Atrocités allemandes en Russie
L’article « Atrocités allemandes en Russie » paraît dans le n° 20 d’En route, revue bimensuelle des services de propagande des Forces françaises libres en Moyen-Orient, le 15 octobre 1942, pages 10 et 11.
Il se compose d’extraits de la dernière des trois Notes de Molotov sur les atrocités allemandes, dans lesquelles Viatcheslav Molotov (1890-1986), Premier vice-président du Conseil des ministres et ministre des Affaires étrangères soviétique, s’attache à décrire les diverses infractions aux lois de la guerre commises par les Allemands à l’encontre des prisonniers de guerre et des populations civiles soviétiques, dans le cadre de leur guerre d’extermination à l’Est. Ces trois notes sont adressées « à tous les gouvernements auprès desquels l’URSS a une représentation diplomatique » à la fin de 1941 et publiées à Londres, en anglais, en 19421.
Pour les illustrer, la rédaction d’En route accompagne ces extraits de trois clichés « tirés de la troisième note de M. Molotov ». Pris après la libération de territoires soviétiques par l’Armée Rouge, ceux-ci montrent la découverte des exactions allemandes perpétrées pendant l’occupation et les réactions de la population.
La photo en page 11 a été prise, selon la légende, à « Volokolansk ». Volokolamsk est une ville située à 129 km au nord-ouest de Moscou, le long de la voie ferrée qui conduit de la capitale russe à Riga (Lettonie). Elle a été occupée par les forces allemandes du 27 octobre au 20 décembre 1941 et fut la scène de violents combats, à l’occasion de la bataille de Moscou (2 octobre 1941-22 janvier 1942).
Durant cette occupation, début novembre 1941, huit membres du Komsomol (organisation de la jeunesse communiste), recrutés volontaires pour mener une guerre de partisans à l’arrière des lignes ennemies, tombent dans une embuscade. Blessés au combat, ils sont fusillés puis pendus sur la place centrale de la ville, pour effrayer les habitants. Les récits des événements rapportent qu’à la libération de la ville par l’Armée Rouge, les premiers soldats qui entrent dans la ville trouvent les huit corps encore pendus à leur potence2.
La section politique de la 331e division de fusiliers soviétiques, composée de membres du Revvoyensoviet (RVS), le Conseil militaire révolutionnaire, c’est-à-dire des commissaires politiques, organise sur l’emplacement de cette exécution un meeting réunissant population civile, soldats et officiers de la division3. C’est cette scène que représente la photo d’En route.
Cependant, il semble que les pendaisons aient été reconstituées par les Soviétiques après la reprise de la ville, afin de prendre une photographie des atrocités nazies.
1) Vyacheslav Mikhaylovich Molotov, The Molotov notes on German atrocities: notes sent by V.M. Molotov, People’s Commissar for Foreign Affairs, to all governments with which the U.S.S.R. has diplomatic relations, London: His Majesty Stationery Office, 1942, 20 p., et The Third Molotov Note on German atrocities: The third note sent by V.M. Molotov, Peoples Commissar for Foreign Affairs, to all governments with which the U.S.S.R. has diplomatic relations, London: H.M. Stationery Office, 1942, 26 p.
2) Parmi eux figure un partisan juif, N. S. Kagan. Voir Reuben Ainsztein, Jewish resistance in Nazi-occupied Eastern Europe: with a historical survey of the Jew as fighter and soldier in the Diaspora, Barnes & Noble Books, 1974, p. 285, et Reuben Ainsztein, « The War Record of Soviet Jewry », Jewish Social Studies, vol. 28, n° 1, janvier 1966, pp. 3-24.
3) Soviet General Staff, The Battle of Moscow 1941-1942: The Red Army’s Defensive Operations and Counter-offensive Along the Moscow Strategic Direction (édition et traduction de Richard W. Harrison), Helion, Limited, 2015, p. 289.