L’action des forces françaises dans l’opération Overlord

L’action des forces françaises dans l’opération Overlord

L’action des forces françaises dans l’opération Overlord

Par Maurice Chauvet, ancien du 1er BFM Commando

Malgré leur modestie, les petits contingents français ayant participé au 6 Juin avec les Alliés méritent d’être étudiés, leur action étant peu connue.

En réalité, dans les troupes mises à terre le 6 juin, nous trouvons trois grands groupes nationaux : Angleterre, Canada, USA. À côté de ces géants, le Commando français était un bien modeste contingent. Pour être objectifs, nous devons signaler le petit nombre de Luxembourgeois servant aux troupes françaises du n° 4 Commando, ce qui amènerait à cinq le nombre des pays représentés.

Dans la flotte et l’aviation, figuraient des représentants de tous les pays alliés : Grecs, Belges, Polonais, Norvégiens, Hollandais, etc. Mais, attachons-nous aux Français, dont la participation modeste permet une étude exhaustive.

À cette époque, les Forces Françaises se divisent en deux groupes : Forces Françaises Libres (Free French Forces) et Forces Françaises d’Afrique du Nord (Giraud) dont la grande opération sera le débarquement de Provence ; mais, certaines unités participent à Overlord, et nous les avons nettement distinguées.

I – Forces Navales Françaises Libres

À Sword, le 1er Bataillon Fusilier Marin Commando groupe 177 hommes divisés en deux troupes et une section mitrailleuse intégrée au n° 4 Commando franco-britannique. C’est la seule unité française qui prit pied entièrement en France le premier jour.

Le badge de l’unité est un écu de bronze, surchargé de la dague commando. Il est encore actuellement porté par les Commandos Marine.

En forces navales, nous trouvons, face à Juno, le torpilleur La Combattante qui réduisit un blockhaus et une batterie sur la plage, et dans le même secteur la frégate La Découverte et la corvette d’Estienne d’Orves en escorte de convois. Face à Utah, les deux corvettes Aconit et Renoncule, et, accompagnant des convois américains devant Omaha, les frégates Escarmouche et L’Aventure et la corvette Roselys (on notera que l’insigne représenté ici pour la Roselys est celui de l’époque, identique pour toutes les corvettes. C’est en France, beaucoup plus tard, qu’un insigne comportant une croix de Lorraine fut édité). (1)

Face à Gold, la frégate La Surprise accompagnait les convois. Dans la matinée, les huit MTB (Motor Torpedo Boat) de la 23e flottille patrouillèrent au large des îles anglo-normandes, tandis que sept chasseurs français, dont nous avons reproduit les insignes, donnant noms et numéros, effectuaient des patrouilles.

II. – Forces Navales d’Afrique du Nord

Après un séjour aux États-Unis pour refonte et complément d’armement, les deux croiseurs de 7 500 tonnes Georges Leygues et Montcalm, participèrent à la préparation d’artillerie de la plage Omaha. La petite histoire a noté qu’un coup au but du Georges Leygues atteignit l’embase d’une casemate de la batterie de Longues, mais ce détail est douteux.

III. – Forces Aériennes Françaises Libres

Deux escadrilles de chasse : « Alsace III/2 » et « Île-de-France IV/2 ». Le groupe de bombardiers légers « Lorraine I/20 ». Cette dernière escadrille fut chargée de tendre le rideau fumigène devant les barges d’assaut d’Omaha.

IV. – Forces Aériennes d’Afrique du Nord

Deux escadrilles de chasse : « Cigognes 1/2 », gardienne du prestigieux insigne de Guynemer, et « Berry 2/2 ». Deux groupes de bombardiers lourds : « Guyenne 2/23 » et « Tunisie 1/25 ».

V. (2) – Pour être complet, nous devons noter le sabordage volontaire au large de Ouistreham de quatre vieux bâtiments français, pour former un Gooseberry (nom code des brise-lames), face à la plage Sword. Il s’agissait tout d’abord du vieux cuirassé Courbet qui, durant toute la guerre, avait tenu lieu de batterie de DCA à Portsmouth, et de trois bâtiments de commerce hors d’usage, les cargos Forbin, Formigny et SNA 8.

VI. (3) – Nous devons aussi rappeler l’action, dans la nuit du 5 au 6 juin de l’échelon précurseur du 2e Bataillon Parachutiste FFL dont quatre sticks (30 hommes environ, sous commandement du capitaine Déplante et du lieutenant Marienne dans le Morbihan, lieutenants Bottela et Deschamps dans les Côtes-du-Nord) furent largués en Bretagne. Le gros de l’unité arriva dans les jours suivants, amenant le regroupement et le combat de Saint-Marcel, qui entraîna de terribles représailles contre les malheureuses populations civiles morbihannaises. Leur insigne, porté sur un béret noir, était celui du « Parachute Regiment » anglais amputé de la couronne britannique.

La part prise par les maquis bretons, dès les premières heures, nous a fait un devoir de rechercher leurs insignes : FFI du Finistère dont le modèle, imprimé sur métal par des maisons spécialisées en boîtes de sardines, semble le plus ancien ; celui du Morbihan, copie très exacte de l’insigne FNFL et l’écu FFI préféré des FTP, car sans croix de Lorraine.

Pour mémoire, l’insigne officiel FFI, bien que créé tardivement, symbolise la Résistance française dont l’efficacité a été comparée, par certains chefs militaires alliés, à celle de 15 divisions.

L’action de la Résistance Intérieure

Concernant l’action de la résistance lors du débarquement du 6 juin on peut lire dans La France et son Empire, tome 2, page 278 :

« Mais la dernière surprise fut celle que réservait la Résistance française aux 55 divisions ennemies réparties sur le sol français, et que Rommel s’apprêtait à concentrer. Selon l’évaluation du général Eisenhower, celle-ci a représenté, dispersées sur le territoire français, l’équivalent de 15 divisions.

C’est à l’action des FFI qu’on dut, en effet, de voir :

– la 17e Panzer tourbillonner pendant plusieurs jours entre Bordeaux et Poitiers ;

– la 2e Panzer « SS Das Reich », partie le 6 juin de Montauban par la route, la voie ferrée de Toulouse à Brive étant entretenue constamment coupée, n’arriver en Normandie que le 17 juin, ayant été attaquée par le maquis du Lot, de la Corrèze et de la Haute-Vienne, ce qui nous valut le mas­ sacre d’Oradour, le 10 juin ;

– la 11e Panzer, venue du front de l’Est, mettre trois fois plus de temps pour couvrir 450 kilomètres que pour franchir les 1650 kilomètres séparant la Russie de la frontière française.

Le chaos maintenu sur les communications ferroviaires devint tel qu’il fallait, au début de juillet, huit jours pour effectuer le trajet Genève-Paris qu’on effectuait autrefois en sept heures.

Du 6 juin au 26 juillet, c’est-à-dire du débarquement à la rupture d’Avranches, sept divisions allemandes ne purent rallier le champ de bataille de Normandie :

– 2 divisions fixées en Bretagne (la 1re DI et la 5e Para),

– 1 division fixée dans la région du Mans (la 715e DI),

– 1 division fixée dans la région de Paris (la 116e Panzer),

– 1 division fixée dans le Massif Central (Ost Légion),

– 2 divisions dans la région de Toulouse-Bordeaux-Pyrénées (la 181e et la 272e DI).

Au total :

– 3 Panzer retardées au moment décisif de la bataille des plages ;

– 7 divisions littéralement « fixées » par la Résistance française dans les semaines critiques où le succès du débarquement demeurait encore en suspens, ce fut là, il faut bien l’avouer, l’un des plus importants « dessous » du débarquement.

(1) Cet article était accompagné de la représentation d’un certain nombre d’insignes. La mauvaise qualité de la reproduction ne nous a pas permis de l’utiliser ici. (N.D.L.R.)
(2) Ce paragraphe aurait dû être rattaché au F.N.F.L.
(3) L’auteur aurait dû utiliser le titre « Forces Terrestres Françaises Libres » pour ce paragraphe (N.D.L.R.).

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 247, 2e trimestre 1984.