Bernard Gagnant
Bernard Eugène GAGNANT
né le 21 août 1909 à Flamboin-Gouaix (77)
Engagé dans les Forces Aériennes Françaises Libres
Matricule FAFL 35.320
« Disparaît en mer » le 8 juillet 1944 au large d’Arromanches-les-Bains (14)
Agent secret au B.C.R.A de la France-Libre
« Mort pour la France » à l’âge de 34 ans
LE CONTEXTE AVANT SA DISPARITION
Bernard GAGNANT, breveté mécanicien-avion durant son service militaire en 1928, est ajusteur-mécanicien à Reims lorsque la France entre en guerre en septembre 1939.
Mobilisé, il rejoint le groupe de chasse GCII installé sur le terrain d’aviation de Beauvais-Tillé en Picardie. En juin 1940, face à la percée fulgurante de l’armée allemande au nord de la France, son unité doit se replier au sud sur le terrain d’aviation de Francazal-Toulouse.
Après la signature de l’Armistice du 22 juin 1940, Bernard est démobilisé en septembre et retourne dans sa famille à Reims, zone occupée par les allemands. Un mois et demi à peine après son retour chez lui, ne pouvant supporter davantage la défaite de la France, il décide de rejoindre l’Angleterre pour répondre à l’Appel du général de GAULLE.
Après avoir traversé la France, franchi les Pyrénées, passé un mois dans une prison espagnole, être retourné en France, arrivé Marseille, traversé la Méditerranée, Bernard GAGNANT s’installe à Oran en Algérie.
Le 12 décembre 1942, il trouve enfin le moyen de rejoindre les anglais à Gibraltar. A Londres, il signe son engagement dans les FAFL (Forces Aériennes Françaises Libres). Repéré par les services du BCRA (Bureau Central de Renseignements et d’Action), Bernard GAGNANT intègre les Services secrets de la France-Libre en choisissant « Michel Jean BERNARD » comme nom d’emprunt. Il est envoyé suivre la formation pour devenir opérateur-radio et fait un stage de parachutisme.
Ce n’est que fin juin 1944, qu’il est désigné pour participer à sa première mission qui doit l’amener en France dans le cadre de l’opération « PALAIS ». Déposé en Indre-et-Loire à proximité d’une ferme à 40km au sud de Tours, sa mission sera de prendre contact avec les membres de la résistance locale et devenir leur opérateur-radio pour assurer la communication avec Londres. L’agent « Michel BERNARD » est bien conscient du danger, il sait que l’espérance de vie d’un opérateurs-radio en mission dépasse rarement les 6 mois avant qu’il ne soit repéré, capturé et torturé par la police allemande.
Le 7 juillet 1944, Michel BERNARD et cinq autres agent-secrets sont conduits à la Station RAF de Temsford située à 70kms au nord de Londres. Les activités sur cette base aérienne sont réservées aux missions secrètes du SOE (Special Operation Executive). La météo se présente bien avec un clair de lune satisfaisant pour déclencher « l’opération PALAIS ». Deux avions « Lysander Mk IIIA » du « 161 Squadron » sont prévus cette nuit pour cette mission.
L’agent BERNARD ne le sait pas… ce sera sa dernière mission.
SA DERNIERE MISSION
Vendredi 7 juillet 1944, six agent-secrets s’apprêtent à monter à bord des Lysander.
Dans le premier avion, piloté par le Flight/Lieutenant TURNER, trois passagers montent à bord : un belge dénommé VANDESANDE alias Jean, un agent du BCRA Jean SABATIER et un dénommé VATAN de son nom d’emprunt.
Dans le second, piloté par le Captain PER HYSING-DAHL, trois autres passagers : Bernard GAGNANT alias Michel BERNARD, André CUDENNEC alias LESUEUR et Marcel HERVE alias Paul BAUDRY.
Il est 20h40 lorsque le premier Lysander décolle du terrain de Temsford. Le pilote du second Lysander, victime d’un incident moteur, renonce à décoller et doit prendre l’avion de réserve.
Il est 22h30 lorsque l’avion de réserve, « Lysander MA-H V9490 », piloté par le captain PER HYSING-DAHL décolle enfin du terrain de Temsford.
L’objectif de la mission est de déposer les passagers sur la zone d’atterrissage codé « LZ Planète » à proximité de la ferme des Fontaines située 2km au sud-ouest du village de LUZILLE et 20km au sud-est de TOURS.
Il est 5h10 à la Station RAF de Tempsford lorsque le Lysander du Flight/Lieutenant TURNER se pose de retour de sa mission. Il a pu trouver l’objectif, déposer ses trois passagers et embarquer trois autres qu’il ramène avec lui.
Le temps passe. Le jour se lève à Tempsford et toujours pas de nouvelle du « Lysander MA-H V9490 ».
Que s’est-il passé ?
Il est 2h00 du matin, voilà 45mn que l’avion dans lequel se trouve l’agent BERNARD tourne pour tenter de repérer la zone d’atterrissage. Le pilote signale qu’il renonce et fait demi-tour en mettant le cap au Nord. Sur le chemin du retour le pilote a comme consigne de suivre le couloir aérien sécurisé qui doit le faire passer au-dessus Trouville sur la côte normande. Il doit éviter absolument la zone des plages normandes du débarquement qui sont sous haute protection.
Il est 3h00 du matin lorsque le « Lysander MA-H V9490 » atteint la côte normande, il vole à une altitude de 3200 m.
Malheureusement le cap suivi par l’avion les a amené plus à l’ouest, il se retrouve maintenant à survoler le secteur américain de la tête de pont du débarquement dans le secteur d’Arromanches. C’est à ce moment que l’avion subit les tirs nourris des batteries de la défense anti-aérienne américaines et poursuivit par des projecteurs.
Après dix longues minutes l’avion finit par sortir de cette zone dangereuse. Le pilote est blessé à la main. L’avion est touché, un aileron est pratiquement arraché et le réservoir d’huile est percé, l’équipement radio est endommagé. BERNARD et BAUDRY ont compris la gravité de la situation mais ils n’informent pas LESUEUR qui est devenu extrêmement nerveux. Sans huile le moteur va finir par se bloquer. Le pilote décide de se poser en mer plutôt que de tenter un retour vers la côte au risque de se faire abattre définitivement par la DCA.
L’avion se trouve désormais à environ 30kms des côtes normandes. Le captain PER HYSING-DAHL plutôt confiant va mettre à exécution la pratique d’un amerrissage en mer. Les passagers quittent leurs vêtements et leurs chaussures. Le pilote se place face à la lune pour repérer les mouvements de la mer dans ses reflets, ouvre la verrière du cockpit avec l’aide de BAUDRY, baisse la queue de l’avion avant l’impact, les roues du Lysander touchent l’eau, la queue de l’avion bascule brutalement en avant. L’avion est debout sur le nez. Les vagues s’engouffrent rapidement à l’intérieur du cockpit. Les 3 passagers se retrouvent dans l’eau. Le pilote arrive à retirer son harnais et s’extrait de l’avion.
Il est 3h25 du matin. BAUDRY crie : « Tout va bien ?… il ne faut pas se séparer ! »… les 3 autres répondent : « Ok ».
Un instant plus tard BAUDRY relance « Tout va bien ? » mais cette fois-ci 2 voix seulement répondent « Ok »… le pilote signale qu’il a vu disparaitre BERNARD.
Brusquement retenti alors le bruit caractéristique du gonflement automatique d’un « dinghy » (bateau pneumatique de sauvetage) qui se trouvait dans l’avion et qui vient d’apparaitre. BAUDRY aide le pilote à monter à bord et récupère aussi 2 sacs blancs contenant le courrier qui flottaient près d’eux. LESUEUR est perdu de vue… mais finit par appeler « Au secours ! »… après quelques minutes ils finissent par s’approcher de lui et le hissent à bord.
Il est 5h00 du matin. La mer est mauvaise. Les naufragés sont trempés à chaque vague. Le froid devient insupportable… LESUEUR divague… puis perd connaissance !
Il est 6h10 du matin. Le pilote s’écrie : « Ship, Ship ! ». Un navire est aperçu à environ 2km. LESUEUR a repris conscience et tente d’envoyer une fusée de détresse. Très nerveux, il fait tomber le premier paquet de fusées à l’eau. Le pilote prend un second paquet et réussit à faire partir une fusée. Le bateau stoppe, et au grand désespoir de tous reprend sa route. LESUEUR est de plus en plus nerveux et s’agite de tous sens au point de renverser BAUDRY qui tombe à l’eau, ce dernier finit par remonter à bord du dinghy.
Il est 7h15 du matin, quand ils aperçoivent un navire s’approcher d’eux, c’est une vedette-torpilleur américaine, la « MTB USSC 657 ». Des membres de l’équipage aident les rescapés à se hisser à bord. Les premiers secours sont donnés à LESUEUR, malheureusement il meurt deux heures plus tard.
Il est 22h00 lorsque les deux autres rescapés sont débarqués en Angleterre au port de Plymouth où un agent de « l’Intelligence Corps » les accueille sur le quai.
Ainsi s’achève la mission du « Lysander MA-H V9490 ». L’agent Paul BAUDRY de retour à Londres le lendemain demandera à repartir pour finir d’accomplir sa mission. L’agent André CUDENNEC alias LESUEUR sera inhumé au cimetière militaire de Brookwood près de Londres.
Concernant Bernard GAGNANT, il sera déclaré « disparu en mer », présumé mort par noyade en date du 8/7/44 au cours de sa première mission de guerre.
Estimation du lieu de la disparition à environ 40km des côtes normandes.
Pour en savoir davantage sur le parcours de Bernard Gagnant, vous pouvez télécharger sa biographie complète au format PDF (prochainement disponible).