Françoise Thibaux

Françoise Thibaux

Françoise Thibaux

Puisque Françoise Thibaux, médaille de la Résistance, croix de Guerre, veuve de Pol Thibaux, Compagnon de la Libération et héros de Bir-Hakeim, est allée rejoindre tous ceux de nos camarades de la France Libre qui nous ont quittés depuis 1940, je voudrais rappeler ce qu’elle fut à l’époque où le désespoir mêlé aux grandes espérances rendait tout naturels les plus grands sacrifices.

Françoise de Juge-Montespieu, comme elle s’appelait alors, n’avait pas tout à fait 20 ans lorsque à Londres même où elle enseignait le français dans une famille, la France Libre de Charles de Gaulle remplaça dans les cœurs patriotes la France consentante de Philippe Pétain. Sportive, remarquable cavalière dès l’enfance, elle était la fille d’un cavalier célèbre ; sa mère était anglaise. Elle parlait les deux langues sans accent.

Dès les premières heures de l’appel du 18 Juin elle se présenta à Saint-Stephen’s House et fut engagée, sans conditions, comme secrétaire. Elle se rappelait que dans le désordre et la pénurie qui régnaient en ce quartier général des premiers jours, portant une lourde machine à écrire dans un escalier, elle reçut l’aide silencieuse d’un officier de haute stature. Ce n’est qu’ensuite qu’elle reconnut en lui le général de Gaulle.

Aussi longtemps qu’elle travailla dans les bureaux de St-Stephen’s House, puis de Carlton Gardens, nul volontaire Free French, homme ou femme, ne fut plus dévoué à sa tâche que cette jeune fille ravissante et gaie dont nous étions tous peu ou prou amoureux. Mais une vie de bureau ne répondait pas à sa volonté de servir qu’elle entendait concilier avec son goût du risque et elle poursuivait, en cachette, pendant ses heures libres, des études d’infirmière.

C’est à ce titre qu’elle rejoignit, en 1943, en Tunisie, la 1re D.F.L. et l’hôpital mobile n° 3. Elle y rencontra son futur mari qui y était chirurgien. À partir de là, ce fut sous les bombardements, dans le sang et les cris des blessés, la remontée de l’Italie, le débarquement de Provence, la campagne des Vosges et toujours, comme le dit sa citation, « l’exemple qu’elle donnait à tous de son dévouement simple et souriant ».

La France Libre de Gaulle a eu l’étrange pouvoir de donner du courage et du désintéressement à des gens dont certains, par nature, en manquaient.

Quant à ceux qui, comme Françoise et Pol Thibaux en étaient déjà largement dotés, elle a fait d’eux, vivants ou morts, de ces exemples qu’on n’oublie pas.

François Coulet

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 208, novembre-décembre 1974.