La marine marchande de la France libre
C’est dans le domaine de la marine marchande que la France Libre a apporté à l’Angleterre l’aide la plus massive. Aux quatre navires de commerce qui décident spontanément de poursuivre la lutte en ralliant Gibraltar, s’ajouteront dans les mois suivants 162 navires totalisant près de 700 000 tonneaux, soit le quart de la flotte de commerce d’avant-guerre. Faute de personnel, seuls 66 bâtiments pourront être armés et ils seront, dès lors, sans cesse à la mer, naviguant sur tous les océans, exposés aux mêmes dangers que les escorteurs qui les convoyaient. Pour chacun d’eux, le fait d’arriver au port avec une cargaison intacte était une victoire : « Dans la marine marchande, on n’arrive au port que pour en repartir, écrira le général de Gaulle. Encore est-on bombardé pendant les escales. (…) Souvent, on doit combattre, tirer le canon, manœuvrer en catastrophe pour éviter la torpille ou la bombe. Il arrive que le bateau coule et qu’on se trouve soi-même barbotant dans l’eau glacée où, tout autour, se noient les camarades ». (Mémoires de guerre)
Intégrée à l’état-major des FNFL-FAFL jusqu’en septembre 1941, la marine marchande de la France Libre fut ensuite directement rattachée au commissariat général à la Marine, formant un service séparé*. Les équipages des navires de commerce ne constituaient pas, à proprement parler, des unités combattantes, mais ils participeront activement à de plusieurs batailles, telles que l’opération Menace (septembre 1940) ou l’évacuation de Singapour (février 1942). En 1941-1942, quatre cargos furent torpillés par l’ennemi (le Gravelines, le Djudjura, le PLM 22 et l’Île-de-Batz). Au total, 29 navires marchands furent détruits par les sous-marins, les bombardiers, les vedettes, les mines ; pour la seule année 1942, 157 marins de commerce disparurent dans l’Atlantique.
Sept grandes figures de la France Libre appartenaient à la marine marchande, parmi lesquelles l’armateur Jacques Bingen, d’abord directeur de la marine marchande de la France Libre, puis délégué du CFLN en zone sud, avant d’être arrêté le 13 mai 1944** ou le capitaine de corvette Hubert Amyot d’Inville, commandant le 1er régiment de fusiliers marins à Bir Hakeim, tué en Italie le 10 juin 1944 .
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* En mars 1942, elle sera enfin rattachée au commissariat à l’Economie.
** Il se suicidera quelques jours plus tard pour éviter de parler sous la torture.