La rencontre de Gaulle – Catroux à Fort-Lamy en octobre 1940

La rencontre de Gaulle – Catroux à Fort-Lamy en octobre 1940

La rencontre de Gaulle – Catroux à Fort-Lamy en octobre 1940

Par le colonel André Noël

Le 17 au matin le général de Gaulle quitte Douala pour Fort-Lamy à bord du Potez 540 piloté par le lieutenant Morelle. (Avion et équipage, sous les ordres du capitaine Gence, avaient été mis en fin 1938 à la disposition du haut-commissaire au Cameroun).

Dans le Nord-Cameroun, en vue du poste de Maroua, l’avion a une panne de moteur, le pilote tente de poser son appareil sur le petit terrain de Maroua.

Le terrain trop petit, l’avion roule au-delà de ses limites, et s’arrête, avec quelques dommages pour le train d’atterrissage, au milieu des épineux.

Le Général, accompagné de son officier d’ordonnance, le lieutenant de Courcel, est ramené par l’administrateur de Maroua, à sa résidence.

L’alerte est donnée à Fort-Lamy, et au début de l’après-midi, je rejoins Maroua en avion Potez sanitaire, afin de chercher le Général.

Au terrain d’aviation, le Général, accompagné de Courcel et de l’administrateur de la province de Maroua, arrivent peu après mon atterrissage.

Le Général, de très mauvaise humeur, est mécontent de voir un avion sanitaire et son embarquement avec de Courcel et les bagages dans la cabine exiguë, n’est pas pour le rendre plus satisfait.

Après une heure de vol nous arrivons à Fort-Lamy, et là, toute la population européenne, prévenue de l’arrivée du Général se rassemble au terrain d’aviation, derrière le gouverneur Éboué, pour faire un accueil triomphal au chef de la France Libre.

La vue de ce rassemblement fut pour le Général une grande compensation à sa mésaventure du matin.

Le 18, par téléphone venant de Nigeria, l’arrivée du général Catroux est annoncée pour le début de l’après-midi. Des instructions sont données pour que cette rencontre se déroule dans la plus stricte simplicité. Aucune personnalité sur le terrain d’aviation de Fort-Lamy, et encore moins de photographes.

À 15 heures, l’avion anglais amenant le général Catroux fait un tour au-dessus de la ville.

Le général de Gaulle se rend seul au terrain d’aviation dans la voiture du gouverneur du Tchad.

L’avion de la R.A.F. se pose, s’arrête en bout de piste, le général Catroux en descend, et l’avion reprend immédiatement son vol.

Le général de Gaulle s’avance sur le terrain vers le général Catroux qui vient également à sa rencontre.

Responsable du terrain d’aviation de Fort-Lamy, et commandant les Forces aériennes du Tchad, je suis respectueusement, à distance, le général de Gaulle qui avance vers son visiteur.

Séparés d’environ une quinzaine de mètres, le général Catroux s’immobilise, prend la position du « garde-à-vous », salue militairement le général de Gaulle et dit simplement : « À vos ordres Mon Général ».

Le général de Gaulle continue d’avancer, rend le salut militaire et tend la main.

Je m’éloigne et ne peux entendre la conversation qui commence ; mais je garde l’image du face-à-face de ces deux hommes de grande taille, l’un aux manches constellées d’étoiles faisant acte d’allégeance à l’autre plus jeune et n’ayant que deux étoiles. Moment historique, plein de leçons…

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 201, mai-juin-juillet 1973.