureux au Conseil de la République en 1948 sur la liste du MRP, il est élu sénateur du Finistère en 1955, puis député en 1958.
Titulaire de la croix du combattant, de la médaille de Syrie et de la médaille des Évadés, il a été promu officier de la Légion d’honneur en 1966. Il meurt à Douarnenez le 25 septembre 1998.
Bibliographie
Emmanuel Couanault, Des agents ordinaires : Le réseau « Johnny », 1940-1943, Locus solus, 2016.
VAE (cr) Émile Chaline et CV (h) Pierre Santarelli, Historique des Forces navales françaises libres, tome 3 : Annuaire biographique des officiers des Forces navales français libres, Vincennes, Service historique de la Marine, 1998, p. 572.
Dr Antoine Vourc’h, « Les réseaux d’évasion bretons », Revue de la France Libre, n° 71, septembre-octobre 1954.
« L’évasion du Dalc’h Mad », Revue de la France Libre, n° 89, juin 1956.
Fiche biographique de Xavier Trellu sur le site Internet du Sénat.
Fiche de Xavier Trellu sur le site Internet de l’Assemblée nationale.
Archives nationales, 382 AP 54, dossier « personnel généralité ».
Service historique de la Défense, château de Vincennes, dossier GR16P577356.
Service historique de la Défense, château de Vincennes, dossier GR28P4/221/5.
Service historique de la Défense, château de Vincennes, dossier GR28P11/116.
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