Alençon
11 août 1944
Deux mois après le débarquement de Normandie, les Alliés progressent, remportant d’appréciables succès, mais non la bataille. A la tête de la IIIe armée américaine, le général Patton marche vers la Bretagne et la Loire. La 2e DB lui est rattachée. Elle a débarqué à Utah Beach le 1er août ; les hommes de Leclerc brûlent de combattre. Ils arrivent en France le jour où la Ire armée américaine fait sauter le verrou d’Avranches, qui fermait encore la Bretagne. Un peu partout, les têtes de pont s’élargissent, mais, pour quelques semaines encore, la résistance allemande interdit de parler de victoire. Les Alliés portent le gros de leur effort sur l’axe Le Mans-Alençon. La division française fera partie du XVe corps d’armée américain du général Haislip, mais Leclerc veillera à ne jamais se laisser absorber par le formidable appareil militaire allié.
Le 6 août, la division fait mouvement sur Avranches ; le soir même, alors qu’elle vient de s’installer à Saint-Mamès, elle est bombardée par l’ennemi. Ce baptême du feu précède de quelques heures un premier contact direct, près de Mortain. Le 9 août, la 2e DB atteint Le Mans, en passant au large d’Avranches. Le lendemain, Leclerc reçoit l’ordre de participer à l’offensive du XVe corps, destinée à opérer une jonction avec l’armée canadienne, qui progresse vers Falaise et Argentan. Les Français de la 2e DB et les Américains de la 5e DB attaquent à l’est de la Sarthe la 9e Panzerdivision, remontée du Sud-Est.
De son PC de la Chapelle-Saint-Aubin, Leclerc fixe les objectifs à ses groupements tactiques : Alençon et le pont sur la Sarthe, Carouges, Argentan : « Le premier bond, écrit André Martel, doit être conduit de manière à atteindre au plus vite les lisières nord de la forêt d’Alençon. Le second doit mener à Argentan en débordant ou traversant la forêt d’Ecouves. » Dans ces premiers combats, Leclerc donne toute sa mesure : il organise les mouvements de ses troupes, se porte en première ligne, houspille les uns, réconforte les autres, ordonne de nouvelles manœuvres lorsque la division est bloquée par l’ennemi. Toujours soucieux de renforcer la coopération blindés-infanterie, il n’a qu’un mot à la bouche : « la vitesse ». Il faut sans trêve filer en avant. Le 10 août, il n’est pas question de s’arrêter avant d’avoir pris Alençon.
Les Allemands sont partout, à l’abri des haies et des bois, prêts à se défendre chèrement, mais Leclerc ne s’en soucie pas. Il ne cesse de répéter : « En avant ! » ou encore : « Départ immédiat ! » Le 11 août, la division française arrache la position de Rouesse, qui commande Alençon. Leclerc est en première ligne ; cela fait plusieurs nuits qu’il ne dort pas : « Il pense aux ponts d’Alençon nécessaires au repli allemand comme à notre avance et qui seront, dans la main de celui qui les aura, la clé de la manœuvre », écrit l’un de ses adjoints, Paul Répiton-Préneuf. Il ordonne des reconnaissances de nuit et lance ses troupes à l’assaut des ponts. Au soir du 11 août, les points d’appui protégeant la ville et les ponts sont conquis. L’ennemi est bousculé, contraint au repli. La 2e DB entre dans Alençon, elle ne s’y attarde pas. Il lui faut maintenant se lancer à l’assaut du massif forestier d’Ecouves. « Dans l’esprit du général Leclerc, explique le général de Boissieu (qui commande alors le PC de Leclerc), il faut exploiter le plus rapidement possible la surprise d’Alençon, c’est-à-dire aller de plus en plus vite. »