Louis Mouchon
Louis Mouchon, qui nous a quittés le 30 janvier, est né à Mortrel (Orne) le 17 octobre 1911.
Incorporé dans les Chasseurs Alpins, il fait ses classes dans les Alpes et c’est là et dans cette arme qu’il combat en 1940 contre les troupes italiennes qui, dans son secteur, sont battues et repoussées.
Renvoyé dans ses foyers, il n’a qu’une seule pensée : résister pour prendre sa revanche. Son acharnement et son héroïsme seront récompensés.
Revenu à Marseille en 1940, il réussit à prendre contact avec des éléments qui cherchent à se grouper pour lutter. C’est ainsi qu’il rencontre des Polonais qui forment le Réseau « F2 », Puis Lucas, qui est arrivé de Londres en septembre et formera le Réseau « Brutus ». C’est surtout avec des éléments de ce groupement qu’il militera.
Roger Wybot, qui en fait partie, avait été infiltré dans le service des menées anti-gouvernementales à Marseille. Il forme, par Précaution et souci de décentralisation, avec un certain nombre de ses équipiers déjà entraînés, le Réseau FFL « Ronald ».
Lucas ayant été arrêté à la mi-août 1941, Roger Wybot, archi-brûlé, s’évade par l’Espagne et gagne Londres, suivi par son adjoint, Stanislas Mangin, lui aussi compromis, ainsi que par Tupët-Thomé. Les éléments de « Ronald » continuent leur action sous le nouveau vocable d’Ali. Maurice Andlauer a été désigné comme chef de réseau et Mouchon comme adjoint.
Dans la nuit du 8 au 9 décembre 1941, Mouchon recevait Tupët-Thomé qui revenait de Londres en renfort avec un radio. Les deux hommes se blessent en arrivant au sol. Il les réembarquera fin avril 1942 par opération aérienne, recevant en échange Tavian, pseudo Tir, et un autre radio. Le réseau devint Ali/Tir. Il assurera en particulier un étroit contact avec la Corse et Fred Scamaroni, avant l’arrestation de ce dernier. Il contribuera en août 1942 à l’évasion de Clermont-Ferrand de Lucas, patron de « Brutus ».
En ce même mois d’août 1942, la surveillance du territoire, la CST de Vichy à l’époque, sur les indications des services de contre-espionnage camouflés à Marseille sous l’étiquette « Travaux Ruraux » arrête un membre du réseau. Il finit par parler, amenant en cascade 11 autres arrestations. Les rescapés essayent de faire front. Notre ami Mouchon assure encore une opération aérienne dans la nuit du 22 novembre, ce qui lui permet de renvoyer deux de ses coéquipiers les plus compromis, puis une dernière un mois après, fin décembre. Laval ayant fait transmettre aux Allemands par ses services le dossier Ali/Tir constitué par la police française, ceux-ci, au cours de leurs propres recherches perquisitionnent et inquiètent des familles de personnes compromises. Londres s’émeut et donne impérativement l’ordre de repli général. Mouchon l’exécute, restant le dernier en bon capitaine qu’il est. Ali/Tir a vécu.
Ayant éprouvé sa haute compétence, le BCRA non seulement affecte Mouchon à des tâches de plus en plus importantes au service « Action » allié, mais, malgré ses protestations, ne le lâchera plus, jusqu’à la fin des hostilités. Il accompagnera nombre des avions revenant au-dessus de la France par les nuits de lune, restant ainsi en contact avec ses camarades et les aidant de son mieux.
Chargé de mission de première classe, assimilé à capitaine, il terminera la guerre comme chef de bataillon, officier de la Légion d’honneur, croix de guerre 1939-1945 avec palme, médaille de la Résistance, membre de l’ordre de l’Empire britannique. De retour en France, notre regretté ami est affecté aux Services Spéciaux qui lui offrent d’y faire carrière. Ses talents d’organisateur, son tact, son sens inné de l’homme, encore affiné par son passage dans la clandestinité, lui assurent des postes importants jusqu’à la retraite.
Membre fondateur du conseil d’administration de l’Amicale Action, il est, grâce à son inépuisable mémoire, l’un des rares survivants à connaître tous les épisodes de la Résistance depuis l’armistice de 1940, et dans ce domaine, il est mis constamment à contribution.
En juin 1957, il est désigné par l’Amicale pour représenter les Réseaux Action et les Forces Françaises Combattantes à la Commission Nationale Consultative de la Résistance. Par esprit de probité et au regret de ses camarades, il démissionne du conseil de l’Amicale pour garder une parfaite indépendance au sein d’un organisme officiel où son intelligence, sa compétence et sa droiture firent l’unanimité.
Le vide que laisse Mouchon au sein des familles de la Résistance est immense. Ses camarades de combat, tous ceux qui l’ont connu, unanimes dans leur peine, ne connaissent qu’une phrase à son sujet : « il n’avait que des amis ».
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 242, 1er trimestre 1983.